jeudi 13 novembre 2025

Châlons-en-Champagne

Nous récupérons la voiture,  et après une petite sieste sur une aire de repos, un arrêt à une station essence, la traversée de bois, de champs moissonnés et de parc éolien important,  nous atteignons Châlons-en-Champagne ( anciennement Châlons-sur- Marne) vers 16h appréciant  le retour d’un temps plus clément.
Nous nous garons immédiatement au parking souterrain du centre commercial idéalement situé près l’hôtel de ville de la place Foch près de l’Office du tourisme, passage obligé.
Celui-ci occupe une magnifique demeure à pans de bois quai des arts au bord d’un petit bout de canal. Nous nous y procurons un plan touristique avec proposition de déambulation vers les lieux dignes d’intérêts de la ville.
Malheureusement, nous y apprenons aussi que l’espace dédié à la mémoire de Cabu baptisé « Duduchothèque », but de notre crochet par Chalons, rouvre bien ses portes demain mais à 14h, lorsque nous serons partis.Déception…
Alors que nous allions sortir un employé nous interpelle pour faire  la promotion de la villa Piquart à Epernay, et nous communiquer sa passion pour les objets utilisés pendant la guerre : il nous présente par exemple un moule à presser les boules de papier à consumation lente servant à se réchauffer, des galoches ainsi que autres ustensiles.
Nous l’abandonnons après un échange instructif et enthousiaste pour nous lancer dans la visite.
Elle commence par la maison natale de Pierre Dac que nous ne trouvons pas, puis le portail de l’hôtel-Dieu réinvesti par la poste, il en subsiste la porte en pierre surmontée d’une croix.
En face le monument aux morts met en scène un groupe de guerriers mené par son chef. Les derniers noms inscrits dans la pierre rendent hommage aux soldats tombés au Tchad, en Yougoslavie et en Afghanistan.
Il nous suffit de nous retourner pour pénétrer dans la cathédrale Saint Etienne.
Elle possède de beaux vitraux dont une verrière complète autour d’Adam et Eve en présence du donateur en prière, sous la protection de Saint Michel.
Un organiste répète et sa musique que je ne connais pas retient mon attention car elle est inhabituelle dans une église. Grâce à Shazam, j’obtiens son titre en me promettant d’investiguer plus tard : « Waves » de Daniel Paterok (je serai d’ailleurs un peu déçue par la version piano mais peut-être le lieu et les différents jeux de l’instrument ajoutaient-ils à son charme ?).
La suite du parcours nous invite à flâner en bordure du grand espace vert appelé grand jard. Il propose des jeux, un skatepark, et d’après un panneau, un « Châlons plage » invisible de l’endroit où nous passons.
Faisant face, de l’autre côté de la route, le petit jard offre un jardin plus ramassé s’avérant plus intime. 
En poursuivant l’avenue Maréchal Leclerc qui  sépare les 2 jards nous tombons ensuite sur le Cirque historique. C’est  l’un des 7 cirques en dur répertoriés en France, ( cf Amiens)  https://blog-de-guy.blogspot.com/2021/06/amiens-beauvais.html construit pour accueillir festivals ou spectacles dans la « capitale européenne des arts du cirque ». Nous revenons sur nos pas, traversons le petit jard où le château du Marché plonge son soubassement dans le Nau,  remontons vers la place de la République,
le marché couvert, nous rapprochant de la place du Maréchal Foch. Nous tournicotons dans les parages, d’abord nous nous engouffrons dans un passage couvert, reliant deux  rues et appartenant à des administrations, dont les parois supportent des plaques en fonte sculptées d’armoiries entre autre.
Puis nous longeons l’Eglise Saint Alpin coincée entre des habitations devenues envahissantes. 
Nous terminons ainsi notre parcours, sans suffisamment de temps pour nous rendre  dans les musées :
musée des beaux-arts (vanté comme l’un des plus vieux de France) musée de cloître Notre dame, celui des machines à coudre (sur RDV) ou encore le musée dégustation Champagne Famille Carbot  et autres maisons du divin nectar.
Sagement, nous effectuons quelques emplettes au centre commercial avant de retrouver la voiture. Le GPS nous guide sans problème à l’adresse du Airb&b, Gédéon, notre véhicule à moteur, trouve refuge un peu plus loin.
Nous accédons au logement via une boîte à clé, grimpons un escalier raide et vétuste, mais l’appartement propret et clair qui nous attend semble tout récent. Nous nous installons, dinons de nouilles chinoises déshydratées, finissons le gaspacho concluons avec le raisin.
Enfin, royalement, nous regardons « la Crime » à la TV installée face au lit.

mercredi 12 novembre 2025

L’architecture au service du pouvoir. Benoît Dusart.

