samedi 2 juillet 2022

Un été avec Colette. Antoine Compagnon.

La rencontre du professeur au collège de France
et de la créatrice de Sido, Claudine et Gigi ne pouvait être qu’agréable. 
« L’odeur des fleurs vivantes, leur toucher frais, ont tiré d’un coup brusque le rideau d’oubli que ma fièvre avait tendu devant le Montigny quitté… J’ai revu les bois transparents et sans feuilles, les routes bordées de prunelles bleues flétries et de gratte-culs gelés, et le village en gradins, et la tour au lierre sombre qui seule demeure verte, et l’école blanche sous un soleil doux et sans reflet ; j’ai respiré l’odeur musquée et pourrie des feuilles mortes, et aussi l’atmosphère viciée d’encre, de papier et de sabots mouillés, dans la classe » 
Les 250 pages de cette collection sont garnies bien sûr de citations de Colette qui au début de sa carrière n’apparaissait pas sous son nom, mais on peut retenir aussi quelques lignes du rédacteur de cet ouvrage pédagogique :
« Proust et Colette ont donné à la littérature française le monde de l’enfance, l’étoffe de la sensation, l’émotion de la mémoire. » 
Il n’hésite pas à enrichir son éloge de l’avis documenté de Benjamin Crémieux, un des contemporains de l’octogénaire qui a fini sa vie au mitan du XX° siècle. 
« Premier exemple typique de cette prose fluide, spontanée, sensuelle, coquette, ardente, abandonnée, auprès de laquelle les proses d’homme les plus musicales et les plus directes semblent artificielles et cérébrales. » 
Cocteau y va de son grain de sel : 
 «Elle achève son existence de pantomimes, d'instituts de beauté, de vieilles lesbiennes, dans une apothéose de respectabilité.»
Sa vie palpitante ne peut se réduire à quelques titres parmi quarante chapitres bien nommés : «  La sauvageonne, « Notre grande charmeuse de mots », «  Cela sent la littérature à plein nez »… 
Nous avons envie de replonger dans ses écrits. 
« … ma gourmandise remonte à des origines rustiques, car c’était une tourte de pain bis de douze livres, à grosse écorce, la mie d’un gris de lin, serré, égale, fleurant le seigle frais, et une motte de beurre battu de la veille au soir, qui pleurait encore son petit lait sous le couteau, du beurre périssable, point centrifugé, du beurre pressé à la main, rance deux jours après, aussi parfumé, aussi éphémère qu’une fleur, du beurre de luxe … »
 

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