samedi 27 mars 2021

Le royaume. Emmanuel Carrère.

L’opposition entre la pluralité des opinions permises par la diversité des livres contre l’étroitesse de La Vérité d’un seul Livre est toujours bienvenue. 
Et là au bout de 600 pages essentielles, l’écrivain érudit en recopiant les derniers mots de l’évangile de Jean permet d’entrevoir avec brio la richesse d’un seul Livre : 
« Jésus a fait encore beaucoup d’autres choses. Si on les écrivait toutes, il faudrait tellement de livres que le monde ne pourrait les contenir ».
D’une pratique de la messe quotidienne à la position d’agnostique, le cheminement intérieur de l’écrivain, ses rencontres, ses amitiés, rendent plus intense le récit de Paul et celui de Luc, de Jacques, entre Jérusalem et Rome, en Asie et en Grèce.
L’histoire des premières années du christianisme est passionnante, les interrogations sur notre condition humaine bien mises en perspective, peuvent émouvoir athée et chrétien : 
« Le christianisme était un organisme vivant. Sa croissance en a fait quelque chose d'absolument imprévisible, et c'est normal : qui voudrait qu'un enfant, si merveilleux soit-il, ne change pas ? Un enfant qui reste un enfant, c'est un enfant mort, ou au mieux retardé. Jésus était la petite enfance de cet organisme, Paul et l'Eglise des premiers siècles son adolescence rebelle et passionnée. Avec la conversion de Constantin commence la longue histoire de la chrétienté en Occident, soit une vie adulte et une carrière professionnelle faite de lourdes responsabilités, de grandes réussites, de pouvoirs immenses, de compromissions et de fautes qui font honte. Les Lumières et la modernité sonnent l'heure de la retraite. L'Eglise n'est plus aux affaires, elle a de toute évidence fait son temps et il est difficile de dire si son grand âge, dont nous sommes les témoins assez indifférents, tend plutôt au gâtisme hargneux ou à la sagesse lumineuse qu'on se souhaite, moi en tout cas, quand on pense à sa propre vieillesse. »
 La documentation très complète est rendue vivante par l’interrogation qui ne se relâche jamais de l’écrivain en train d’écrire et du croyant qui s’est défait de ses croyances.  
« La foi, c’est croire quelque chose dont on sait que ce n’est pas vrai. » Mark Twain

 

1 commentaire:

  1. Bon, si les Lumières et la modernité sonnaient l'heure de la retraite de l'Eglise, la modernité ne s'acharnerait pas tant et à 180° des valeurs de l'Eglise pour.. SE PROUVER qu'elle est moderne. Rien de plus épuisant que de se coltiner des êtres qui ont besoin de se prouver.. A LEURS PROPRES YEUX, qu'ils sont adultes, responsables, et puissants. C'est de la CONFITure, ça.
    Cela me fatigue. Jésus disait que le chemin pour ceux qui voulaient le SUIVRE était très étroit, et il avait raison. Le chemin est étroit.
    Mais.. les modernes bornés si convaincus d'être libérés de l'influence de l'église font fausse route, de mon point de vue.
    Carrère a fait comme bon nombre de poètes romantiques anglais au 19ème siècle : il a forgé une vision personnelle de la foi avec les moyens du bord.
    Il se trouve que je préfère infiniment lire Robert Browning, Gerard Manley Hopkins, Yeats, pour entendre ce que les poètes ont fait pour se forger une foi personnelle qu'ils se sont appropriés.
    Mais je respecte ce livre de Carrère.
    Sans respecter l'attitude de défi/révolte puérile qui me fatigue, et fait fausse route, à mes yeux.
    Marre aussi d'entendre ce credo... de la bourgeoise se célébrant encore et toujours sur sa carrière et son "professionnalisme" comme si c'était l'alpha et l'omega d'une vie d'homme ou de femme.
    Une vraie profession.. de foi... bourgeoise.
    Soyons résolument.. modernes. Passons... à autre chose maintenant. Si nous voulons donner un grand coup de pied dans le capitalisme, donnons un grand coup de pied dans le professionnalisme par la même occasion.
    Mais... voulons-nous vraiment être si modernes que ça ??

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