mercredi 9 octobre 2013

Ethiopie J5. Pays dorze



Nos nouveaux chauffeurs arrivent au petit déjeuner dans deux 4X4 pour affronter les pistes d’un paysage qui change. Nous nous arrêtons  au bord d’un lac où nous dérangeons un homme qui se baignait nu, il nous montre de l’autre côté de la route les restes brulés et putréfiés d’un crocodile dévoreur de troupeaux qui venait s’alimenter dans cette crique : il a fallu 18 hommes pour l’extirper de l’eau.
Sur le parcours nous achetons des bananes et des pommes-cannelles. Au bord de la route, des enfants font montre de leur agilité par des danses expressives, avec des roues, de grands écarts de face et pas seulement de profil.
Nous nous arrêtons dans un village dorze de Chencha à 2500 m d’altitude. Les cases tressées  en forme d’ogive rappellent les éléphants de jadis qui ont fui vers le Kenya. Ces constructions traditionnelles s’élèvent  facilement jusqu’à une dizaine de mètres et leur durée de vie va de 70 à 100 ans. Le tressage en feuilles de faux bananiers est rénové tous les 20 ans. Quant aux bambous qui constituent l’armature, lorsqu’ils sont grignotés par les termites depuis la base, ou abimés par l’humidité, la case diminue peu à peu. Il faut alors réajuster les portes puis elle sera recyclée en annexe. Il existe une petite case pour les jeunes mariés en attendant  la construction de leur case familiale. Un jeune guide rasta, Yoyo, nous fait visiter l’intérieur de l’une de ces cases où les chaises en peau de vache reçoivent les voisins lors des cérémonies du café qui se multiplient dans la journée avec un facteur 3, puisque 3 services sont prévus à chacune des 3 invitations. C’est sur cette proposition de rythme que nous sommes réunis autour d’un verre d’araké provenant du faux bananier(encète) agrémenté d’ail, d’anis et titrant ses 65 °.  Nous nous en tiendrons à deux tournées hilarantes après la galette au piment puis au miel. Quand on boit avec ses amis de la bière il convient de boire au goulot de la calebasse, à deux en même temps, puis on transmet à deux autres.
Nous suivons le processus de fabrication des galettes  cuites entre deux feuilles sur un feu d’eucalyptus : de l’extraction de la pulpe depuis les feuilles qui donnent également des fibres fournissant des cordages voire des cordes pour les instruments de musique.
La pulpe est mise à vieillir passant d’une odeur de concombre à celle du fromage. Le stockage peut aller de 3 mois à 7 ans.
Après dégustation des produits locaux qui ne nous ont pas laissé indifférents, nous négocions de l’artisanat local dont la spécialité est le tissage du coton cultivé près du lac, ramassé par les enfants, filé par les femmes et tissé par les hommes. Les sobres étoles sont appréciées.
Au marché sont vendues des graines de tef, qui entrent dans la fabrication des galettes et du gingembre.
Sur le chemin du retour, au moment où nous nous arrêtons pour observer un beau point de vue un groupe d’enfants entame un chant responsorial très rythmé. Le soliste raconte ce qu’ils veulent en tant qu’écoliers et ce qu’ils n’ont pas en n’allant pas à l’école. Nous les enregistrons y compris les demandes de T-shirts. Lorsque nous poursuivons la route très pentue, les enfants prennent des raccourcis et réapparaissent avec leurs danses. Tout est dans le déhanchement différent au nord avec les épaules qui remuent alors qu’autour de l’Omo c’est plutôt le saut comme chez les Masaï.
A Arba Minch où nous nous dirigeons directement vers l’hôtel Tourism qui a plusieurs restaurants très fréquentés et de nombreux bâtiments aux chambres en rez de chaussée avec petits balcons et salons de jardin. Repas aux chandelles dehors sous une température agréable au chant des grillons.

mardi 8 octobre 2013

Palmer en Bretagne. Pétillon.