Au premier jour de son deuxième mandat, Donald Trump impose par décret le style classique pour tous les bâtiments publics américains en opposition au modernisme. 
« La salle de bal de la Maison Blanche» s’étendra sur 8000 mètres carrés.
Si dans le pays qu'il dirige, le « Capitole de Washington » siège du Congrès est le plus connu dans le style néo classique,
38 capitoles ont été édifiés dans tout les Etats-Unis comme à « Montpelier (Vermont) ». L’inspiration vient de l’école des Beaux arts de Paris. Le Panthéon, anciennement église Sainte Geneviève, figure comme modèle. 
Après le projet ambitieux (voir la taille des humains) d’une
« Eglise métropolitaine » 
d’ Etienne Louis Boullée,(XVIII° siècle)
celui de
Speer architecte d’Hitler pour « Germania » (XX° siècle) prévu pour  recevoir 150 000 personnes fut également démesuré ( Voir la taille de la porte de Brandebourg). 
Le beffroi, les colonnes de la
« Mairie de Villeurbanne » gardent dans les années trente le style ancien revu par le moderne béton.
T
oujours avec une tour médiévale, « L'hôtel de ville de Hilversum » aux Pays-Bas, aux volumes découpés d’inspiration cubiste et d’heureuses murettes, assure la transition vers la modernité.
«  L’hôtel de ville de Grenoble »
refuse les citations anciennes, mais depuis son socle, n’abandonne pas la monumentalité,
rappelant le style international du « Siège de l’ONU » à Manhattan.
La  « Mairie de Gennevilliers », la plus grande d’Europe, a préservé son design.
La pyramide inversée de la « Préfecture du Val d’Oise » à Cergy s’affirme comme  « un nouveau type d’intervention de l’administration auprès des citoyens ».
Exemple d’architecture brutaliste, « L’Hôtel de ville de Boston », et ses courants d’air, entretient une relation conflictuelle avec le public.
Le ludique « Portland Municipal Services Building » postmoderne est cependant moins dans la citation antique
que le prestigieux « Hôtel de Région » de Ricardo Bofill, monument emblématique du quartier Antigone à Montpellier.
« L’Hôtel du département à Marseille »
, « Le grand bleu, «  à l’époque (1990) plus grand bâtiment public construit en province au XXe siècle » joue de la complexité.
« Le Parlement du Bangladesh »
à Dhaka par Louis Kahn, bastion du pouvoir, certes non régionaliste, dans sa monumentalité n’a pas pris en compte les contraintes environnementales. 
A Canberra, sur un plan en aile de papillon,
un mât de plus de 200 tonnes supporte le drapeau dominant le « Parlement australien » comportant 4500 pièces.
« Le Bundestag »
anciennement palais du Reichstag, restauré depuis son incendie en 1933 affirme la transparence
ainsi que « Le Senedd » gallois.
Les tentes traditionnelles en Finlande ont inspiré l’architecture récente 
du « Parlement des Samis ».
Si Rogers a réussi à Cardiff, son « Tribunal de Grande instance à Bordeaux » d’une originalité totale se déconnecte plutôt de l’espace public.
Christian de Portzamparc
répond au cahier des charges avec son « Palais de Justice de Grasse» : « Le ministère, maître d'ouvrage, nous a demandé un bâtiment qui affirme, par sa monumentalité, la présence de l'autorité judiciaire dans la ville et reflète la volonté de transparence de la justice française ».
« Le tribunal de grande instance de Paris »
a quitté l'île de la Cité pour un nouveau palais de justice sur 38 étages aux Batignoles imaginé par Renzo Piano. Son allure de paquebot a appelé pour certains des allusions au Titanic concernant la déshumanisation et beaucoup d’inconfort.
Depuis une vingtaine d'années Dominique Perrault se consacre à l'extension du « Palais de la Cour de justice de l'Union européenne » établi à Luxembourg où travaillent près de 3000 personnes.
 
Le nouveau « Palais de justice de Lille » avant qu’il soit achevé est jugé 
« sous-dimensionné et maltraitant ».
Par contre, « L’extension de la mairie de Noisy le Grand » a permis de minimiser les dépenses énergétiques.
Baptisée « Le coussin » par la population, l’extension de la « Mairie d’Illkirch-Graffenstaden » a donc été adoptée. De nouveaux projets ne contredisent pas forcément les valeurs démocratiques du langage classique avec frontons et allégories sculptées.
Le nouvel « Hôtel de ville de Fribourg-en-Brisgau » 
est le premier bâtiment public à énergie positive du monde.

mardi 11 novembre 2025

Les seins. Guillaume Bianco.

