mardi 13 septembre 2022

Les cahiers d’Esther. Histoire de mes 16 ans. Riad Sattouf.

Quel meilleur miroir de notre époque que ces tendres chroniques d’une personnalité forte que l’on voit évoluer depuis des années ? 
« Ils sont comment vos darons vous ? Honnêtement je dirai que les miens sont assez cool, enfin, ils sont stricts mais cool, après ils ont de la chance AUSSI parce que je ne suis pas une foldingue comme certaines de mes copines qui sont bien en crise avec leurs parents. » 
Résolument positive, la bonne élève trace sa voie bien qu’elle soit tout à fait indécise sur son orientation professionnelle. 
Elle ignore le conformisme tabagique ou haschischin de son lycée et cultive avec verve une aversion envers les garçons "relous".
Malgré des frictions compréhensibles avec ses parents, elle assure ses babysitting parfois acrobatiques et son rôle de grande sœur avec générosité.
Le rapprochement envers une grand-mère bretonne offre un moment agréable en cette période  qui fut celle des confinements dont j’ai mieux compris les lourdeurs pour les jeunes à travers son zèle tranchant avec la désinvolture des certaines de ses connaissances dont un prof bien peu sympathique. 
L’humour contagieux de l’auteur et son regard vif rendent ce monde plus doux et plus lisible. Nous attendrons avec impatience la sortie d’un nouvel album, indice supplémentaire du temps qui file si vite - « elle a tellement grandi » - pour avoir des nouvelles du personnage « trop sympa » devenu tellement familier.

lundi 12 septembre 2022

Les volets verts. Jean Becker.

J’ai aimé un film pas très bon. 
Un acteur aux cœurs fatigués se noie dans la vodka.
Quand il est question de « clown en train de faire son dernier tour de piste » je sens un projecteur se braquer sur moi et si Depardieu est là, je trinque avec lui.
La fidélité d’une costumière, d’un chauffeur, la compréhension d’un perdant pathétique, subsistent à l’heure des comptes, quand le succès et le confort n’ont pu abolir la solitude.
Il est toujours amoureux de Fanny Ardant telle que l’éternité la change si peu et sa générosité envers une trop belle Stéfi Celma parait si improbable que depuis la sublime villa en bord de Méditerranée qu’il lui offre, on va dire qu’il s’agit d’une parabole. 
Anouk Grinbert est excellente et il suffit à Poelvoerde de paraître.

dimanche 11 septembre 2022

Brûler le feu. Juliette Armanet.

Je suis allé fouiller sur les rayonnages où il y a encore des CD, à la recherche de quelqu’un de nouveau pour ne pas m’en tenir à Bénabar 
et me voilà avec l’entêtant « Dernier jour du disco », pas vraiment dernier jour du rétro, sous une boule à facettes, que pourtant bien peu je fréquentai même dans les années 80.
La nostalgie en arriverait à réhabiliter France Gall et Louis de Funès, le second degré venant dissoudre mon indifférence d’alors.
« C’est la fin
Les statues d’airain
Coulent dans leur chagrin
Ne me lâche pas la main. »
 La musique enjouée rend les tourments dansants « Qu’importe » : 
« Passent les pensées
Passent les étés
Passe tout le temps qu’il faudra tuer »
 Il est beaucoup question de feux :« Tu me play » 
«  Sur ton visage le prélude d’une allumette » 
et bien sûr «  Brûler le feu ».
Mais «  Le rouge aux joues » lui vient souvent : 
« Ma flamme se donne à genoux » 
Généreuse, « J’te l’donne »  
et directe : «  Boum boum Baby » : 
«  Give ce mec là
Point basta » 
Elle joue : « Je ne pense qu’à ça » 
et « Imagine l’amour » : 
«Toi et moi dans la tour
Les étoiles en plein jour » 
Elle a « L’épine » dans la peau : 
« Cette blessure est à toi  
Et tu la vois même pas »  
De quoi être prise par le « Vertigo » : 
« Non j’regarderai pas dans tes yeux
Je veux pas m’y voir » 
« HB2U » (Happy birthday to you) donne la clef d’un agréable moment : 
« … chanter c'est mon délire
Surtout si c'est for you ».

samedi 10 septembre 2022

Une vie sur l’eau. Jean-Claude Raspiengeas.

