Les anciens n’avaient pas la critique forcément
délicate : au XIX° siècle, les « pré-raphaéliques » anglais qui
vinrent bien après la renaissance, sous un tableau de Raphaël, invitaient à
« cracher ici ».
Né un Vendredi Saint à Urbino, le fils de Giovanni Santi, atteint
ses 17 ans en 1500.
Il va apprendre dans le plus grand atelier d’Italie, chez Le Pérugin à Pérouse.
Il en retiendra les mises en place habiles de la profondeur
et assouplira plus tard les compositions organisées invariablement autour d’un axe médian.
Les tonalités chantent haut et clair. Les mains élégantes des
madones effleurent le corps de l’enfant comme un instrument de musique.
Le paysage où des architectures se reflètent devient un protagoniste,
même lorsque la vierge est au premier plan avec l’enfant joufflu.
Son expérience à Florence est passionnante avec rien moins
que Léonard de Vinci comme maître
des sfumatos et de la composition en triangle. Il obtient ses premières
commandes.
Son « chevalier
rêve » est partagé entre méditation et action, entre la fleur et l’épée.
Les « trois grâces »
tout en courbes représentent les trois corps de Vénus : la terrestre, la
céleste, la souterraine nous a-t- on dit, alors qu’ailleurs on y voit l’allégresse,
l’abondance et la splendeur. Elles sont
splendides.
Les portraits se multiplient : « La Madone du Belvédère », « la Madone au
chardonneret », « la Madone au grand duc » sur fond noir, « la Belle jardinière » nous sont
familières, elles respirent le calme.
La mélancolique « dame
à la licorne » devait être vierge pour apprivoiser l’animal.
Bramante, son ami
architecte, l’entraine à Rome chez le pape Jules II, et il travaillera
aussi pour son successeur Léon X.
Dans la salle dite de la signature, devaient figurer :
le Bien, le Beau, le Vrai.
Au cœur du lieu saint, la ferveur religieuse s’ouvre sur la
culture antique.
Quelle audace avec tous
ces corps !
Aristote et Platon et toute l’école d’Athènes sont en
discussion, « le Who’s who du ciel
et de la terre », selon les mots de la conférencière aux amis du
musée, est représenté : Diogène, Michel Ange, Dante, Virgile et lui-même…
Raphaël n‘est pas que le peintre de la limpidité. Exploitant
habilement les contraintes de l’architecture au dessus d’une porte au Vatican,
sa fresque nocturne réalisée avec Romano
son meilleur suiveur, où « Saint
Pierre est délivré par un ange »,
joue sur les éclairages, magnifiquement.
La forme ronde du
tableau de « la vierge à la chaise »
souligne la tendresse d’un moment intime où Jean Baptiste le cousin est encore
dans les parages.
« La vierge de la
Sixtine » apparaît d’une façon théâtrale entre St Sixte et St Barbe,
les petits anges sont décontractés et paraissent même s’ennuyer
doucement ; ils vont bien mériter de figurer pour l’éternité sur des
boites de chocolat.
Catherine de Buzon nous donne envie de faire un tour à la
villa Farnesina où l’amoureux de la belle Fornarina (« la
boulangère ») exécuta quelques fresques généreuses.
Il devait l’aimer sa douce ; en Donna
velata, dans ses riches habits, elle
est vraiment pleine de grâce.
Il meurt à 37 ans, un Vendredi Saint. Elle rentre au couvent
et meurt peu après.
Son dernier tableau partage les commentateurs : là,
j’ai lu que « La transfiguration »
était son chef d’œuvre absolu,
Ici, la coupure parait trop radicale entre le monde où
souffle le vent divin et celui chaotique, affolé des mortels impuissants face
au démon. Début du maniérisme.
« Qui est-ce qui a vu Dieu ? C’est Raphaël, c'est
le Guide ». Diderot.
Daniel Arasse a consacré un livre un peu technique à Raphaël qui m'a fortement intéressé : "Les visions de Raphaël", où il expose Raphaël en tant que... théologien, si, si.
RépondreSupprimerLa madone sixtine est une oeuvre capitale pour Raphaël et pour l'Eglise, d'ailleurs. Pas étonnant que j'ai passé des heures en adoration devant, jeune adolescente...
Rien n'est innocent dans ce bas monde.
Surtout pas le beau... une consolation, n'est-ce pas ?