Potaches, enfantins, puisqu’il est question de « tétés », les carnets de l’auteur pour la jeunesse, sont gentiment amusants. 
Avec une bonne dose d’autodérision, le sérial looser ne fait pas de mal à celles qui l’affolent et nous allège du poids pesant en ce moment sur les hommes, souvent présentés comme de lourds machistes ou de toxiques masculinistes.  
Son plaisir pris à dessiner de douces rondeurs est bien innocent sous des traits vifs plus caricaturaux qu’érotiques.
Un autre volume intitulé « Les femmes sont folles » avec écrit en petit (« de moi ») annonce lui aussi une série d’anecdotes personnelles habilement racontées, pleines de scrupules sous forme de dialogue avec son éditeur Lewis Trondheim. 
Il pense que passer pour un homosexuel lui permettra de mieux draguer les filles, ou rêve de devenir une fille pour se palper les nichons. 
« Une meuf ça parle beaucoup »mais« il faut bien dire ce qui est… sans elles, le monde serait moins rigolo… Plus de maîtresse d’école, plus de chanteuses, plus de caissières de supermarché, plus de copines, de petites sœurs ni de mamans, plus de grands-mères… » 
Bon enfant.

lundi 10 novembre 2025

On falling. Laura Carreira.

Nous éteignons nos petits écrans portables avant de nous installer devant un grand où une ouvrière passe son temps dit « libre », son téléphone vissé à la main.
La chute de celui-ci constitue un évènement majeur dans l’univers monotone de la jeune portugaise travaillant dans un entrepôt de vente par correspondance.
La réalisatrice rend parfaitement l’ennui, la solitude de la préparatrice de commandes entre deux bips de lecteur de code barre et de mornes coups d’œil sur un petit écran allumé même lorsqu’elle se nourrit de sucreries. Les personnages croisés sont gentils mais ne sortent guère de leur coquille.
La forme efficace en milieu familier exprime, sans tapage, une bien triste société qu’une telle œuvre embellit par sa justesse.
Si le type d’emploi très contemporain rejoint la précarité de « L’histoire de Souleymane »,
Ken Loach, le pittoresque en moins, se rappelle à nous comme référence.

 

dimanche 9 novembre 2025

Delirium. Miet Warlop.

Comment jouer avec un kilomètre et demi de tissus pendant une heure ?
La troupe flamande parfaitement réglée déroule des bobines de soie (ou de rayonne) de toutes les couleurs sur la scène et dans les travées de la grande salle de la MC2, cependant il s’agit plus d’opérateurs mettant en place une performance que de danseurs.
L’imagination est au rendez-vous pour exploiter toutes les ressources de grands voiles enserrant les manipulateurs qui s’en extirpent, en magnifient les plis, mais les hommes et les femmes pourtant dynamiques s'effacent en tant qu’acteurs sous les dimensions majestueuses de coupons soulevés par d’immenses ventilateurs.
La matière dont on ne peut s’empêcher de la lier aux gaspillages industriels submerge les humains.
Parmi les tableaux parfois un peu étirés, l’évocation d’une vague où apparaît puis disparaît un personnage m’a paru poétique et forte, bien accordée aux sons électro puissants de la  plasticienne-scénographe plus heureuse dans sa musique que pour les socquettes noires,malheureusement à la mode, puisqu’elle signe aussi les costumes. 
Les termes démesurés des attachés de la presse mentionnant « un humour ravageur », « une beauté plastique éberluante » desservent un propos qui aurait gagné à être présenté avec plus de simplicité.

samedi 8 novembre 2025

Ta promesse. Camille Laurens.

