vendredi 25 mars 2022

Zadig. N°13.

La périodicité trimestrielle de ces 200 pages permet un recul bien utile en ces temps pressés,
et peut valider quelques intuitions opportunes. 
La guerre en Ukraine fait sortir nos réflexions de leurs gonds, ainsi la critique pourtant balancée des aménagements du territoire favorables à l’agriculture trop consommatrice d’eau peut être envisagée différemment quand se pose la question de l’autonomie alimentaire.
Avec bon sens bien bourguignon, Bruno Latour place l’écologie au centre de la vie, il a  expérimenté des « ateliers de description du territoire » inspirés des cahiers de doléance de 1789, pourvoyeurs de réponses profondes à des questions élémentaires : 
« Qui sont ceux dont vous dépendez ? Qu’est-ce qui est menacé ? Que faites vous pour le défendre ? » 
Le thème développé cette fois « La province contre Paris » aurait pu ouvrir la boite de Pandore des surenchères populistes mais ce n’est pas le genre de la maison Fottorino patron du « 1 » et de «Zadig ». 
Alain Rousset président de la Nouvelle Aquitaine convainc en militant pour la décentralisation source de responsabilisation et de créativité à l’encontre d’une inflation de règlements. Un reportage dans de petites communes concernant des normes absurdes va dans le même sens. 
Par contre l’instauration d’une monnaie basque (l’Eusko) ne me semble pas décisive pour simplifier la vie pas plus que la culture du cannabis comme vecteur de dynamisme pour la Creuse et pour moi le terme « colonialiste » appliqué systématiquement aux rapports à la Corse a tendance à s’user.
Les données de Le Bras citant « Paris et le désert Français »(1947) de François Gravier sont parfois surprenantes et le rappel de l’histoire de la décentralisation n'est  pas inutile.
 L'article titré « Le mystère des chevaux mutilés » ( 500 en 2020) éloigne les rumeurs les plus folles et  restitue avec respect les doutes, les angoisses de personnes concernées. La même empathie est perceptible dans un reportage photos dans un camping de la Côte d’Opale : « immobile home ».
Rokhaya Diallo réussit le tour de force de ne pas mentionner le dédoublement des classes de CP en REP lors d’une dénonciation des injustices scolaires, simpliste énumération de poncifs. Et si Éric Fassin rappelle le prix reçu par Giscard D’estaing pour l’accueil des boat-people, l'universitaire doit voir sa honte concernant le manque de générosité de ses compatriotes et de ceux qui les gouvernent atténuée par l’accueil spontané des exilés Ukrainiens, dont il n’avait pas connaissance.  
Quand Philippe Jaenada écrit, il rend plus poignant les récits à propos de personnes disparues et François Henri Désérable en résidence dans la maison de Julien Gracq est inspiré : 
« Pendant l’hiver la Loire a le sommeil léger, alors elle sort de son lit. » 
Agnès Desarthe arrive à nous intéresser avec une histoire au départ pas folichonne.
Les écrivains apportent décidément un plus, sauf cette fois Leïla Slimani balourde quand elle s’essaye à une politique fiction de pacotille. 
Un reporter familier de l’immersion peut aussi être  un révélateur juste en rendant compte avec sobriété de sa semaine avec une équipe de soignants en psychiatrie.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire