Affichage des articles dont le libellé est bandes dessinées. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est bandes dessinées. Afficher tous les articles

mardi 7 novembre 2023

Ada. Barbara Baldi.

Cet album de 120 pages est un carnet d’aquarelles où contempler l’hiver de 1917 depuis les forêts autrichiennes. 
Une jeune fille échappe à l’emprise d’un père caricaturalement tyrannique grâce à son chien et ses pinceaux. 
Les bulles de dialogues sont rares, seules les images importent. 
La fille des bois croise quand même Klimt ; elle avait étudié avec Egon, (Schiele ?)
L’histoire est réduite mais la beauté des illustrations vaut le détour.

mardi 24 octobre 2023

Kiss the sky. J.M. Dupont Mezzo.

« Si le nombril des femmes était une lucarne d’où leur enfant, avant de naître, pouvait voir ce que leur réserve la vie… certains choisiraient sûrement de passer leur tour. »
Ainsi commence le premier volume, au format d’un disque Vinyle, d’un récit consacré à Jimi Hendrix qui au bout des 80 pages offre un répertoire de 52 titres pour accompagner autant de cases grouillantes, aux noirs lumineux.
Les remarquables dessins parfaitement documentés accrochent l’attention de ceux qui n’auraient comme image du joueur de guitare avec les dents, que  son appartenance au club des rockers morts à 27 ans comme Brian Jones, Janis Joplin, Jim Morrison, Amy Winehouse…ou Basquiat dont la patte convient parfaitement aux musiques de James Marshall Hendrix, 
Nous sommes amenés en amont de 1942, son année de naissance avec la part apportée par une grand-mère cherokee. Entre une mère alcoolique et un père violent, il a appris à survivre et à supporter l’instabilité sentimentale et la précarité de ses contrats de musicien en ses débuts sur scène. Il y a croisé Little Richard, Elvis Presley, Aretha Franklin, Bob Dylan
Le gaucher a retenu le son des avions lors de son passage chez les parachutistes, il joue très fort avec des amplis de plus en plus puissants. 
Il est le plus grand des guitaristes d’après les connaisseurs.

mardi 17 octobre 2023

Alex, Brigade Verhoeven. Bertho Corboz.

J’évite pourtant les séries de plus en plus nombreuses également dans la BD et je suis tombé sur la troisième enquête de la brigade inspirée par un roman de Pierre Lemaitre,  si bien que des allusions au passé du commissaire n’ont pas éclairci un récit déjà elliptique, tendu, diabolique.
Mais peu importe, et je peux spoiler sans vergogne, puisque c’est l’atmosphère qui compte, glauque à souhait et on ne peut plus perverse avec belle rousse enfermée dans une cage entourée de rats aux yeux rouges.
« Avec les preuves et le journal intime, le jury ne verra que le monstre que vous êtes. Alex sera une pauvre petite qui a beaucoup souffert et s’est vengée de ses tortionnaires avant de se faire tuer par son frère. » 
Vite feuilleté, bien dessiné et colorié, au bout des 70 pages sordides, on peut respirer.

mardi 10 octobre 2023

Fun home. Alison Bechdel.

