Quelques mots à propos des 27 films vus pendant dix jours à
Cannes (dans la salle Alexandre III) et à la Bocca (à La Licorne & Studio
13) comme je m’y essaye chaque année http://blog-de-guy.blogspot.fr/2016/05/cannes-cinephile-2016.html,
avant des commentaires plus développés chaque lundi sur ce blog au fur et à
mesure de leur programmation sur les écrans grenoblois.
Je choisirai cette fois une présentation par sélections pour
quelques histoires tournées au Congo, au Chili, en Bulgarie,
dans le Dakota, en Serbie, en Espagne… ou en France quand le Forez peut
sembler aussi lointain que la province chinoise du Shandong,
en Italie où la virginité peut avoir autant de prix qu’à Téhéran.
De la sélection officielle je n’ai suivi la file
d’attente que pour « Vers La lumière » : riche réflexion poétique à travers
la liaison d’une belle audio descriptrice et d’un photographe en train de perdre la vue, de
Naomi Kawase qui avait réjoui tant de spectateurs l’an dernier avec « Les
délices de Tokyo ».
Les séances spéciales ont réservé une belle
surprise avec « Carré 35 »: la démarche intime d’Eric Caravaca dévoilant un secret de famille,
a concerné chacun par l’habileté du montage, sa bienveillance, efficace et
touchante.
Par contre « Claire’s camera » avec Isabelle Huppert en touriste dans
Cannes pour un film entre amis, laisse indifférent, comme le souvenir d’un
amourette furtive de Claude Lanzman où la Corée du Nord n’est qu’un décor dans « Napalm ».
« The ride » qui suit de jeunes Sioux lors d’une chevauchée commémorative en direction
de Wounded Knee est un documentaire intéressant.
« Un certain regard » décerne chaque
année la caméra d’or. L’heure et demie consacrée à la chanteuse « Barbara »
m’avait ému dans un premier temps, car rien qu’à entendre la voix de
« la longue dame brune » je suis transpercé. Et puis à confronter le film
d’Amalric à tant d’autres productions bien plus inventives qui ne font pas les
couv’ de Télérama, j’ai perdu mon enthousiasme initial : l’auto dérision
ne fait que renforcer le nombrilisme quand le n’importe nawak l’emporte.
Par contre « Western » qui reprend tous les codes des
films mythiques à l’ouest du Rio Grande avec des ouvriers allemands en Bulgarie
est passionnant et ce morceau distrayant d’anthropologie, original et
chaleureux, enrichit une réflexion sur notre condition d’Européen.
La
quinzaine des réalisateurs, née après 68, avait repéré une histoire d’amour
entre une jeunette de 18 ans sous la surveillance d’une mère très pieuse et un
jeune gardien de parking situé à proximité d’un camp de Roms, mais l’empilement
des sujets à traiter perturbe la grâce de l’idylle de ces « Coeurs
purs ».
« L’intruse », autre film italien, redonne confiance en
accompagnant une inflexible travailleuse sociale en butte à la mafia pénétrant
jusque dans l’institution qu’elle dirige.
Ce n’est encore pas avec « Jeannette, l’enfance de Jeanne
d’Arc » que j’accèderai à Bruno
Dumont, bien qu’il y ait du Péguy au menu.
Le sourire de Juliette Binoche est appétissant, mais le film «
Un beau soleil intérieur » que Claire Denis lui consacre m’a
semblé bien vain. Il n’arrive pas au garrot de « The rider »
de Chloé Zhao qui nous avait épaté avec
« Les Chansons que mes frères m'ont apprises » après immersion dans une réserve indienne.
Cette fois dans l’intense milieu du rodéo, il convient de bien s’accrocher !
Deux des quatre films des « Talents
en court » valaient le coup : l’un traitant de la bigamie depuis le point de vue d’une enfant et
l’autre d’un casting au collège nommé « Chasse royale » à Valenciennes.
