lundi 4 juillet 2022

Decision to leave. Park Chan Wook.

Le film de plus de deux heures « Décision de partir » démarre bien avec deux policiers au stand de tir :  
« C’est plutôt calme en ce moment »
Mais le mélange des genres pour ce dénommé « thriller » ne nous fait pas trembler : comédie un brin burlesque, énigmes à répétition, histoire d’amour sans frisson et couple qui se défait,   omniprésence des téléphones portables.
Un policier tombe sous le charme de la présumée coupable.   
Au-delà des curiosités anthropologiques, des complications scénaristiques s’ajoutent à des étrangetés de comportements, et prennent le pas sur la beauté de certaines images. 
Notre  intérêt s’est lassé. 
......
Pour des rencontres plus enthousiasmantes sur ce blog, il faudra attendre début septembre pour en lire de nouveaux compte-rendus.  
Vous pouvez réviser, il y  a 3292 articles déposés ici depuis 2008. 
Profitez bien de l'ombre.

dimanche 3 juillet 2022

Sous un soleil énorme. Lavilliers.

Cette fois l’indifférence l’a emporté sur le plaisir de retrouvailles avec le chanteur pour lequel j’avais collé des affiches à ses débuts
Le septuagénaire d'aujourd'hui figurait comme le seul français avec Juliette Armanet parmi les 50 albums musicaux de l’année écoulée retenus par les critiques du « Monde », c’est dire le désert.
La voix de Cantona, entre autres, minimise la force de l’emblématique « Qui a Tué Davy Moore » créé par Bob Dylan et popularisé par Greame Alwrigth, à propos de la responsabilité.
Ressortent, en regard de la pertinence de ce titre, la platitude et les facilités des dernières créations du Stéphanois en « Piéton de Buenos Aires »: 
« Personne ne demande qui je suis » 
c’est que là bas « Les Porteños sont fatigués ».
Revenu de « L’ailleurs », assis à la table du diable,  
« Une musique plane  
La nuit dans la pâleur des issues de secours
Où quelques sentinelles veillent sur le retour
Des naufragés perdus
Suspendus aux nacelles. » 
Mais des rimes déjà entendues : 
« C'est presque une attitude
ça devient une habitude »pèsent « Au cœur du monde ».
S’il a emprunté à des poètes considérables, ce n’est pas chez Cendrars, prince des « Voyages » qu’il a trouvé : 
« Voyages,  il y a  ceux qu’on fait et ceux qu’on imagine ». 
Il remet sur scène « les petits marquis » déjà entrevus naguère dans « Beautiful days » comme « Ta jupe largement fendue sur ton bas noir » dans « Noir tango ». 
« Je tiens d'elle » revient à Saint Etienne, 
« La misère écrasant son mégot sur mon cœur
A laissé dans mon sang sa trace indélébile », en 75. 
« Plus brave que belle, plus frère que fière » en 2021. 
 « Toi et moi »« On se caresse, on se dévore » rappelle d’autres rengaines  
Qui reconnaitra «  stomacale et livide » « La corruption » - à dénoncer- depuis un énigmatique « banquet de Platon » ?
On lui pardonnera comme on se pardonne nos emballements de jeunesse quand énormes furent les soleils ravageurs.
 

samedi 2 juillet 2022

Un été avec Colette. Antoine Compagnon.