Le titre convient parfaitement à cette  tragicomédie pennsylvanienne : il s’agit du surnom de la maison funéraire appartenant au chef de famille par ailleurs professeur féru de décoration et de jardinage. 
Et tout est de cet acabit : ambiguïté des sentiments à l’égard d’un père dont l’homosexualité est révélée petit à petit comme l’affirmation du lesbianisme de la narratrice.
Les citations de Joyce, Colette, Proust, Fitzgerald, James, en territoire littéraire commun à deux générations donnent de la profondeur à un récit autobiographique moins fort cependant que Maus ou Persépolis évoqués en quatrième de couverture.
Il est affirmé également que l’une des plus grandes révolutions du XX° siècle est celle des genres sexuels, alors que sur 240 pages la révélation cernée de non-dits de leurs penchants sexuels est subtile, affirmée, mais pas gueularde. 
« A dix ans, j'étais obsédée par le fait de préserver mon journal de toute inexactitude. Mais avec l'âge, les faits bruts cédèrent aux caprices des émotions et des opinions. Une fausse humilité, une calligraphie énervée et l'auto-dénigrement vinrent obscurcir mon témoignage... » 
Dans ces années Nixon, le puritanisme est présent, mais cette famille ne me semble pas malheureuse. 
« Notre maison était une colonie d’artistes. Nous mangions ensemble mais consacrions le reste du temps à nos quêtes personnelles et dans cet isolement, notre créativité prenait un tour compulsif. » 
Cette relecture du passé est nuancée, contradictoire, et nous interroge aussi sur l’art, nos vies avec les livres, les apparences, les distances entre ville et campagne, entre adultes et enfants… 
« - Les voies du seigneur sont impénétrables.
 - Ça n'a rien d'impénétrable! Il s'est tué parce que c'était un pédé honteux maniaco-dépressif qui ne supportait pas de vivre une seconde de plus dans cette petite ville bornée. »

mardi 3 octobre 2023

Sex Story. Philippe Brenot Laeticia Coryn.

J’aurais aimé jouer avec les mots pour dire que ce livre, qui ne se lit pas d’une main, était à mettre entre toutes les mains.
Le propos a surtout une visée pédagogique, mêlant habilement le récit des évolutions des mœurs au fil des siècles et des anecdotes éclairantes à propos de Casanova ou Sade mais aussi de Cléopâtre ou de la reine Victoria.
Quant à présenter ce volume de 200 pages à mes petits enfants, je ne sais si ce serait à moi de le faire, bien que cette histoire de la sexualité soit essentielle pour comprendre l’histoire de l’humanité. 
« A  l’âge de 11 ans, un adolescent sur deux a déjà vu une scène pornographique. » 
Un : à onze ans il ne s’agit pas d’un adolescent.
Deux : ce livre n’est pas pornographique, même si les scènes de coït abondent.
Ces représentations longtemps tabous, traitées en ligne claire, ne dégagent pas un érotisme tel qu’un dessinateur comme Manara sait en jouer. 
Elles s’insèrent dans un ensemble didactique.
Des citations de Boucher, Ingres, Manet agrémentent des pages denses démentant des idées reçues : la ceinture de chasteté daterait plutôt de la Renaissance que du temps des croisades alors que « le droit de cuissage » n’apparaît pas dans les archives.
Par contre j’ai appris que jadis des municipalités, des seigneuries, des monastères possédaient des bordels. 
Quand arrive le chapitre concernant le XX° siècle, l’expression : « c’était mieux avant » n’est pas de mise, mais l’avenir envisagé laisse entrevoir une déshumanisation inquiétante, même si en 2060 les représentants à l’ONU de l’Iran et du Yémen s’embrasseraient sur la bouche après l’adoption de la dépénalisation de l’homosexualité. 

 

mardi 26 septembre 2023

La rafle du Vel d’hiv. Cabu Laurent Joly.

Les dessins du créateur du Grand Duduche assassiné en 2015 sont mis en valeur dans cet album retraçant un des épisodes les plus dramatiques de la collaboration du régime de Vichy en 1942.
En 1967, le dessinateur, dont les traits précis contrastent avec de sombres aplats, avait illustré pour le journal à sensation « Le nouveau Candide », les bonnes feuilles du livre de Claude Lévy et Paul Tillard : «  La grande rafle du Vel d’hiv ». 
Sur plus de cinquante pages, les textes remis à jour font face aux dessins dont les lumières émergent comme chez Rembrandt. Ils apportent des informations que les rares documents photographiques n’ont pu fournir.
13 000 personnes dont 4000 enfants ont été dirigées vers les camps de la mort.
Des récits de destins individuels rappellent  la responsabilité de la police française dans l’arrestation des familles mais aussi comment certains juifs étrangers échappèrent à un destin funeste.
Les policiers ont renoncé à emmener Wigdor Fajnzylberg engagé volontaire couvert de médailles ayant perdu une jambe en 1939 mais lors d’une deuxième rafle en 1944, il partira pour Auschwitz, laissant deux orphelins qu’il avait envoyés à la campagne.
Cette page de notre histoire peut paraître aussi lointaine que la saint Barthélémy des guerres de religions. Pourtant le rappel des mécanismes qui ont pu amener à ces crimes contre l’humanité sont plus que jamais nécessaires tant l’antisémitisme encore présent parait encore plus inconcevable aujourd’hui après la mort de six millions de juifs pendant cette seconde guerre mondiale.  