Celui-ci aurait mérité des sous titres tellement la langue comme les conditions
de vie de l’adolescente butée sont violemment étrangères à nos conditions festivalières. Il a empoché le
prix du court métrage.
Figurant dans « La semaine de la critique »,
c’est à « Makala » d’Emmanuel Gras à qui
j’aurai attribué la coupe en or remplie de vin de palme pour son beau conte
élémentaire, essentiel, vrai, dans les pas laborieux d’un charbonnier portant
sa patiente production de charbon de bois au marché de Kinshasa. Pourquoi le
réalisateur de Bovines http://blog-de-guy.blogspot.fr/2012/04/bovines-emmanuel-gras.html n’est pas adoubé par les
sélectionneurs ?
« Gabriel et la montagne » est également fort : le périple
en Afrique de l’Est d’un jeune brésilien s’est terminé tragiquement, son ami
réalisateur en a reconstitué l’histoire.
Dans « Los perros » (les chiens)
un ancien responsable de crimes sous Pinochet fascine une femme désœuvrée de la
bourgeoisie chilienne.
« Téhéran Tabou » réalisé
par Ali Soozandehun, redessine toutes les images en rotoscopie pour dénoncer
l’hypocrisie d’une société où règnent corruption, prostitution, drogue …
L’Association du Cinéma indépendant pour sa Diffusion
(Acid) fréquentée
assidûment, nous
étonne, nous bouleverse, souvent. Un grand cru cette année.
Laurent Poitrenaux est irrésistible dans «
Le ciel étoilé au dessus de ma tête » et transmet sa géniale
dinguerie lors de la confrontation avec sa famille juive voulant le
remettre dans les rails.
« Coby » : Suzanna devenue un
garçon est filmé par son demi frère.
Dans « Last laugth », le dernier tour chez ses enfants d’une vieille dame promise à l’hospice est
riche, pas manichéen, malgré la violence de certaines scènes.
Et la vieillesse, la solitude de « Sans adieu » dans
les fermes du Forez sont bouleversantes.
La dépression d’une femme tout au long du « Requiem
pour madame J. » pourra-t-elle se dissoudre grâce à l’énergie des
jeunes de sa famille ?
« La Madre » est le seul film vu concourant pour Ecrans juniors, il
est parfaitement adapté à ce public : un môme de 14 ans est le
seul à tenir la route dans une famille espagnole perdue.
Le cinéma des antipodes propose des films qui
ne sont que trop rarement distribués en France.
Si « Goldstone » et son inspecteur de police aborigène,
n’est pas inoubliable, « Joe Cinque’s consolation » frappe
les esprits, car écrit d’après un fait divers réel où une jeune femme avait empoisonné
son amoureux suite à un repas dont les convives avaient été avertis de l’issue
fatale.
« Target fascination » n’est pas moins dérangeant, en
mettant en présence le coupable d’un viol et d’un assassinat et la mère de sa
victime.
« The great maiden’s blusch » rapproche deux femmes de
condition différentes qui viennent d’accoucher, sans les pères, de leurs
premiers enfants.
Le problème des familles mono parentales souvent traité dans
les films vus cette année est universel, comme les recherches d’identités où la
dimension religieuse apparaît plus volontiers que jadis. Le capharnaüm règne
dans plusieurs maisons, est-ce celui d’un monde fatigué qui se cache sous des
tas d’objets ? A essayer
d’apercevoir parmi tous ces films les traits saillants de l'époque, il est plus facile de compter les
chevaux mis en vedettes que de caractériser les nombreux personnages fascinés par des individus
toxiques. Cependant les chansons figurent toujours aussi souvent parmi les
moments de réconciliation.
« Que c'est abominable
d'avoir pour ennemis Les rires de l'enfance !
Pour qui, comment, quand et combien ?
Contre qui ? Comment et combien ?
À en perdre le goût de vivre,
Le goût de l'eau, le goût du pain
Et celui du Perlimpinpin
Dans le square des Batignolles ! » Barbara.
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