Parmi les oppositions: illusion/réalité, raison/croyance, le
couple apparu/disparu a semblé plus fécond au conférencier pour aborder le
thème du fantastique devant « Les amis du musée ».
Bien que « Etre/paraitre » eut aussi la rime
riche.
En mettant au jour nos spectres intérieurs, le fantastique
élargit notre vision du monde.
Le propos plus documenté en littérature qu’en peinture,
s’est conclu sur le rôle de l’artiste, médiateur entre deux mondes:
« L’art ne
reproduit pas le visible, il rend visible ». Paul Klee
Les apparitions dans les saintes écritures font partie de la
foi religieuse et les hallucinations procèdent de la psychiatrie dans les
hôpitaux profanes.
Pour les illusions douteuses perturbantes, les
« fantastiqueurs » qui travaillent volontiers dans la
pénombre ne se confondent pas avec les auteurs des contes, légendes, et
mythes traditionnels qui vivent dans la lumière.
« Ce fut comme une
apparition », dans le registre amoureux, nous passons du
réel à l’imaginaire.
De Flaubert à Nietzsche :
« … cette fatigue
pauvre et ignorante qui ne veut même plus vouloir : c'est elle qui crée tous
les dieux et tous les arrière-mondes ».
Nous naviguons entre les phares, Baudelaire:
« Tout à coup, un
vieillard dont les guenilles jaunes,
Imitaient la couleur de ce ciel pluvieux,
Et dont l'aspect aurait fait pleuvoir les aumônes,
Sans la méchanceté qui luisait dans ses yeux,
M'apparut. »
Imitaient la couleur de ce ciel pluvieux,
Et dont l'aspect aurait fait pleuvoir les aumônes,
Sans la méchanceté qui luisait dans ses yeux,
M'apparut. »
Cet extrait des « 7 vieillards », aux 13
quatrains, était dédié à Victor Hugo, qui
avait compris « le frisson nouveau » que ferait passer le
traducteur de Poe.
L’auteur des « Fleurs du mal » voyait la ville pas
seulement comme un décor :
« Fourmillante
cité, cité pleine de rêves,
Où le spectre en plein jour raccroche le passant ! »
Où le spectre en plein jour raccroche le passant ! »
Ce poème du haschich, où l’image du vieillard se multiplie,
amène une excroissance du réel, un basculement. Cette allégorie du temps, signe
l’entrée du monde dans l’ère de la répétition.
En ce moment les légendes urbaines sont ravageuses. Et Le Golem qui hantait les rues de Prague a
échappé à son créateur.
Le colosse à l’âme fissurée, Maupassant, également
syphilitique, assiste à sa propre dégradation : le Horla est un « halluciné raisonnant ».
Dans un de ses contes titré
« Apparition » :
« Une grande femme vêtue de blanc me regardait, debout derrière le
fauteuil où j'étais assis une seconde plus tôt. »
« La fille en blanc » peinte par Whistler convient pour évoquer le
saisissement qui fige la pensée, quand toute faculté de s’abstraire est abolie,
au-delà de l’horizon humain.
Le choix des « Têtes guillotinées » de Géricault permet lui d’évoquer les drames qui de
Lady Macbeth à Richard III allient la peur à la culpabilité, au pays des rêves
éveillés.
Dans « La chute de la maison Usher », le maitre
Poe, réunit quelques uns de ces noirs sentiments, plus une prophétie auto
réalisatrice quand Roderick enterre sa
sœur vivante.
« Il y a plus de
choses sur la terre et dans le ciel, Horatio, qu’il n’en est rêvé dans votre
philosophie » Hamlet
« They are more
things », dans cette nouvelle, Borges parodie Lovecraft maître de
l’horreur, en ébranlant jusqu’à la géométrie, nous laissant deviner,
s’installant dans une maison, une altérité irréductible, venue d’un autre monde.
Comme le réalise Giger,
le créateur d’Alien, qui hybride organique et mécanique.
« Il n'est point
de serpent, ni de monstre odieux,
Qui, par l'art imité, ne puisse plaire aux yeux ;
D'un pinceau délicat l'artifice agréable
Du plus affreux objet fait un objet aimable. » Boileau
Qui, par l'art imité, ne puisse plaire aux yeux ;
D'un pinceau délicat l'artifice agréable
Du plus affreux objet fait un objet aimable. » Boileau
L’image du « Livre de sable » de Borges est
proprement affolante, en se recomposant à chaque fois, il ne finit pas, il
disparait pour mieux réapparaitre.
La disparition, un vide au cœur du réel, une béance.
Les images nous fascinent, elles constituent un monde
complexe et se rapprochent de l’expérience fantastique.
A l’intérieur de leur cadre, elles acquièrent du prestige,
comme le temple qui délimitait un espace sacré. Dans l’exposition de
« l’art dégénéré » les nazis avaient arraché les œuvres à leurs
cadres.
« L’araignée » d’Odilon Redon est souriante, celle de la nouvelle d’Ewers
fatale : fasciné par la femme qui s’encadre dans la fenêtre d’en face, un
jeune homme va se pendre.
Mais l’être fantastique peut échapper à sa
représentation : ainsi la
Vénus de Prosper Mérimée impossible à croquer. Prosper est le
complice des profanateurs de tombes dans la nouvelle de Maupassant: « Le
tic »