mercredi 30 mars 2022

Strasbourg #2

Nous n’avons pas l’intention de circuler en voiture aujourd’hui. 
Manque de chance, la station de tram proche de la maison est fermée. 
Nous suivons alors les rails jusqu’à la station importante la Rotonde. 
Toujours pas de tram mais une bus navette conduit les passagers  jusqu’aux Halles, d’où ils peuvent récupérer la ligne. Comme nous n’avons pas de billets, le chauffeur nous embarque  quand même à charge de payer nos tickets au terminus du car  pour la poursuite en tram. Mais il s’avère inutile pour nous de continuer en transport collectif.
A pied, nous traversons la place de l’homme de fer fréquentée par de nombreux passants car elle se situe au croisement des lignes principales de trams. Elle doit son nom à une statue d’un hallebardier plaqué  contre un mur ; ce vestige d’un ancien magasin d’armurerie servait d’enseigne.
Puis nous débouchons Place Kleber. Nous découvrons une très large esplanade piétonne et dallée sur laquelle s’élève une statue du grand homme. Un caveau en dessous de la sculpture  contient ses cendres.
An niveau architecture, la place comprend 2 bâtiments  marquants qui se font face : l’Aubette est un édifice néoclassique du XVIII° siècle  tout en longueur destiné au corps de garde, elle appartenait à un projet plus vaste mais non réalisé, quant à la maison de l’orfèvre, elle  montre un exemple typique du style rococo strasbourgeois.
La place Gutemberg possède elle aussi sa statue, trônant avec noblesse devant la chambre de commerce. Ce magnifique bâtiment construit au XVI° n’utilise pas de colombage mais de la pierre de taille réservée en principe aux églises et châteaux.
Des dizaines de lucarnes avec des frontons à volutes percent son toit imposant .A l’intérieur,  une  voûte gothique à l’entrée donne un aperçu des plafonds de la bâtisse.
Lorsque nous nous retournons, deux ruelles étroites sont  obscurcies et dominées par la façade écrasante de la cathédrale.
Le vent froid qui s’y engouffre confirme la légende bien fondée du diable persistant en vain à pénétrer dans le lieu saint.
Saisis par la grandeur du bâtiment enserré dans le lacis de rues, nous nous intéressons  d’abord à l’extérieur.
Le portail central expose un tympan  dépeignant la crucifixion. La croix repose sur le squelette d’Adam et sur les côtés de la passion figurent personnifiées l’église chrétienne d’une part et une synagogue d’autre part représentée les yeux bandés.
Nous identifions sur le tympan de droite la parabole des vierges sages porteuses de lampes à huile et des vierges folles qui renversent leurs lampes, la lumière des cieux ne les éclaire plus. Pour les détourner de Dieu, un tentateur leur fait face, tenant une pomme, affublé dans son dos de crapauds et de serpents accrochés, symboles irréfutables du vice.
Nous franchissons le porche.
La lumière parvient à travers des vitraux parfois très anciens.
Datant de la période romane, une série de portraits de rois s’invitent dans ceux du bas-côté nord de la nef, représentés dans une position figée et un style proche de Byzance. D’autres comme Salomon et la Reine de Saba se réfèrent  plus aux mythes religieux.
La rosace avec ses épis de blé se déploie en majesté dans un diamètre exceptionnel, elle  contribua  beaucoup à la renommée de la cathédrale. Pour le chœur, il  est de style roman et byzantin.
Privé d’un vitrail après un bombardement américain en 1944, il arbore aujourd’hui  une verrière avec le drapeau européen.
Mobilier incontournable d’une église, la chaire finement sculptée, est constituée d’une multitude de statuettes. Elles se découpent dans un réseau de dentelle en pierre caractéristique du gothique flamboyant. L’orgue en « nid d’hirondelle », autre élément lié aux offices,  prend place côté gauche de la nef et s’envole au-dessus des fidèles. Samson chevauchant un lion décore la clé centrale pendante.
De chaque côté deux statues peintes  se détachent en suspens du buffet, sans référence biblique particulière : elles nous montrent un héraut de la ville à gauche, et à droite un vendeur de bretzel nommé Rohraffe (marchand des rues).
Il nous faut attendre 11h30 pour nous joindre à la visite spéciale consacrée à l’attraction vedette du lieu : l’horloge astronomique. Les gardiens se chargent alors de vider momentanément  la cathédrale au profit des gens munis d’un billet de 3€.
Ce sésame  donne droit à un film explicatif en « petit comité » et à l’animation de l’horloge la plus importante de la journée (12h30) dont voici la description et le déroulement :
Toutes les 15 minutes, un ange  frappe la cloche et passe devant le Christ. 
Les  quatre âges de la vie (enfant, adolescent, l’adulte, le vieillard) défilent devant la mort
Toutes les heures, la mort sonne et tourne son sablier
En bas, un calendrier affiche les fêtes religieuses de l’année calculées chaque fin décembre
Les jours sont personnifiés  par des automates à l’apparence de dieux de  l’antiquité.
Ainsi, aujourd’hui, jeudi, c’est au tour de Jupiter d’apparaitre au 1er plan
Les astres et la rotation de la terre par rapport à Strasbourg sont représentés.
A 12h30, le spectacle au complet s’ébranle :
un ange percute  la cloche, la mort lui répond puis bis repetita.
L’ange renverse le sablier : la mort frappe les douze coups ; les douze apôtres passent devant le Christ au-dessus des automates de la mort et des quatre âges.
Pendant le passage des apôtres, à intervalles réguliers, un coq en métal juché sur la   tour qui cache les poids de l’horloge bat des ailes et lance par 3 fois un cocorico rouillé, grotesque.