Sur le modèle de son livre précédent consacré aux routiers, le reporter de « La Croix » nous fait mieux connaître le monde des bateliers. 
« Le Pen-Duick entre au chausse-pied dans les écluses au gabarit Freycinet. Aucune marge possible. Sa coque glisse très lentement contre les bajoyers. Sur le pont, Jasmine joue les sémaphores pour guider son mari. «  Ses bras sont mes yeux » commente Guy, concentré sur les indications de sa femme, qu’il traduit par de très légers correctifs sur le macaron. »
Sur le Rhin, de Paris au Havre, nous partageons le quotidien des gens « d’à bord » depuis huit embarcations impressionnantes, entre deux avitaillements, une fois qu’ils se sont détachés des « Ducs d’Albe » en bief, aux abords d’une écluse, dans les darses d’un port de mer. 
Si je me suis amusé à rassembler quelques termes du métier, les 280 pages sont limpides et ne s’attardent pas aux images de « L’homme du Picardie » bien qu’avec le recours à Simenon ou Jean Vigo, un univers spécifique soit poétiquement évoqué.
« Le regret du délitement des anciennes entraides le dispute à l’éloge passionné de leur singularité. »
A Conflans Saint Honorine et Saint Mammès des musées perpétuent le souvenir d’un âge d’or alors qu’à Saint-Jean-de-Losne  « capitale française de la plaisance fluviale », la nostalgie n’a pas tué l’avenir.
Entre quelques chapitres où des anciens témoignent, de la même façon que les platanes malades du canal du midi sont en voie d’être remplacés, des déterminés appuyés par les pouvoirs publics dont l’Europe, essayent de réparer les abandons, les erreurs stratégiques. 
« Il faut que les français se réapproprient leurs voies d’eau. Nos voisins du nord n’ont pas déserté les leurs. Ils ont rebondi plus vite et mieux que nous ». 
Et dire qu’au nom de l’écologie Dominique Voynet avait renoncé au canal à grand gabarit Rhin Rhône, alors que le fluvial émet deux fois et demie moins de CO2 que d’autres ! 
« En 2020 près de 22 millions de tonnes de marchandises, transportés par une moyenne de 900 bateaux, ont circulé sur le bassin de La Seine. Le transport fluvial a permis d’éviter plus d’un million de camions sur les routes… » 

vendredi 9 septembre 2022

Zadig. N° 14. Eté 2022.

La version trimestrielle de l’hebdomadaire le « 1 » rappelle qu’Internet n’est pas qu’un nuage virtuel quand les entreprises d’Ecommerce et les data centers occupent de plus en plus d’espace sous leurs surfaces bétonnées. Il en est de même des piscines privées (3 millions dans l’hexagone), le marché est en expansion.
A propos du paysage politique et ses transformations, pour comprendre l’extrême droite, il vaut mieux suivre un jeune lepéniste homosexuel en Bretagne ou écouter les fans de Zemour à Toulon que de lire une politologue désignant Finkielkrault comme responsable initial de la montée du RN. Des erreurs factuelles mettent en cause la rigueur de la professeure en Sorbonne lorsqu’elle cite : « l’émission les Grandes Gueules de Pascal Praud sur RMC » : l’ancien journaliste sportif officie sur CNews.
Heureusement, la profondeur des analyses, l’originalité des points de vue de cette revue sont toujours là, avec d'autres rédacteurs.
Un long entretien avec Jérôme Fourquet qui rappelle ses attachements dans la Sarthe et dans les Pyrénées donne encore plus de densité au fin observateur des évolutions de notre pays.
«  Le cœur battant de nos sociétés ce sont les zones périphériques. » 
Alors que souvent des nouvelles insérées, parmi 200 pages d’enquêtes et de reportages rendant compte de réalités complexes, peuvent apparaître comme de formels exercices littéraires : « Le vaste océan du désir des hommes »  de Catherine Cusset est vraiment bienvenu. 
Christophe Boltanski nous renseigne sur l’actualité d’Abdelkader dont une sculpture a été vandalisée la veille de son inauguration à Amboise où il avait été détenu. 
L’étude de faits divers peut confirmer les difficultés de la cohabitation des hommes et des ours en Ariège ou par leur horreur telle que Philippe Jaenada la raconte, mettre en doute le pouvoir des experts qui œuvrent pour la justice. 
Cette fois le journaliste habituellement en immersion a suivi des équipes de nettoyage à Paris ; poubelles, encombrants et coup de balai en fin de marché.
Un producteur de musique revient sur les violences policières qu’il a subies sans stigmatiser toute une profession, son témoignage n’en est que plus convaincant.
Une commande a été passée à des photographes pour une « radiographie de la France » : les carnets de bords de quatre d’entre eux sont intéressants et le portfolio de Laurence Kourcia« Sous les galets, la plage » rafraichissant, familier, bien vu. 
On fait connaissance avec celle qui prête sa voix à la SNCF qui a du retirer à la demande des services juridiques la formule « s’il vous plait » après l’ordre de s’éloigner du bord. 