Une écrivaine orfèvre en romans d’égo-fiction a rompu sa promesse de ne pas mettre en scène son amant marionnettiste, qui avait lui-même trahi son serment de fidélité. 
« Je veux être dans ta vie, pas dans tes livres. » 
Le produit de 360 pages dissèque finement les étapes menant de la séduction à la destruction entre pervers narcissiques, très tendance, du genre Trump qui parlait d’un jour ensoleillé lors de son investiture, alors qu’il avait plu toute la journée. 
« Je pense que parfois nous pouvons être en désaccord avec les faits ». 
Au-delà des relations complexes entre Claire et Gilles, les mots sont pesés :  
« Ecrire est un exercice d’amour,une magnifique et profonde et audacieuse expérience d’intelligence de l’autre. » 
Par contre une juge, cite Lacan puisqu’il est question très tôt d’un procès dans un déroulé haletant : 
«Si vraiment je comprends quelque chose, je suis sûr de me tromper. » 
Dans notre monde de vérités alternatives, la littérature vient à notre secours pour aller au-delà des apparences et débusquer les mensonges. 
«L’oreille a du nez : ça sent la mort. La langue a rendu l’âme. Le cliché est une charogne. »
Les formules brillantes scintillent dans cette histoire qui ressemble parfois 
à la « new romance » qu’apprécie ma petite fille laquelle n’a pas dans sa tête l’air des Rita Mitsouko: « Les histoires d’amour, les histoires d’amour finissent mal en général ». 
« J’attendais qu’il revienne. Qu’il revienne à lui. Qu’il revienne à moi. »
« Souffrir passe. Avoir souffert ne passe pas. »
« L’avenir ne m’a jamais tellement réussi. »
«Ton passé a mangé tout ton avenir ; un jour on est humilié et ce jour dure toujours. »
«ça ne veut rien dire « qui on est ». On n’est rien. L’être n’est qu’une syllabe du paraître. »
« - Oh moi, tu sais je suis d’une moralité douteuse : je doute de la morale des autres. » 
L’écrivaine précise aussi les mots des autres, ceux de Benjamin Constant : 
« Elle voulut pleurer, il n’y avait plus de larmes.Elle voulut parler il n’y avait plus de mots ».
La disparition du pronom traduit la disparition de l’être qui se fond dans l’impersonnel. »
Le lecteur pourra aller bien au-delà du résumé par la magistrate du roman qui n’a vu que jalousie envers un homme qui a souhaité refaire sa vie.
Un livre qui tient ses promesses.

vendredi 7 novembre 2025

La gauche contre le peuple. Front Populaire n° 22.

Si je ne lisais que ce qui me convient, il y a longtemps que j’aurais résilié mon abonnement au journal « Le Monde » et je n’aurai pas dépensé une nouvelle fois 15,90 € pour la publication d’un Michel Onfray complaisant avec la très contestable Sahra Wagenknecht ancienne de Di Linke qui a créé un parti à son nom, présentée comme l’enfant de Jaurès et de Gaulle … 
Concernant la gauche, je garderai toujours « au cœur, une plaie ouverte ! » et l’éternelle question du « peuple » continue à m’interroger, donc je suis allé revoir cette revue.
Pour avoir suivi Chevènement, dont la trajectoire est rappelée dans ce numéro, ne me comptez plus dans le camp souverainiste, fut-il « d’ailleurs ou de nulle part ». 
«  Je suis toujours de gauche mais pas de celle qui a pris sa place sous le même nom ».
Je me retrouve dans la prose fleurie d’Eric Naulleau lorsqu’il distingue gauche et gôche qui a « troqué la laïcité contre l’islamisme, l’universalisme contre le communautarisme, la Résistance contre l’antisémitisme, le prolétariat contre le trans, Victor Hugo contre Rima Hassan… » 
J’ai trouvé quelques articles ardus, ils s’annonçaient pourtant attractifs : « On ne combattra pas le racisme en parlant de races » voire «  l’anatomie du phénomène « woke ». 
« La liberté pourrait ressembler à la définition négative qu’en donne Spinoza comme « intellection de la nécessité » c'est-à-dire comme connaissance de nos déterminations. 
Le comprendre, c’est se donner une petite chance de composer intelligemment avec le réel. » 
Pas vraiment limpides, ni très populaires, ces références dans un article destiné à différencier le vrai du faux quant aux rapports de la gauche avec la nature, les lumières, le nationalisme…Pierre André Taguieff m’a paru également difficile à suivre. Décidément, mon niveau baisse!
« Nombreux sont les auteurs qui attendent le salut de la traduction transculturelle et qui prennent leurs désirs redéfinitionnels, accouchant d’images, d’analogies ou de métaphores vagues, pour des réalités ou des inventions conceptuelles. » 
A l’instar d’Eric Satie qui claironnait : « Moi, pour la modestie, je ne crains personne »,
en tant qu’abuseur de métaphores, je ne vois pourtant pas où il veut en venir.
Michéa me semblait plutôt lisible, par contre le commentaire à lui consacré, en tant que « paradigme », ne clarifie pas un positionnement original.  
Les présentations de livres recommandés donnent envie d’aller plus loin, mais la pile impressionne: «  La philosophie devenue folle », «  La diversité contre l’égalité »,  «  Penser le conservatisme de gauche », «  Critique de la raison coloniale », « L’ère de la post vérité » « Un autre Rousseau »…  
Cependant pour contrer la police de la pensée, George Orwell, Philip Roth, Gustave Flaubert… en condensé, sont heureusement convoqués avec quelques déconstructrices de déconstructeurs : Laure Murat, Tania de Montaigne ou Belinda Cannone.