Pour être à la mode au XXI° siècle, il convient de revenir vers ceux qui tenaient le haut des cimaises au XIX° siècle et connurent l’opprobre au XX° siècle.
Aux « Amis du musée », Gilbert Croué, le conférencier, nous met dans le coût. Les valeurs changent : un tableau de Gérôme se négocie désormais aux Etats-Unis, un million de dollars.
De Verdi (Aïda) à Hugo, Nerval, Byron, l’engouement pour l’ailleurs, l’infini des déserts et les femmes rassemblées dans un harem (qui signifie : interdit) toucha toutes les formes d’expression. Chercher la nudité derrière les murs les plus épais, la liberté au cœur des sociétés les plus corsetées.
Dès le XVII°, « être ottoman, c’était être autre », alors le regard d’un persan éclaira notre monde sous la plume de Montesquieu, et des « Enlèvements au sérail » depuis « la Sublime Porte » se jouaient près de chez nous. Constantinople sur les rives du Bosphore était pittoresque quand l’Orient commençait en Grèce.
L’expédition en Egypte de Bonaparte embarqua bien des scientifiques, elle annonçait des emprises futures. Le mobilier empire emprunta amplement à l’esthétique du pays des pharaons.
Puis vint la conquête de l’Algérie : le tableau représentant « La prise de la smala d’Abd el Kader »par Horace Vernet mesure 21m de long. Désormais à portée de bateau à vapeur, des gens fortunés purent réchauffer leurs images de l’antiquité: femmes à la fontaine et sages bergers. Delacroix, Ingres, Matisse remplirent leurs carnets de croquis et leurs palettes prirent le soleil.
Gérôme Jean Léon (1824-1904), originaire de Vesoul, bachelier à 16 ans, devint l’élève de Paul Delaroche (« Le supplice de Jane Grey ») à Paris. Devenu académicien, chef de file du courant orientaliste, il s’opposa aux impressionnistes bien qu’il fût le condisciple de Renoir à l’époque de ses apprentissages. Ses casques de gladiateurs brillants lui valurent de figurer comme membre éminent parmi les peintres « pompiers », après avoir été étiqueté comme "pompéiste". A ses débuts à l’école dite des « néo grecs » il fait valoir sa maîtrise de peintre animalier avec sa représentation d’un « Combat de coqs ». Bien que le portrait de « Mademoiselle Durand » qu’il rêvait de tenir dans ses bras lui restât sur les bras, pendant soixante ans ses talents vont être sollicités. La précision de son dessin, ses recherches documentaires scrupuleuses, son mariage avec la fille d’un marchand d’art lui valurent les honneurs de fin de siècle jusqu’au regain d’intérêt en 2010 quand Orsay lui consacra une rétrospective. Dans les vieux dictionnaires il était à l’honneur pour représenter des moments historiques, et de scènes antiques, sans poils sous les bras. Il utilisa la photogravure pour une diffusion large de ses productions.
Le dévoilement de « Phryné devant l’aréopage » dans sa théâtralité annonce dit-on les péplums à venir. Sous le baiser de Pygmalion, Galathée ne reste pas de marbre.
Egalement sculpteur méticuleux, il se représenta sur ses toiles où sont rendues avec une précision impressionnante, les nuances des matières, des textures, les harmonies subtiles des couleurs. Nourri par les photographies de Bartholdi avec qui il partit en expédition, ses témoignages sont aimables : celui qui « foule la paille » ou qui achète « une bride », « le marchand de peaux », et ceux qui font commerce de « chevaux », « L’allumeuse de narguilé », et forte « La mort d’un cheval » …
Les carreaux brillent dans les bains maures, les moucharabiehs découpent la lumière comme des dentelles et les lumières sommitales inhabituelles des hammams rendent plus évidentes ses réussites quand elles proviennent d’au-delà de la Méditerranée.
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