jeudi 8 septembre 2022

Les rencontres de la photographie. Arles 2022.

Depuis 14 ans que j’alimente ce blog
, je m'aperçois j'ai été plutôt économe de mes enthousiasmes concernant la fête des photographes dans une des plus belles villes que je connaisse, malgré les antivax qui en ont souillé les murs.
Mais nous y revenons chaque année.
Je recharge là mes envies de photographier, bien qu’ayant abandonné mon cher Reflex comme beaucoup d’autres amateurs croisés dans la Mecque du clic clac, désormais débarrassés de leurs objectifs.
J’ai enfin pénétré dans la tour Luma autour de laquelle je tournais depuis son édification.
Plusieurs œuvres sont installées dans cet écrin magnifique où un toboggan géant croise des escaliers monumentaux. 
La vue depuis le 9° étage est superbe et la réhabilitation des alentours complètement réussie.
La magnificence de ce bâtiment ambitieux et original témoigne d’une vitalité revigorante en ces temps où toute construction est critiquée. Nous en restons bouche bée. Pourtant trop de mots accompagnent quelques propositions artistiques absconses que la tour abrite.
La force de la mise en scène de « Live Devil » peut se dispenser des verbiages avec une vidéo de rochers sombres s’entrechoquant au dessus d’une mer de lave inquiétante, pour une évocation de la culture noire américaine.
Le ghanéen Barnor ouvre son portfolio et sa modestie nous le rend tout de suite familier.
« Les ateliers
» attenants ne sont plus le pôle essentiel des « Rencontres »au moment où je m'y suis rendu,
mais la ville toute entière est photogénique dans de nombreuses galeries et autres lieux dédiés, où même des affiches en fin de vie tapent à l’œil.
Dans la ville de Van Gogh, le regard des animaux d’Anouk Grinberg, l’actrice peintre, nous suivent un moment après notre visite . 
L’évocation des luttes des Mapuches au Chili est plus subtile que le reportage sur « les gardiens de l’eau », Sioux opposés à un projet de pipe-line.
Au musée Réattu au bord du Rhône, la profusion des périzoniums de Jacqueline Salmon ressemble trop à un exercice de style
https://blog-de-guy.blogspot.com/2014/04/de-la-parure-la-nudite.html
Les photos depuis 1850 de la Croix Rouge sont elles aussi trop nombreuses pour qu’on  s’y attarde, pas plus qu'ailleurs le recours à la réalité augmentée dans une « Hantologie suburbaine » n’a accru notre intérêt.
Lorsque l’intention porte sur «  Capter le mouvement dans l’espace » comme si ce n’était pas le projet de tout photographe, on pourrait s’attendre à une célébration de la beauté d'autant plus qu’il s’agit de danse : ça devient un exploit que de figer ces corps de si terne façon dans des lieux de répétitions sans âme.
Par contre à la fondation Ortiz la diversité des artistes rend compte brillamment de la variété des « Dress code » du monde.
J’ai aimé choix du noir par le slovène Klavdij Sluban pour évoquer la neige.
Lee Miller a été mannequin, photographe de mode et reporter de guerre un peu comme Sabine Weiss 
Dans une exposition, où sont cités ses maîtres, l’humanisme du Luxembourgeois Romain Urhausen ressort d’autant plus que son style familier rend insignifiantes tant de photographies contemporaines étouffées par la prétention des textes les accompagnant surtout quand on proclame par exemple « Une attention particulière ».
Mitch Epstein rend bien la vitalité des habitants de l’Inde
et Wang Yimo de la place des travailleurs dans l'industrie.
Si je n’ai pas saisi, à Monoprix, les subtilités des technologies du cloud, j’ai vu des nuages.

