Pour s’extirper d’un présent peu satisfaisant quelques Cassandre ont prédit un « monde
d’après » de gourmandise et de paix à portée de clic. En attendant le
« monde d’avant » persiste à se regarder le nombril redécouvert sous
les crop tops, pour éviter les postillons des Trump et autres Erdogan.
Le débat public est d’une affligeante pauvreté et les fake
news ne viennent pas que de Fox News. Me suis-je trompé quand je comprends que
les néonicotinoïdes ayant obtenu une dérogation afin de protéger les betteraves
sucrières n’affecteraient pas les abeilles qui ne butinent pas cette plante?
Les néo experts agronomes de chez Facebook à peine sortis d’une
prestation d’économiste simpliste et d’épidémiologiste complotiste s’époumonent
à trouver le coupable en toutes circonstances : « le Macron vous
dis-je ! »
Geoffroy de Lagasnerie
aux accents Robespierristes est bien reçu chez ceux qui aimeraient tant
purifier les chaines concurrentes alors qu’aucun syndicat étudiant ne s’est ému
de ses excès ni a appelé à détruire ses livres, il n’a pas besoin de protection
policière.
Méprisant la démocratie, il ne crache pas sur les
salaires que lui verse l’état et il se servira de ses lois avec zèle quand cela
lui conviendra. Un tel escroc peut séduire ceux qui ont perdu tout sens commun,
tout espoir, et le respect des autres, mais comment peut on lui tendre si
complaisamment un micro ? Il se le demande, tout en ne manquant pas de
cracher sur ceux qui l’invitent.
La tolérance devient une qualité annexe et la
liberté d’expression ne vaut que pour ceux qui sont d’accord avec moi.
Par ailleurs, le déni est le plus répandu des
réflexes : après s’être impatienté envers le président qui mettait trop de
temps à s’exprimer à propos de la laïcité; lorsqu’il le fait, certains estiment
qu’il aurait pu attendre. Et de vénérables organes de presse lorsqu’ils
s’encanaillent sur Facebook ne se gênent pas pour prôner dans la même semaine
la jupe à ras le bonbon, comme disait Ferré, pour les collégiennes, après avoir
excusé le voile pour des mômes de huit ans. L’exploration du terme
« séparatisme » et de sa réalité attendra.
Parler d’autre chose : quand est annoncé le million de
morts de la COVID, les autruches se soucient des morts du paludisme ou de la
famine, comme ceux qui en reviennent aux SDF quand il est question des
réfugiés.
De prétendus rebelles chassant souvent en meute sont sur la
même longueur d’onde que les populistes qui affolent la toile avec des
querelles destinées à détourner l’attention et foncent dans tous les chiffons
si possible merdeux qu’on leur tend.
Je suis d’un autre bois mais du même fagot, à opiner à mes
chouchoux, à ne pas voir d’alternative à la pensée unique économique, éruptif
parfois devant des commentaires de trolls pas drôles.
J’oscille entre modestie et prétention:
qui suis-je pour juger écrivains, cinéastes,
politiques ?
Mais de quel droit les bouffis de mauvaise foi, les fiers de
leur inculture, les paresseux auraient-ils le monopole de la parole ?
Révulsé par ceux qui prêtent toujours de noirs desseins à la moindre des initiatives, j’essaye de ne pas céder à l’accablement et persiste à consulter quelques fiches de
morale jaunies, comme j’eus à en développer une le jour de mon CAP à propos de la
calomnie, illustrée par un texte de Maupassant : « La ficelle ».
« Le paysan,
furieux, leva la main, cracha de côté pour attester son honneur, répétant :
- C’est pourtant la
vérité du bon Dieu, la sainte vérité, m’sieur le maire. Là, sur mon âme et mon
salut, je l’répète. » Les autres riaient.