mardi 19 septembre 2023

Une vie de moche. François Bégaudeau Cécile Guillard.

Ce bel album de près de 200 pages traite finement des questionnements intimes quand le regard des autres est blessant.  
Elle s’appelle Guylaine : 
« Mon prénom n’a semblé prémonitoire pour personne. 
Non, personne n’a pensé qu’il sonnait comme vilaine ».
Les dessins aux volutes fluides évitent la caricature et soutiennent un texte parfois poétique sans contredire une énergie exemplaire.
La vieillesse, où les traits des moches et des beaux s’accusent, lui permet de retrouver une paix connue lors d’une enfance protégée, même si entre temps la douceur croisée parfois n’a pas permis de surmonter une solitude cachée sous le masque de la rigolote.
«Tu sais ma puce, même si tu n’étais pas belle pour les autres, 
tu le serais dans nos yeux. »
Cette dernière phrase gorgée d’amour avait été comme un coup de poignard.

mardi 12 septembre 2023

Trashed. Derf Backderf.

Ramassage des poubelles dans une ville de l’Ohio racontées par un dessinateur en immersion  en 79/80 dans le milieu des éboueurs avant son départ en fac.
« Et nous on est là, devant le trou du cul du libéralisme, à nettoyer. »
Pendant les grosses chaleurs, la décharge encore à ciel ouvert est nauséabonde et acrobatiques sont les tournées sous les tempêtes de neige. 
A l’époque :« Le principal poste d'exportation des USA vers la Chine, pour plus de 10 milliards de dollars par an, sont les déchets ! » 
Les rapports entre les travailleurs sont rudes et la hiérarchie est corrompue. 
Les indifférences des usagers mettent le corps de ces travailleurs en contact direct avec merdes de chien et cadavres d’animaux, couches, et bouteilles pleines de pisse abandonnées par les routiers.
Les données statistiques portant sur l’histoire des ordures, les volumes collectés ou abandonnés donnent le vertige, mais font mesurer aussi les prises de consciences et les progrès effectuées depuis 40 ans. 
« J'ai lu que des économistes se basent sur les ordures comme indicateur économique ! Plus il y en a sur le trottoir, plus l'économie est saine ! » 
Les dessins peu aimables conviennent à la description d’un rude quotidien passé au cul des camions.

mardi 5 septembre 2023

La revue dessinée # 40. Eté 2023.