mercredi 7 septembre 2022

Blois #1

Lors de notre arrivée dans le chef-lieu du Loir-et-Cher nous ne commençons pas par l’incontournable château.
Après nous être rendus à l’Office du tourisme (au pied du magnifique bâtiment), nous nous dirigeons vers l’escalier Denis Papin.
Construit dans le prolongement  d’une artère donnant sur le pont J. Gabriel, il en impose avec ses 120 marches et offre une vue dégagée sur la basse ville et les environs.
Depuis quelques temps, des artistes le personnalisent en tapissant les contremarches afin d’obtenir une œuvre visible de loin.
Ainsi, après une reproduction de la Joconde qui eut beaucoup de succès, cette année, des mots « musique » ou « arts »s’étalent en créant une illusion d’optique en fonction de l’emplacement du spectateur.
Ils rendent hommage à la Fondation du doute (musée d’art contemporain multimédia). Une statue de Denis Papin, inventeur de la machine à vapeur, contemple du sommet les gens qui s’activent.
Une fois les marches gravies,
nous poursuivons vers la Cathédrale Saint Louis
et la roseraie de l’évêché d’où nous jouissons d’une belle vue.
La Mairie avec ses plantations aromatiques accolées marque l’entrée d’une esplanade ombragée au-dessus du jardin aux roses en fin de floraison. Nous arrivons trop tard pour y déambuler mais pouvons l’apprécier de l’esplanade.
Nous redescendons vers la place Louis XII, le quartier des arts.
Puis nous marchons sur la rive le long de la Loire jusqu’au pont Jacques Gabriel.
Cet ouvrage a subi depuis sa création en 1716 les aléas de l’histoire de Blois. Plusieurs fois détruit, plusieurs fois reconstruit, il reste le dernier pont à dos d’âne à chevaucher la Loire.
Après avoir dîné dans une brasserie  (Les Arcades) place Louis XII, nous revenons flâner sur les berges tranquilles où trainent quelques hommes esseulés ou en petits groupes.
La lumière est douce, l’air léger, le fleuve s’écoule doucement.
D’un pas nonchalant nous remontons vers le château assister au son et  lumière.
Il est projeté sur quatre bâtiments d’époques différentes dans une magnifique cour intérieure.
Le public positionné  au centre bénéficie
d’une représentation à 360°.
Tout d’abord l’emblème de François 1er,  une salamandre, parcourt les murs, apparaissant, disparaissant se jouant des fenêtres et des reliefs des façades. 
Et quand enfin la nuit enveloppe suffisamment les lieux, le spectacle débute. Il nous raconte l’histoire du château depuis son 1er seigneur en passant par Jeanne d’Arc,
Louis XII (emblème : le hérisson) et Anne de Bretagne, 
François 1er, Henri III, Catherine de Médicis, l’assassinat du Duc de Guise, Louis XIII sans oublier Ronsard et Villon emprisonné dans les parages dont Wikisource nous dit:
"Dont les dens a plus longues que rasteaux.
Après pain sec, non pas après gasteaux,
En ses boyaux verse eau a gros bouillon ;
Bas en terre, table n’a ne tresteaux :
Le laisserez la, le povre Villon ?"
 
Bien que prisonnier de l’évêque, il bénéficie de la grâce du roi Charles VII, pour lequel il souhaite le bonheur de Jacob, la gloire de Salomon, la longévité de Mathusalem.
Comme si les murs nous parlaient de ce qu’ils avaient vu…
Notre chaumière plus modeste nous attend à Saint Gervais La forêt, bien situé et confortable.