Le pape Sixte IV (d’où Sixtine) et Laurent le Magnifique se
sont réconciliés, alors les
peintres florentins
vont à Rome embellir les murs et le plafond de la chapelle destinée aux
conclaves.
Dans les décors de la Rome antique, ils affirment la puissance de l’église. Ils
individualisent les personnages qui sont saisis dans l’action parmi des
paysages où la perspective est installée : un point d’arrivée de l’art du
quattrocento.
L’ancien et le nouveau testament sont représentés : la
vie de Moïse est décrite en parallèle à celle du Christ.
Botticelli décrit
six épisodes de la vie de Moïse dans le même tableau, Pierro Di Cosimo un passage de la Mer Rouge audacieux, Ghirlandaio ne tresse pas que des
guirlandes, il représente le recrutement de Pierre et André deux pêcheurs dont
la vie antérieure est traduite en arrière plan. Le Perrugin peint la remise
des clefs à Saint Pierre et coordonne
les travaux.
Michel Ange Buonarroti
combine platonicisme et christianisme dans une œuvre humaniste dont la
restauration vient de prendre plus de temps que sa réalisation.
Lui qui avait sculpté une piéta géante dont la mère à la
beauté idéale semble aussi jeune que son fils.
Lui, qui avait représenté aussi la Sainte Famille avec la
vierge qui passe son fils à Joseph situé à l’arrière alors que des couples de
jeunes éphèbes figurent au fond du tableau circulaire.
Le sculpteur du David, de la république Florentine, prêt
pour l’action.
L’artiste, saturnien disait-on, capricieux, travaille
pendant quatre ans sur 600 m2 .
A la Toussaint 1512 c’est l’inauguration.
« À travailler
tordu j’ai attrapé un goître […]
Et j’ai le ventre, à force, collé au menton.
Ma barbe pointe vers le ciel, je sens ma nuque
Sur mon dos, j’ai une poitrine de harpie,
Et la peinture qui dégouline sans cesse
Sur mon visage en fait un riche pavement.
Mes lombes sont allés se fourrer dans ma panse,
Faisant par contrepoids de mon cul une croupe
Chevaline et je déambule à l’aveuglette. »
Vingt ignudi androgynes aux postures sensuelles encadrent la
genèse de l’humanité décrite en neuf séquences :
La séparation de la lumière et des ténèbres, des eaux d'avec
la terre, la création des planètes.
La création d’Adam, celle d’Ève, leur expulsion du Paradis
terrestre.
Le sacrifice de Noé et son ivresse, le déluge.
Le peintre qui est apparu comme celui des ténèbres aux
générations qui n’ont pas connu l’éclat d’une restauration scrupuleuse, fait
chanter les couleurs qui ne sont plus ternies par la suie des chandelles.
L’homme est au centre, Dieu lui donne le souffle vital qui
le sortira de sa pose alanguie, mais les
corps d’Adam et Eve chassés du paradis portent le poids de « leur prison
de chair » comme dit le conférencier Christian Loubet qui fait partager
aux amis du musée de Grenoble les passions de Michel Ange privé très tôt de sa
mère, révolté contre son père au point que jusqu’à sa mort il ne pouvait
achever de visage masculins qu’il martelait.
Sur les côtés s’allient des sibylles et des prophètes, les angles sont occupés par des héros du
peuple élu : Judith, Esther, David et la légende du serpent d’airain.
Trente ans sont passés, le mur du fond sera peint après le
sac de Rome et le schisme, c’est la fin des illusions de la Renaissance :
les condamnés au moment du jugement dernier tournent autour d’un christ
olympien, devant le soleil qui est devenu centre du monde depuis Copernic.
Panique en ce jour de colère : les martyrs ont des mérites qui ne sont pas
reconnus, Michel Ange a renoncé à ses pulsions, il se représente dans la vieille
peau que tient Barthélémy. Dans ce moment dramatique, le génie devenu
mélancolique, annonce le baroque.
Sur place se munir de jumelles, d’un miroir et si l’on veut
échapper aux foules très denses, il parait qu’il y a des visites organisées hors
des heures habituelles, plus chères où se faire cardinal et méditer les yeux au
plafond.