J’avais trouvé cette année le premier avril bien
terne, dépourvu de créativité, il est vrai que "Le Gorafi" tend à s’épuiser
depuis 10 ans face à une concurrence quotidienne dans l’absurde. Certains ne
croient aucune information émise ce jour là mais avalent toutes les fake-news
tout au long de l’année. Les températures en hausse rencontrent la durée des calendriers où les fêtes religieuses qui le rythmaient se font de plus en plus
discrètes.
«Les amandiers en fleur annoncent le printemps
Au noir figuier qui ne veut pas les croire» Louis Brauquier
Sur l’éphéméride les rendez-vous sont incertains, pourtant des choix s'annoncent, alors il va à
nouveau être question de la jeunesse, carrefour des options.
Surinformation et ignorance, le déni de la létalité du Coronavirus
touche surtout nos héritiers qui ont accentué l’aveuglement, que nous boomers,
cultivions face à la mort. Conformément aux attitudes pleurnichardes
contemporaines, ils vont se montrer compatissants en paroles vis-à-vis des
vieux, mais provocateurs en acte.
Quitte à forcer le trait du tragique pour se poser vis-à-vis
de l’inconscience d’adolescences prolongées, je vois le jeunisme occulter les
souffrances des vieillards abandonnant bien vite toute parole aux jeunes
pousses. Les fragrances printanières n'obligent pas à la démagogie.
Alors que nous avons été pris de court par la pandémie,
l’exécutif s’est doté d’un Haut-commissaire au Plan.
L’appellation sera-t-elle la signature paradoxale de la disparition de toute
vision prospective comme la revendication du « respect » quand
celui-ci devient denrée si rare ?
En tous cas des échéances vont venir pour des trajectoires amenées à se
préciser après des formations perturbées, quelles orientations pour les sortants d'années d'étude?
Je n'insiste pas sur mon antienne : « plus
personne ne veut être boulanger » pour regretter un effet pervers de la
revendication de « chances égales pour tous » qui a tourné au mépris
réciproque envers ceux qui ont accédé à des professions bien rémunérées, à des
postes de responsabilité plus visibles, et ceux qui n’y sont pas parvenus. L’intériorisation
de l’incapacité de l’école à réduire les inégalités, sans cesse proclamée, fait que chacun se défausse de toute responsabilité.
Malgré les odes en l’honneur des
premières lignes, sur fond de croyance fallacieuse d’un accès de tous aux feux de
la rampe, est entérinée une hiérarchie des dignités. On se gardera de dire qu’il
est plus noble d’être trader qu’assistante maternelle mais qui préfèrerait-on
épouser ?
Variation sur le thème distance actes/paroles :
« Sauvons la planète, mais qui va sortir les
poubelles ? »
La valeur humaine étant indexée sur le salaire, est
venu le temps de l’indignation quand les métiers essentiels se trouvent être
les plus mal payés. Cependant la bataille idéologique sera rude quand bien des jeunes gens branchés accolent à
« jobs » le terme « bulshit » pour dire « boulot de
merde » ; élevé au cul des vaches je ne peux accepter cette
hiérarchie des taches.
Le respect du travail « manuel » figurait
dans bien des discours, mais laisserait entrevoir un potier plutôt que le
ripeur de nos bacs à déchets. Je ne jouerai pas non plus avec le mot
« bac » quand s’expriment les regrets à l’égard d’un diplôme dévalué
alors que ceux qui font de la musique sans avoir appris le solfège ou sont
familiers de Proust sans avoir assisté aux cours, paradent sur les plateaux.
Les vérités contradictoires s’additionnent dans un contexte où la valeur
travail est mise à bas. Le « progressiste » comme on disait jadis,
qui avait sur la poitrine marteau et faucille ne touchait pas forcément des
mains calleuses.
Par contre il faudrait remettre au goût du jour le
terme « publiciste » qui désignait au XIX° siècle les
journalistes, ils ajoutent à leur militantisme peu discret, un conformisme
navrant qui les voit reprendre sur plusieurs supports la même expression
« tour de vis » pour désigner les mesures visant à limiter la
propagation du virus.
« La liberté d'expression se mesure à ceci : tant que
les journalistes peuvent dire que tout va mal, c'est le signe que tout va
bien. » Geluck.
On va très bien !
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Dessin de Chapatte dans le journal "Le monde"