Surpris par la marée, isolé sur un rocher, c’est bien parce qu’il est à l’écart que le détective avec son imperméable plus utile dans ces contrées atlantiques qu’en Corse où il était précédemment en mission, va tout voir, mais sera-t-il entendu ?
Et il s’en passe des vertes et des pas mûres chez une espèce de Christine Lagarde qui reçoit en son manoir quelques spéculateurs d’art moderne se détestant cordialement (François Pinault et Bernard Arnault) parmi des communicants, l’un les yeux rivés sur son Smartphone ou une autre lorgnant sur quelque braguette débarquant en hélico : ça pue et pas seulement à cause des algues vertes.
« Nous avons eu douze cas d'intoxication alimentaire au Pardon de Saint-Hagut ... un kig-a-farz tandoori »
BD politique, je l’attendais ainsi de la part du dessinateur du Canard Enchainé, mais plus imprévues dans ce type de dessins comiques, les couleurs aquarellées rendent bien l’atmosphère de ce pays attachant et les traits vigoureux croquent les immuables et les modernes. Des oisifs suffisants exploitent le personnel mais le mareyeur porté sur la picole amène une tonique verdeur populaire comme le marin placide, et d’autres personnages bien campés.
Un agréable moment.

lundi 7 octobre 2013

Mon âme par toi guérie. François Dupeyron.



Le titre du livre écrit par le réalisateur lui-même, au départ de ce film original claquait davantage : "Chacun pour soi, Dieu s'en fout", mais  celui-ci ne correspond pas exactement au propos qui ne manque ni de tendresse, ni d’humanité, ni d’humour.
C’est Marie qui dit à Joseph : « je suis enceinte » et Joseph lui dit : « Quoi ? ».
Tout le monde a souligné la prestation du massif nounours Grégory Gadebois, et tous les acteurs sont excellents, comme est bienvenu le choix du sujet et intéressante la façon de filmer qui nous font douter que nous ayons à faire avec un film bien de chez nous.
L’économie de moyens lui va bien et nous en prenons plein les yeux du soleil et des douleurs.
Nous sommes dans l’arrière pays cannois, mais nous allons au delà d’un documentaire qui mettrait dans la lumière les invisibles des tapis rouges, bien que ces citoyens vivant dans des caravanes soient rares sur les écrans.
Freddy, le personnage principal étant lui-même réticent à faire valoir ses dons de guérisseur, nous pouvons entrer dans cette histoire dont quelques notations surréalistes nous interrogent sur ce qu’est la vraie vie. 
Portés par une bande son  dynamique, nous sommes entrainés sur le siège arrière de la moto, à partager des bières avec des potes marrants des fois ou pas du tout, à tenter d’apaiser des brûlures, à vaincre la peur, à conseiller d’avoir confiance en soi quand on est si peu sûr de soi …
Ce rythme aurait peut être mieux tenu sur une heure et demie que sur les deux heures, ce qui n’enlève cependant rien au plaisir de la découverte.

dimanche 6 octobre 2013

J’ai l’honneur d’être. Brigitte Fontaine.


La vieille nous réveille :
anti cléricale basique envers « Dieu ce mafieux »,
faisant rimer « les hommes qui préfèrent les hommes » avec Sodome et sacrum,
nous amenant à réviser ce qu’est une pythonisse quand s’allie la cruauté avec l’innocence d’un tigre doré.
J’aime ces alliances des contraires avec cette ode à une réprouvée :
« Ogresse seule et folle
Serpillère espagnole
Camisole de force
Relookée Crazy Horse »
Et ses goûts, très île Saint Louis :
« J’aime les noirs velours
Les cuirs au parfum lourd
Les soies arachnéennes
Les fourrures païennes »
La rencontre du feu et de la glace est plus banale, mais en tant que « lascard un peu vieux » je peux rêver de « jolis deltas », sans finir sur « un lit de berlues ».
J’apprécie également « les avis les moins partagés »,  et sa voix voilée qui peut faire « tilter les matous » plutôt que s’alanguissant à la surface « du fleuve d’amour » en péniche trop lente.

samedi 5 octobre 2013

Manifestation de notre désintérêt. Jean Rouaud.