Depuis le premier numéro et la trentaine de numéros chroniqués depuis, je n’avais pas souvent oublié d’acheter le trimestriel   
et je le retrouve plus pessimiste que jamais, ayant délaissé quelque peu la joliesse graphique au détriment d’une démarche essentiellement militante.
L’écho suscité par leur intervention à propos de la prolifération des algues vertes en Bretagne les encourage à alerter
sur la pollution à Fos-sur-Mer et sa quinzaine de zones classées Seveso 
ou à Montreuil quand des résidences sont prévues sur des emplacements d’usines au sol pollué pas vraiment « nickel chrome ».
Le géant pétrolier Total a longtemps semblé ignorer le réchauffement climatique alors que dès 1970, ils en étaient conscients.
Tout le monde n’a pas la modestie de cette élue : 
«  On a un devoir d’humilité, car la dépollution n’est pas une science exacte »
«  Certains riverains ont une maîtrise du dossier plus poussée que nous-mêmes. »
 Pour les garants du droit, les inspecteurs du travail, la tâche n’est pas aisée.
C’est en Afghanistan qu’il faut repérer une issue favorable avec une famille qui arrive à échapper aux talibans. En 2021, 120 000 personnes avaient pu quitter Kaboul grâce à l’OTAN.
Dans une rubrique utile revenant sur un reportage précédent concernant la pédocriminalité au sein de l’église qui avait reconnu que 330 000 mineurs avaient pu être agressés depuis 1950, les mentalités évoluent, mais des blocages demeurent.
Le penchant critique de la ligne politique de la revue amène l’équipe à ne voir dans la pensée positive, qu’une pensée magique, religieuse et trumpiste. 
Par contre l’étude du mot « baiser » bien que classique est habilement développée et l’expérience de boxe thaïlandaise est amusante. 
Je n’ai pas les références requises pour apprécier la rubrique musicale, ni celle consacrée au cinéma et trop de désaccords politiques pour partager les critiques d’une loi anticasseurs au moment où viennent de flamber écoles et commissariats.    

mardi 27 juin 2023

Orwell. Christin Verdier.

Eric Blair, étudiant à Eton, flic en Birmanie, combattant de la guerre d'Espagne, est devenu Georges Orwell du nom de la rivière où il aimait pêcher. 
La postérité a donné l’adjectif « orwellien » pour désigner un univers totalitaire tel qu’il l‘a décrit dans « 1984 » ou dans « La ferme des animaux ». 
« La guerre, c’est la paix, la liberté c’est l’esclavage, l’ignorance c’est la force. »
Confronté au colonialisme, à la misère, il se montrera visionnaire avec « Big Brother ». 
« Conjuguant excentricité bohème et compassion sociale, il se fait "indigène" dans son propre pays. » 
Entre 1903 et 1950, il fut journaliste en immersion, socialiste, antistalinien, patriote, jardinier, ermite, comme il est précisé sur la couverture du beau livre de plus de 150 pages aux dessins limpides de Verdier en accord avec le récit agrémenté de dessins de Julliard, Larcenet, Blutch, Bilal… pour illustrer quelques œuvres de l’écrivain majeur que tous les bords politiques de gauche comme de droite citent:
« Depuis la guerre d'Espagne, je ne puis dire honnêtement que j'ai fait grand-chose, sauf écrire des livres, élever des poules et cultiver des légumes. Ce que j'ai vu en Espagne, et ce que j'ai connu depuis du dysfonctionnement intérieur des partis de gauche, m'a fait prendre la politique en horreur. »

mardi 20 juin 2023

Je reviens vers vous. Olivier Tallec.

 
« Je reviens vers vous »: le plus vite possible car le seul inconvénient de recueil de dessins d’humour au goût de « revenez-y » c’est qu’il ne comporte que 56 pages et on serait même prêts à affronter d’autres expressions commerciales contemporaines : « je vous laisse passer en caisse » et même « je vous souhaite une belle journée » voire « y a pas de souci ». Quelques précisions indispensables donnent le ton : 
« Pour la fabrication de ce livre : 
- 120 hectares de forêt primaire ont été décimés. 
- 25 enfants de moins de dix ans ont réalisé la mise en couleur au Népal.
 - Une secrétaire de rédaction a été harcelée sexuellement par son N+1 pendant 18 mois.
 - Le bilan carbone a été estimé à 21500 kg de CO2.
 Par ailleurs les pages 12, 17 et 28 peuvent contenir des traces de fruits à coque, de maltodextrine et de glutamate. »
L’humour est noir, mais extra-terrestres, vikings, chaperon rouge, loup et poulet à la tête tranchée qui se demande où il a laissé ses lunettes, nous concernent directement : on les a déjà rencontrés. 
Un lapin tente d’arrêter un chien : 
« Posez-vous les vraies questions : de quoi ai-je besoin ? d'amour ? de stabilité ? d'engagement ? ou de ramener un inconnu mort à un maître esclavagiste ? » 
Il est question de réseaux sociaux, de scènes bibliques, d’une mouche collée sur un ruban tue-mouches lisant son horoscope ou d'un papa mexicain couvert de piquants comme son fils qu’il traine vers la maison : 
«  Papa en a marre des cabanes dans les arbres. Papa aimerait que tu regardes la télé comme tous les enfants normaux » 
La mort vient voir le père Noël :« C'est la petite Zoé de la rue Bonaparte à Neuilly-sur-Seine qui m'envoie. Ça fait trois Noël qu'elle demande une PS4, ça fait trois Noël qu'elle se retrouve avec des livres. »