Ce chef d’œuvre de la Renaissance résume les recherches tant scientifiques, astrologiques, astronomiques, qu’artistiques des hommes de cette époque. 
Il demanda la contribution de nombreux et divers artisans avec parfois des déconvenues quant à son fonctionnement. Mais aujourd’hui, le charme et la magie opèrent encore, jusque dans le bruit des mécanismes.
Le pilier des Anges, voisin, attire lui aussi les regards et l’admiration. Il supporte 12 statues, soit les 4 quatre évangélistes et leurs attributs, 4 anges avec trompettes et 3 anges chargés des instruments de la passion du Christ, enfin le Christ sur un trône et les ressuscités à ses pieds. Sous le poids de la voute depuis le XIII° siècle, il a résisté et contredit les sceptiques qui le jugeaient à sa construction trop audacieux et fragile.

1 commentaire:

  1. Merci pour cette très belle visite qui me donne envie de retourner à Strasbourg... un jour. L'horloge est fantastique. Une merveille d'ingénierie, alliée à un souci esthétique évident, ce qui n'est pas pour déplaire. Une époque où ce qui était fonctionnel n'était pas obligé d'être laid...
    Pour la grande histoire, je relève que tu as parlé de "mythe biblique" par rapport à Salomon.
    C'est la deuxième fois que je relève une telle expression chez mes amis français, et cela me pousse à commenter.
    Il me semble que le mythe souffre de mauvaise presse de nos jours, et qu'il est surtout incriminé pour son... imagination, ses images qui ne collent pas à une réalité "réaliste", qui est, à nos yeux forcément "scientifique".
    Nos débats assez convenus et stériles sur l'opposition binaire "réel" et "imaginaire" sont toujours parmi nous, avec parfois un vocabulaire différent, ce qui est important, certes, mais un même scénario qui tend à disqualifier le travail de notre imagination en façonnant notre... réalité.
    Pour la Bible, contrairement à la mythologie grecque dans son ensemble, il y a un souci non seulement de raconter une histoire, mais de raconter... l'histoire. Ainsi, tu me prendras peut-être pour une dévote, mais je ne vois aucune raison d'estimer que David, ou Salomon n'ont pas réellement existé. Après tout, "on" a déterminé que l'histoire d'Esther que Racine a dramatisé dans sa pièce s'est déroulée pendant le règne d'Assuérus ? en Babylone/Perse.
    Pourquoi David et Salomon n'auraient-ils pas vécus, en chair et en os ?
    Et après, quand on regarde les patriarches de la Bible, Abraham, Isaac, et Jacob, dans la Genèse, on peut voir qu'il n'y a pas de traitement mythologique, idéalisé de leur histoire qui est assez ordinaire, surtout dans leurs rapports avec leurs chipies de femmes... Adam et Evè... oui, pour dire que c'est un mythe. Cela ne me dérange pas.
    C'est, à mes yeux, ce qui fait qu'on ne peut pas globalement lire la Bible, l'Ancien Testament, comme de la mythologie. L'Ancien Testament, dans son traitement de ces patriarches va à l'encontre, justement, d'un traitement mythologique classique. C'est en cela que le Judaïsme n'est pas synonyme de paganisme, et constitue le berceau du Christianisme, et de notre civilisation, sur ce point. On ne peut pas plus lire l'histoire du Christ comme de la mythologie. Après... qu'on a brodé sur cette histoire, c'est une autre affaire. Ici, comme ailleurs, les nuances rendent le monde plus... réel, plus vrai et plus beau... à mes yeux.

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