On ne peut s’empêcher de voir dans ce livret aux éditions « Climats » la reprise de la recette d’« Indignez-vous » de Hessel dont le format bref contribua au succès.
Cette fois les 50 pages ne risquent pas de soulever les foules, comme si le désintérêt pouvait se proclamer, même à l’égard d’une société où les intérêts financiers qui nous gouvernent ne sont guère excitants.
Comme le capitaine Haddock écartant un fâcheux :
« votre appareil ne nous intéresse pas ». Séraphin Lampion était sourd .
Me reviennent les paroles de Ferré :
 « Les préfectures sont des monuments en airain, un coup d'aile d'oiseau ne les entame même pas... » quand une fois encore des mots bien choisis s’élèvent contre la marchandisation du monde, celui-ci  ne bronche pas.
L’écrivain qui voit les océans bouillonner sous le réchauffement climatique reconnait que certains de ses articles déjà publiés dans « Le Monde » n’ont guère suscité d’intérêt.
Il protestait contre « Notre Monarque Maximum » qui avait utilisé son livre pour un débat sur l’identité nationale aux délétères ambiances, et par ailleurs proposait Carmen comme Hymne national :
«  L’amour est enfant de Bohème
Il n’a jamais jamais connu de loi »
Un peu court.

vendredi 4 octobre 2013

Remboursez !


Moucheron englué dans la toile, je n’ajouterai aucun bruit autour des indécisions de Hollande, thème de la semaine des éditorialistes à la queue leu leu.
Je retiens seulement un  petit fait qui signe cependant une indécence contemporaine et une façon détestable d’envisager la vie publique :
la demande de remboursement par Jérôme Cahuzac de ses frais de déplacements occasionnés par son audition à l’assemblée nationale concernant ses fraudes fiscales.
Au moment où des débats portent sur quel mort porter au Panthéon, l’ancien ministre du budget jette une pelletée de plus sur quelques dépouilles respectables de Jaurès à Mendès.
Depuis que le chirurgien esthétique m’a ouvert les yeux, je ne ferme plus l’œil.
De surcroit : à défaut de réformer la fiscalité, que nos éminences au moins n’embouchent pas la trompette du « ras le bol fiscal ».
 « Solidarité » a fait son temps dans les boites à outils communicationnelles ?
Sommes-nous tombés si bas que nos élites n’osent rappeler que l’impôt est un pilier de notre vie en société ?
Et je n’avale toujours pas les tergiversations autour du non cumul des mandats.
Qui pleurera quand ils vont se ramasser une bonne pelle ?
…………
 Dans le Canard de cette semaine :

jeudi 3 octobre 2013

HEY! Modern art & pop culture. Halles Saint Pierre.



Nous sommes revenus à la halle au pied de Montmartre, lieu de l’art  brut considéré comme un « cabinet de curiosité du XXI° siècle ». Dans ce quartier, des magasins de tissus en gros à proximité offrent aussi de belles images.
De la profusion d’artistes présentés, je retiens le groupe Bazooka qui fit de Libé un laboratoire graphique dans les années 70 et aussi une impression générale d’une sourde violence.
Quand dans ces lieux proclamés « en dehors des pupitres universitaires » on pourrait croire que nos yeux de photographes en visite soient acceptés, il n’en est rien.
Alors qu’au Moma les photographies sont possibles, ici les vigiles sont vigilants.
Les animaux empaillés ont des visages humains, et des lapins bleus ont la clope au bec, Little Nemo voisine avec de beaux culs bondage, les affiches rock avec des crayonnages compulsifs, les mobylettes customisées avec humour  avec des tatouages...
Est ce « la révélation d’un avenir » ou seulement un retour vers le passé autour d’un café équitable ?