jeudi 31 mars 2022

Gustave Courbet. Thomas Schlesser.

Sous l’autoportrait  dit « Le désespéré » devenu célèbre après que les usagers du Métro parisien l’aient vu sur l’affiche d’une exposition de 2007 en le confondant avec Johnny Depp dans le pirate des Caraïbes, le conférencier devant les amis du musée de Grenoble présentait le natif de Franche-Comté (1819) : « De la révolte pour nature ». 
A cette époque, 1840, il se représente  aussi en « Homme à la pipe » alors qu’il quitte Ornans  pour la bohème parisienne muni de la devise du grand-père : « parle fort et marche droit ».
Du romantisme qui règne alors il gardera au-delà d’une subjectivité exacerbée, le sentiment de son individualité. « L'Après-dînée à Ornans » témoigne de son attachement à ses racines et de son engagement socialiste avec ce violoniste distrayant une assemblée indolente sous des lumières cendrées à l’heure où les banquets républicains vont à l’encontre d’une restriction des libertés.
Il dessine un « 
Révolutionnaire sur une barricade » pour le journal « Le salut public » lors de la chute de Louis Philippe en 1848, mais il passe à côté de ces journées révolutionnaires :
« Je ne me bats pas d'abord parce que je n'ai pas foi dans la guerre au fusil et au canon et que ce n'est pas dans mes principes » 
Bien que plus tard  il déclare à Jules Vallès  
« En 1848, il n'y avait que deux hommes de prêts, moi et Proudhon ».
« L’enterrement à Ornans » est-il celui du romantisme, de la République, d’une de ses sœurs ? Il fit scandale en faisant entrer dans le format de la peinture d’histoire les humbles aux trognes colorées par le grand air.
Son ami Champfleury étudie l’art de la caricature, 
 celle qui exprime le « cri du citoyen ».
Le dessinateur Cham ne l’épargne guère, son acharnement étant même révélateur de la force du peintre réaliste : «  Le chef de l’école du laid ». 
Delacroix devant « Les baigneuses » a beau dire « La vulgarité des formes ne ferait rien ; c’est la vulgarité et l’inutilité de la pensée qui sont abominables » fond et formes font fort.
L
e conférencier nous amène à penser que cet éloignement de l’idéalisation des chairs ouvre des significations nouvelles bien qu’inspirées de la tradition « Le massacre des innocents » de Cornelis van Haarlem.
La transgression se manifeste dans  « Le Sommeil »
, aussi intitulé « Les Deux Amies » ou « Paresse et Luxure », l’une d’elle Joanna Hiffernan, la rousse, eut une liaison avec l’artiste mais ne serait pas le modèle de « L’Origine du Monde »
à rechercher plutôt du côté des photographies d’Auguste Belloc.
« La cribleuse de blé »
, malgré son énergie, fut qualifiée de peinture « sale » ainsi que
 « les casseurs de pierres » anonymes au point d’être devenus emblématiques.
Baudelaire qui figure dans un coin du tableau « L’atelier » avait demandé l’effacement du portrait de sa maîtresse Jeanne Duval qui se trouvait à côté de lui, elle ressurgit avec le temps comme un fantôme.
« Le ruisseau du puits noir »
se rapproche d'une radiographie  
comme « Le coup de vent, forêt de Fontainebleau » 
et ses nombreux tableaux de paysages, proches de l’école de Barbizon.
Juan Miro dira sentir « La vague » dans son dos. 
« Son grand apport, c'est l'entrée lyrique de la nature, de l'odeur des feuilles mouillées, des parois moussues de la forêt, dans la peinture du dix-neuvième siècle » Cézanne.
Le chasseur connaît intimement les animaux, « La Remise des chevreuils en hiver »,
il compatit avec « La Curée »  pour laquelle Edmond About 
voit une proclamation de: « l'égalité de tous les corps visibles ».  
Du «  Retour de la conférence » il ne reste qu’une esquisse puisque le tableau a été acheté pour être détruit. L’artiste qui avait cherché la censure.
Le prudent de 1848 devient audacieux sous la commune et bien qu’il défende le patrimoine malmené par ses camarades, il meurt en exil (1877) veillé par son père, ses biens séquestrés, « otage de la colonne » Vendôme qu’il  a contribué à faire abattre. 
« A quoi sert la vie si les enfants n'en font pas plus que leurs pères ? »

3 commentaires:

  1. Mon Dieu, la dernière image me met par terre.
    Ce vers quoi conduit la reproduction... mécanique des tableaux de Courbet dans la société de consommation me met par terre ce matin. Je me demande comment il aurait pris la chose, lui.
    Profondément d'accord pour Courbet comme peintre de la nature, et la noblesse de sa mission dans ce sens. C'est intéressant que les milieux citadins aient trouvé ses tableaux mettant en scène les paysans français "sales" et "vulgaires". A mettre sur le compte de la sempiternelle... guerre ? entre la sensibilité citadine et la sensibilité paysanne ? le rat des champs et le rat des villes ? Les choses sont moins tranchées dans notre modernité mais le quidam qui n'aime pas se penser bourgeois a toujours plus ou moins horreur de la terre qu'il considère comme sale, à comprendre comme source d'infection ou maladies.
    Il y a des tableaux qui me font penser au jeune Vincent Van Gogh dans ses préoccupations de fils de pasteur protestant, comme "Les Mangeurs de Pommes de Terre".
    Une pensée pour Lampedusa, et "Le Guépard" pour rendre compte de ce que cela veut dire d'être attaché à la terre, sentiment que nous avons... perdu, me semble-t-il.
    Merci pour la visite. Où est le fantôme de Jeanne Duval, stp ?

    RépondreSupprimer
  2. Si tu googelises " fantôme de Jeanne Duval" tu vas la voir. Quant au masque je savais que tu réagirais, combien de tableaux célèbres ont désormais leurs produits dérivés, leurs parodies... Bonne journée.

    RépondreSupprimer
  3. Bien sûr que j'allais réagir. J'ai beaucoup de points en commun avec les auteurs du Postillon.
    Et oui... je suis un disque rayé sur certains sujets. Mais celui qui se vante de s'aventurer dans de nouvelles contrées, est-il forcément... vertueux de suivre la foule ? Cela fait des années que je regarde certains amis français brader leur culture à très bas prix pour prendre le train en marche alors que je reste sur le quai à les regarder défiler. Qu'ils puissent être heureux à leur... destination.
    De toute façon, j'ai déjà du dire, en bon disque rayé, que mon paradigme dans cela est bien "Les Bacchantes" d'Euripide, qui a également eu l'impression de rester sur le quai en voyant les autres sauter dans le train en marche pour ne pas rester... en arrière. Pour rien au monde je ne voudrais être Tiresias ou Cadmos dans "Les Bacchantes". Plutôt... Penthée.
    Oui... c'est excessif. Je ne regrette pas, et on ne me le fera pas regretter, d'ailleurs.
    Curieusement, une telle attitude qui exaspère certains, intrigue d'autres, et à certains moments... force le respect.
    J'estime qu'à la longue il n'y a rien à...gagner à brader sa culture. Vraiment rien, et surtout pas... le respect.
    Mais cela suppose de courir le risque d'être impopulaire, et c'est un risque auquel beaucoup de nos contemporains n'osent pas s'exposer. Ma devise : quand on veut plaire à tout le monde on finit par ne plaire à personne, et à être dégoûté de soi-même. Il est déjà trop... tentant d'être dégoûté de soi-même, alors ne nous donnons pas d'armes supplémentaires pour nous flageller.

    RépondreSupprimer