jeudi 17 octobre 2019

Vélasquez. Damien Capelazzi.

Au début d’un cycle concernant la peinture espagnole, le conférencier devant les amis du musée de Grenoble a fait immédiatement le lien avec l’exposition Picasso qui vient de s’ouvrir place Lavalette. Celui-ci a produit 58 toiles inspirées des Ménines du « peintre des peintres ». Le Rijksmuseum d’Amsterdam en ce moment aussi fait rejoindre Vélasquez et Rembrandt jusqu’en janvier 2020 sous le titre : « L’or du siècle ». 
Diego Rodríguez de Silva y Velázquez né à Séville en 1599, il y a 420 ans, signait souvent du nom de sa mère. Son père ecclésiastique était notaire comme le père de Léonard ou celui de Duchamp. La villes des monastères était à son apogée, quand l’or des Amériques remontait le Guadalquivir (al-wādi al-kabīr) avant que les marchands de Cadix ne prennent la main.
Il fut l’élève de Pacheco et se maria avec sa fille. Le beau-père était contrôleur des images saintes pour le compte de l’Inquisition, homme d’influence et de grande culture.
 A 18 ans, Velasquez peignit l'Immaculée Conception aux vêtements sculptés, entourée de ses 12 étoiles, la lune sous ses pieds,
en diptyque avec Saint Jean l’évangéliste écrivant l’apocalypse sur l’île de Patmos. Son modèle était sans doute son frère.
Les Larmes de Saint Pierre au visage mature où se lit l’influence du Caravage rencontre aussi l’âme andalouse qui goûtait les représentations picaresques.
Saint Thomas  du musée d’Orléans est l’une des trois toiles de Vélasquez qui demeurent en France alors que le Prado en compte 45.
Saint Paul fait partie de cette série des apostolados (apôtres), figures fortes aux épidermes sensibles comme chez Ribera.
Le pain et le vin de l’eucharistie sont là pour Le déjeuner  qui réunit autour de la table les trois âges de la vie. Le genre « bodegon » (nature morte) n’a pas évacué la dimension religieuse. 
En arrière-plan des tableaux du flamand Joachim Beuckelaer, qu’il a pu connaître, des éléments sacrés sont présents derrière les étals appétissants du Marché aux poissons, une allégorie de l’eau, élément primordial comme le feu ou l’air.
Le profane passe-t-il devant le sacré quand Le Christ dans la maison de Marthe et Marie apparaît au second plan ?
La Vieille faisant frire des œufs : « j'avais faim, et vous m'avez donné à manger », l’enfant incline la tête
comme celui qui étanche sa soif avec une eau parfumée à la figue, chez Le porteur d’eau. La cruche et les récipients convoquent le réel, « plein pot ».
Non moins présente, La Vénérable Mère Jerónima de la Fuente en partance pour évangéliser les Philippines tient son crucifix comme un marteau. 
Après le portrait de Luis de Góngora lors d’un premier voyage à Madrid, 
il revint, grâce à Fonseca, à la cour composée essentiellement d’andalous et il apprécia dans les collections royales Le Titien, Véronèse, le Tintoret
Il  réalisa un premier portrait de Philippe IV avant tant d’autres, pendant 37 ans, devenu l’Aposentador Mayor, le peintre officiel. Les traits prognathes des Habsbourg signaient une dynastie.
S’il n’a pas comme Rubens qu’il  a rencontré, une position de diplomate, il voyagea, alla en Italie, peingnit en plein air, avant les impressionnistes, une Vue du jardin de la Villa Médicis à Rome.
La modernité passe devant une antiquité, comme le profane croise la mythologie dans Le sacre de Bacchus dit aussi « Les ivrognes ».
La Tunique de Joseph met en évidence les corps.
Le Christ crucifié, par quatre clous pour le couvent des Bénédictines de l'Incarnation de Saint Placide fut financé par le roi amoureux d’une des religieuses, expiant ainsi sa faute après une mise en scène macabre de la part de la mère supérieure. La présence d’un repose-pied caractéristique de l’école espagnole, donne une certaine sérénité à l’émouvant supplicié, souvent plus sanglant de ce côté là des Pyrénées.
La reddition de Breda est une œuvre pédagogique où s’exprime la magnanimité.
Elle rejoint les portraits équestres de la famille royale dans le palais du Buen Retiro dont celui du prince héritier, Le Prince Balthazar Carlos.
Les militaires ont parfois du temps pour des castings plébéiens, celui qui pose pour le Repos de Mars est bien mélancolique.
Dans sa série des bouffons, certains portant des noms de grands d’Espagne, Le Bouffon aux calebasses, est d’une grande force.
Sur un fond tel que celui de « l’homme de plaisir », Pablo de Valladolid, Manet fit plus tard scandale.
Les ménines, (les demoiselles d'honneur), tableau complexe, présente une famille consanguine compliquée autour de l’infante Marie Thérèse qui épousera Louis XIV. Il est le plus commenté des tableaux : « théologie de la peinture », « philosophie de l'art ».
Vélasquez a su révéler les faiblesses des grands: Charles II dit « l’ensorcelé » fut le dernier de la dynastie qui laissera sa place aux Bourbons.
Innocent X lorsqu’il vit son portrait repris depuis par Bacon, Picasso, s’exclama : « troppo vero ».
Vénus à son miroir, sur soie noire, est d’autant plus remarquable que les nus étaient rares. La beauté a la face floue et la fesse ferme.    
Les Fileuses ou La Légende d'Arachné, sujet littéraire de chez Ovide est un objet baroque pas toujours facile à démêler. 
Dans une de ses dernières réalisations, Mercure et Argos, le messager des Dieux a fermé cent yeux de celui qui devait veiller sur Io transformée en vache pour échapper au courroux de Junon la femme de Jupiter.
L’artiste qui peignit l’or du siècle, ferma ses yeux pour toujours en 1660, il en avait ouvert tellement.
« Vélasquez a trouvé le parfait équilibre entre l'image idéale qu'on lui demandait de reproduire et l'émotion qui submerge le spectateur. » Francis Bacon

1 commentaire:

  1. Je suis intriguée par le tableau de Marthe, et de Marie.
    Il est très rare de voir ce sujet traité en peinture, et pourtant, il est extrêmement important dans l'Evangile.
    Le personnage à côté de Marthe ne figure pas dans l'Evangile à ma connaissance, et Marthe apostrophe Jésus directement pour accuser sa soeur d'être fainéante, et de la laisser faire tout le travail.
    Depuis le temps, je trouve que cet incident montre bien le... clivage entre les affaires spirituelles, et matérielles, comme si Jésus n'aurait pas pu venir directement dans la cuisine et parler PENDANT QUE MARTHE travaillait, au lieu d'aller dans le salon... le lieu des nantis, et délivrer son message avec une Marie rêveuse et béate à ses pieds, en quelque sorte.
    La connaissance est une affaire trop importante pour la réserver au salon... et aux nantis...

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