La rencontre du professeur au collège de France
et de la créatrice de Sido, Claudine et Gigi ne pouvait être qu’agréable. 
« L’odeur des fleurs vivantes, leur toucher frais, ont tiré d’un coup brusque le rideau d’oubli que ma fièvre avait tendu devant le Montigny quitté… J’ai revu les bois transparents et sans feuilles, les routes bordées de prunelles bleues flétries et de gratte-culs gelés, et le village en gradins, et la tour au lierre sombre qui seule demeure verte, et l’école blanche sous un soleil doux et sans reflet ; j’ai respiré l’odeur musquée et pourrie des feuilles mortes, et aussi l’atmosphère viciée d’encre, de papier et de sabots mouillés, dans la classe » 
Les 250 pages de cette collection sont garnies bien sûr de citations de Colette qui au début de sa carrière n’apparaissait pas sous son nom, mais on peut retenir aussi quelques lignes du rédacteur de cet ouvrage pédagogique :
« Proust et Colette ont donné à la littérature française le monde de l’enfance, l’étoffe de la sensation, l’émotion de la mémoire. » 
Il n’hésite pas à enrichir son éloge de l’avis documenté de Benjamin Crémieux, un des contemporains de l’octogénaire qui a fini sa vie au mitan du XX° siècle. 
« Premier exemple typique de cette prose fluide, spontanée, sensuelle, coquette, ardente, abandonnée, auprès de laquelle les proses d’homme les plus musicales et les plus directes semblent artificielles et cérébrales. » 
Cocteau y va de son grain de sel : 
 «Elle achève son existence de pantomimes, d'instituts de beauté, de vieilles lesbiennes, dans une apothéose de respectabilité.»
Sa vie palpitante ne peut se réduire à quelques titres parmi quarante chapitres bien nommés : «  La sauvageonne, « Notre grande charmeuse de mots », «  Cela sent la littérature à plein nez »… 
Nous avons envie de replonger dans ses écrits. 
« … ma gourmandise remonte à des origines rustiques, car c’était une tourte de pain bis de douze livres, à grosse écorce, la mie d’un gris de lin, serré, égale, fleurant le seigle frais, et une motte de beurre battu de la veille au soir, qui pleurait encore son petit lait sous le couteau, du beurre périssable, point centrifugé, du beurre pressé à la main, rance deux jours après, aussi parfumé, aussi éphémère qu’une fleur, du beurre de luxe … »
 

vendredi 1 juillet 2022

« On recrute »

Dans ce monde dingue - et ce n’est pas nouveau - la cohérence d’une réflexion me semble inaccessible, alors pour cette ultime chronique de la saison, je m’abandonne plus que jamais, à une trajectoire à « hue et à dia ».
Comment ne pas tomber dans ce qui m’horripile chez les autres: à savoir parler d’un autre sujet quand l’objet de la discussion dérange ? La place prise par la décision de la cour suprême à Washington concernant l’IVG m’a semblé démesurée alors que la guerre en Ukraine une fois la sidération passée est prise pour de la roupie de sansonnet. 
Il n’y a pas que Trump qui se la raconte, « chacun voit midi à sa porte » et se fabrique son propre soleil.
Je reconnais, deuxième précaution oratoire, que broder à propos des ruines et des cadavres depuis nos salles climatisées s’approcherait de l’indécence, s’il n’y avait pas d’autre posture possible: plus l’Ukraine est bombardée, plus elle bombe le torse. Près de la moitié de la population mondiale s’en fout ou se positionne carrément contre l’Europe. 
Nos petits calculs hexagonaux paraissent bien dérisoires avec des renverseurs de tables qui  prient pour que le chaos advienne mais n’assument pas, en usant de gros mots pour travestir leur fuite face aux responsabilités. Manuel Bompard a oublié qu'il était la République, en évoquant une déclaration du chef de l’état, il se permet de parler de « crachat au visage du peuple Français »; où est l’arrogance ?
Troisième excuse à l’égard de ceux qui me lisent : je ne sais sortir de mes rabâchages concernant les postes non pourvus chez les personnels de santé, d’éducation, de transports, de service, de colonie de vacances, de restauration… La jeune coiffeuse ne veut pas travailler le samedi, et la serveuse à la boulangerie pas le dimanche matin, elles ont Hellfest tous les week-end ? Certes plus grand monde ne souhaite  « perdre sa vie à la gagner », accueillons à bras ouverts les étrangers acceptant ces boulots, et ne pleurons pas sur la désindustrialisation de la France. Réduire l'aversion vis à vis du travail à un problème de rémunération est bien court; la marchandisation des actes aurait-elle atteint jusqu’aux plus déterminés des opposants au néo libéralisme ?
Le vertige peut saisir le campeur en sa zone tempérée aux alentours du 45° parallèle, le mot « tempêtrée » me venant sous les doigts. Fourmi dans la fourmilière globale, la succession des calamités, apparaîtrait presque comme régulation d’une population trop importante pour la planète. Poutine en ange exterminateur de la part de Gaïa viendrait en seconde lame après la COVID. Les hésitations des couples à procréer ramènent au sujet de la semaine : l'avortement. L'IVG constitue un point de friction majeur entre religieux et non-religieux, entre droite et gauche, et questionne la notion de libre arbitre dans tous les pays du monde. Les informations sur la contraception se sont révélées insuffisantes. L’homme ne croit plus en lui ni en l'avenir et la femme non plus.
« Les parents boivent, les enfants trinquent »: parmi les formules banales, celle-ci devient moins usitée, pourtant pour répondre à l'interrogation tout aussi courante concernant la planète que nous laissons à nos enfants, qui osera bannir l’expression « écologie punitive » et affirmer que la seule voie souhaitable mène à plus de sobriété?
Dans les espaces où les propagandes s’affrontent a-t-on oublié une étude qui minimisait l’impact des affiches sur les résultats électoraux ? « Au moins ça les occupe ! » Les militants collent, les publicitaires plastronnent, les électeurs s’abstiennent. 
Dans les cours d’éducation civique, dans les théâtres, les cinémas, les messages antiracistes se sont multipliés, l’extrême droite s’est renforcée. 
« La propagande est autochtone, la vérité vient d'ailleurs. » Alice Parizeau.
...... Ajout: The Lancet dans Courrier International: 
"La vaccination contre la COVID 19 a évité 20 millions de morts."