mardi 13 juin 2023

Sky.doll. Barbucci. Canepa.

Je n’irai pas plus loin que ce premier volume «  La ville jaune » qui ne m’a pas amené à de meilleurs sentiments vis-à-vis de la science-fiction.
Certes une ambiance spatiale est créé où les jeunes filles filiformes aux seins rebondis ont parfois des oreilles animales et longue queue mais les couleurs froides, l’inflation de mots absolus, ne contribuent pas à faire apprécier un message vaguement humaniste.
Dieu est mort depuis longtemps dans nos contrées occidentales mais les substituts même bien dessinés n’ont pas fait de progrès depuis le manichéisme et les divinités usant pourtant d’effets spéciaux nous laissent de marbre.
Pourtant peu familier du genre, j’ai l’impression de retrouver toujours les mêmes stéréotypes avec poupée qui se met à penser sur fond de critique conventionnelle de la religion et de la société du spectacle. Le scénario insipide n’est même pas réveillé par les couleurs métalliques qui inondent les 45 pages éteignant toute prétention érotique ou esthétique. 

mardi 6 juin 2023

Suzette ou le grand amour. Fabien Toulmié.

Agréable comme une chanson romantique, ces 366 pages ont le goût des oursins, du pesto, que les deux femmes complices nous font partager avec une limpidité tant dans le scénario que dans les dessins élémentaires aux couleurs de l’été.
Bien sûr Francesco est italien, l’amour de jeunesse que Suzette à l’instigation de sa petite fille va essayer de retrouver après le décès de son mari.
Et danser à nouveau. 
«  voglio solo rimanere cosi per sempre »
« Je n’ai qu’une envie, rester pour toujours comme ça. » 
Ici, les générations ne sont pas en conflit : Mamoun si timide apprend la franchise avec Noémie qui s’installe avec son Hugo, elle la conseille astucieusement aussi. 
« … les hommes commencent leur vie en étant rebelles et deviennent plus sages avec l'âge. Alors que les femmes démarrent dans la vie en étant sages et deviennent rebelles. » 
Il faut prendre des précautions pour qualifier cette production de « gentille bluette » afin de préciser qu’il n’y a pas de mièvrerie, mais de la douceur, de la finesse dans des dialogues réussis et une heureuse description du quotidien. 
« L'amour ce n'est pas simplement une histoire d'attraction. C'est surtout une question d'engagement. Jusqu'à quel niveau est-on prêt à s'engager pour préserver son couple ? » John Gottman

mardi 30 mai 2023

Les cahiers d’Esther. Histoires de mes 15 ans. Riad Sattouf.

Toujours le même plaisir de voir grandir la jeune fille qui nous renseigne si bien sur l’époque où elle n’avance pas masquée même en cette période qui peut sembler lointaine où nous nous confinions.  
Le temps a passé et elle le regarde sans nostalgie, nous la voyons grandir avec une énergie et une sincérité tellement sympathiques.
La chronique de ses premières amours, de sa première cigarette, de son premier mensonge, de sa première dispute est pudiquement  traitée avec toujours une pointe d’humour qui rend légère une vie dont les aspérités ne sont pas gommées.
J’en suis à lui pardonner ses parenthèses qui m’agacent habituellement : «  c’est pour rigoler », rassuré par ces portraits souriants au sein d’une famille aimante s’inscrivant dans une dynamique prometteuse. 
Elle s’amuse et réussit : faut-il que ces récits soient si rares que nous nous en réjouissions à ce point ?

mardi 23 mai 2023

Les olives noires. Emmanuel Guibert Joann Sfar.

