Il nous donne en 300 pages l’occasion de sillonner son
univers, de Moscou à Port Soudan, de la Terre de Feu aux jardins du Luxembourg,
lieux de nulle part à nuls autres pareils, un monde enrichi par la littérature. Il a lu « Les Misérables » au pôle Nord.
Comme l’art contemporain nous y invite, le lecteur a sa part
dans la réception d’un livre. Pour aimer les digressions j’ai été servi, mais je me suis
lassé, même si j’apprécie les cartes postales :
« Sur la côte du
Nordeste brésilien, dans l’Algoas, je suis avec une femme aux yeux verts. Nous
marchons le long de l’estuaire, au crépuscule. Gonflés de lumière, les nuages
ont des couleurs de berlingots »
La mélancolie qui transpire de ses voyages où il se retrouve
souvent seul à table ou au bar font virer « Extérieur monde » à « Intérieur : moi ».
Les parenthèses, les précautions, l’ironie à son égard,
alourdissent le tableau où malgré son œil sur des passantes, ou de belles
énumérations de paysages non conventionnels, on le voit trop se regarder
écrire. Souvent c’est bien dit :
« Tenter de
ressusciter ces grâces aperçues, ces émotions vite évanouies, trouver les
quelques traits qui les feront émerger, vivantes de la nuit des mots, de la
grande cave d’ombre du passé, est une gageure qui n’est pas indigne d’un
écrivain. »
Les citations sont nombreuses, il a connu des gens
considérables, ou d’autres plus rares, Svevo :
« Je ne comprends
pas comment, dans ma sotte vie, il peut m’arriver une chose aussi sérieuse que
la vieillesse ».
Il se défend d’écrire des mémoires, mais amorce des listes,
des inventaires.
Quand il évoque par exemple celui qui continuait à aller à
son bureau dévasté à Sarajevo « pour ne pas se laisser faire », il
nous rappelle quelques signes d’humanité, clignotant dans le récit d’un monde
qui s’éloigne.
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