jeudi 30 juin 2022

Raphaël. Fabrice Conan.

La conférence prévue en 2020
devant les amis du musée de Grenoble devait commémorer le 500° anniversaire de la mort d'un des maîtres de la Renaissance alors qu'en 2022, une exposition lui sera consacrée à la National Gallery de Londres. 
Une citation de Vasari peut accompagner le doux « autoportrait » du « Dieu de l’art »: 
« Le ciel donne parfois une preuve de sa généreuse bienveillance en accumulant sur une seule personne l’infinie richesse de ses trésors, l’ensemble des grâces et des dons les plus rares normalement répartis sur une longue durée entre beaucoup d’individus. »
Vasari, initiateur de l’histoire de l’art, figure sur la gauche du tableau, les « Honneurs rendus à Raphaël après sa mort » de Pierre-Nolasque Bergeret, au XIX° siècle : le pape Léon X répand des fleurs et Léonard De Vinci vient rendre hommage au jeune défunt de 37 ans.
 
    Au fil des cités qui avaient formé Raffaello Sanzio, (aussi nommé Raffaello Santi) son style a progressé :
A ses débuts à Urbino, les traits gracieux de « Saint Sébastien » doivent au Pérugin, son maître.
A Pérouse pour le « Retable Oddi »
plus ostentatoire, il soigne particulièrement les expressions des personnages.
« Les trois grâces »
ont le goût de l’antique à Florence, foyer humaniste, plus aristocratique que bourgeois.
A Rome où les papes mécènes élargissent tous les possibles, « La madone de Lorette » est charpentée.
Le « Mariage de la Vierge » donne la primauté au dessin, à l’architecture, à la géométrie.
La baguette de Joseph est fleurie, un rival brise la sienne.
« La Vierge au chardonneret » n’est pas traversée par la mélancolie comme il est d’usage, car né dans un chardon, l’oiseau annonce la passion. L’affection de la mère transparait, même dans un petit format.
La composition pyramidale de « La belle jardinière » participe à un bel équilibre. 
Marie est accessible.
« Sainte  Catherine d’Alexandrie »
rappellerait une « Léda et son cygne » de Léonard de Vinci,
dont La Joconde aurait inspiré «  La muette ».
La « Déposition Borghèse », tableau expiatoire, unit les contraires avec la mise en évidence de l’énergie d’un homme, celui qui a percé son flanc, parmi tant d’accablement.
« Le Songe du chevalier » : Scipion l’africain aurait à choisir entre la vertu et l’aventure, la forteresse et le fleuve. 
    Dans l’œuvre immense de l’artiste reconnu par ses contemporains et considéré par la postérité comme « le peintre le plus influent de l'histoire de l'art occidental », le choix est difficile parmi:
- les madones, « La Vierge de Foligno ».
- ses portraits, de « Bindo Altoviti »,
grand mécène de 17 ans,
ou celui du fragile «  Tommaso Inghirami »,
le bibliothécaire du pape,
provenant d’un atelier qui a connu une cinquantaine de collaborateurs,
- ses fresques « Le Triomphe de Galatée » bien que visée par trois amours, en regarde un autre.
    La tapisserie reproduisant « L’école d’Athènes » occupe une place centrale au palais Bourbon.
    L’histoire de Raphaël croise celle des papes :« La Délivrance de saint Pierre »
et de tant d’autres artistes. « Autoportrait avec un ami » 
https://blog-de-guy.blogspot.com/2018/01/le-voyage-des-artistes-en-italie-claire.html
    Marguerita,« La Velata » (« La Dame voilée ») était « La Fornarina », son amante.
« Qui possède autant de dons rares que Raphaël d’Urbino n’est pas simplement un homme, mais, si l’on peut dire, un dieu mortel. »
Vasari

mercredi 29 juin 2022

La montagne. Jean Ferrat.

On l’avait trop entendue, la sérénade, et puis plus du tout, alors me vient l’envie d’exhumer cette pièce qui mieux que de sociologiques considérations décrivit un basculement majeur.
On ne s’est pas vraiment remis de cette vibrante fresque dépassant la notoriété de son auteur. L’émotion lors de sa disparition avait accompagné la fin d’une époque de toile cirée et d’Opinel.
Tel était le travail avant le télé travail. Les murettes même écroulées, dissimulées sous une seyante verdure, impressionnent encore les sans-gants pour gratter une terre ingrate.
L’opposition entre un monde ancien idéalisé et une modernité factice n’est pas aussi tranchée, quand il allait quand même de soi de vouloir vivre sa vie et de profiter du cinéma.
Le Formica attire les nostalgiques, la beauté de la montagne s’éprouve sur les sentiers de randonnée et les pistes pour VTT le temps d’une RTT, le label «  vin de l’Ardèche » aguiche le client. 
« Ils quittent un à un le pays
Pour s'en aller gagner leur vie, loin de la terre où ils sont nés
Depuis longtemps ils en rêvaient
De la ville et de ses secrets, du formica et du ciné
Les vieux, ça n'était pas original
Quand ils s'essuyaient machinal, d'un revers de manche les lèvres
Mais ils savaient tous à propos
Tuer la caille ou le perdreau et manger la tomme de chèvre
Pourtant, que la montagne est belle, comment peut-on s'imaginer
En voyant un vol d'hirondelles, que l'automne vient d'arriver ?Avec leurs mains dessus leurs têtes
Ils avaient monté des murettes jusqu'au sommet de la colline
Qu'importent les jours, les années
Ils avaient tous l'âme bien née, noueuse comme un pied de vigne
Les vignes, elles courent dans la forêt
Le vin ne sera plus tiré, c'était une horrible piquette
Mais il faisait des centenaires
À ne plus savoir qu'en faire, s'il ne vous tournait pas la tête
Pourtant, que la montagne est belle, comment peut-on s'imaginer
En voyant un vol d'hirondelles, que l'automne vient d'arriver ?
Deux chèvres et puis quelques moutons
Une année bonne et l'autre non, et sans vacances, et sans sorties
Les filles veulent aller au bal
Il n'y a rien de plus normal que de vouloir vivre sa vie
Leur vie, ils seront flics ou fonctionnaires
De quoi attendre sans s'en faire que l'heure de la retraite sonne
Il faut savoir ce que l'on aime
Et rentrer dans son HLM, manger du poulet aux hormones
Pourtant, que la montagne est belle, comment peut-on s'imaginer
En voyant un vol d'hirondelles, que l'automne vient d'arriver ? »
 40 % des hirondelles ont disparu en deux décennies. 

mardi 28 juin 2022

Dracula. Bram Stoker, Georges Bess.

J’ai mis du temps à venir à bout de ces 200 pages au graphisme tout en volutes noires parfaitement adapté à son gothique sujet. 
Bien peu familier du genre fantastique horrifique, j’ai retrouvé, sans beaucoup de surprises, tous les stéréotypes accolés au prince des Carpates : pieu, ail, loups, ruines, canines, et belles exsangues…
La rationalité fin du XIX° s’affronte à l’incroyable énergie du monstre contre lequel l’eau bénite et le crucifix restent les meilleurs remèdes.
De maléfiques personnages sévissant en ce moment n’incitent guère à persister dans ce genre de fiction bien qu’un découpage virtuose mette en valeur le roman de Bram Stoker paru en 1897.  
« Personne n’a besoin de savoir ce qui s’est passé… Nous allons faire disparaître de la surface du monde une des pires formes que peut prendre le mal ! Nul n’aura à ajouter à nos propos, puisque jamais nous n’en parlerons !... »