Le titre d’un premier album d’une série de trois reste énigmatique : 
« Pourquoi cette nuit est-elle différente des autres nuits ? » 
avant « Tu ne mangeras pas le chevreau dans le lait de sa mère » et « Adam Harishon ».
Sous sa forme interrogative le titre reprend ce qu’il y a de plus palpitant dans ces 50 pages vite lues : les questions naïves et drôles, fondamentales, posées par un fils à son père en route vers Jérusalem. 
Le ton original allège le récit dans un univers religieux très normé et nous initie aux coutumes juives d’il y a 2023 ans en rappelant les querelles autour du Temple avec ses marchands et l’occupation romaine.
Le dessin participe à la fluidité et au confort de lecture de dialogues vifs même si le langage de déserteurs gaulois par exemple peut paraître trop relâché : « elle est bonne »  
Le scénario limpide d’un pourvoyeur majeur des bacs à BD des bibliothèques est comme il se doit, biblique.

mardi 16 mai 2023

Ecoute Jolie Marcia. Marcello Quintanilha.

Les couleurs acides permettent une description originale d’une sombre histoire dans une favella de Rio où la vie est difficile, les relations toxiques, même à l’intérieur de la famille de Marcia , aide soignante qui fait de son mieux avec sa fille Jaqueline irrespectueuse au possible.
Les dialogues sont corsés, le quotidien violent mais les femmes résistent.
Marcia est une héroïne forte à tous les sens du terme comme Aluisio, son compagnon, homme de sa vie, un doux parmi une brochette de jeunes coqs si odieux que c’est peu de le dire.
Chronique sociale tragique et comique, vraiment punchy, sans misérabilisme.
Heureusement, il y a toujours les chansons : 
« Je ne savais pas même soupirer avant de te rencontrer.
Mais depuis j’ai croisé ton regard je sais soupirer je sais mourir. »

mardi 9 mai 2023

Fraîche. Marguerite Boutrolle.

Sur le thème beaucoup traité de la fin de l’adolescence, une BD pleine de fraîcheur fidèle à la quatrième de couverture : 
«  Frais, fraîche (adj.) :
-  qui a la spontanéité, la candeur de la jeunesse. 
-  Se dit d’une fleur qui a gardé son éclat, qui n’est pas fanée.
-  Se dit d’un aliment qui n’a pas encore subi d’altération. » 
Dans un langage qui distingue chaque génération, la jeune auteure, revient sur cette période de la vie où les velléités d’émancipation passent par bien des conformismes. 
Sans jamais ridiculiser ni embellir les aspirations de cet âge, les incertitudes et la recherche d’une vie qui soit belle sont bien racontées grâce à un graphisme dynamique et un découpage énergique  accordant bien le fond et la forme. 
« Les gens du lycée ont GRAVE des têtes à avoir couché. Genre tous. »

mardi 2 mai 2023

Noir burlesque. Marini.

Pour mieux apprécier la diversité de la production actuelle de BD, est-il besoin d'aller voir du du côté des stéréotypes éculés du polar américain des années cinquante avec personnages
ankylosés aux révolvers omniprésents sous un scénario sans intérêt?
Les dessins ont beau mettre en valeur les formes féminines et la puissance masculine qui arrivée à ce point dépasse même la caricature, ils participent à notre indifférence que les dialogues creux ne peuvent réveiller.
Parmi les commandements du boss : 
« Baise avec qui tu veux mais n’essaie pas de me baiser ». 
Bigard à côté c’est Mathieu Ricard. 
Voilà de quoi exciter des comités de lecture woke dont le verdict quel qu’il soit ne me gênerait pas, surtout parce que ces 94 pages ne contiennent rien.

mardi 25 avril 2023

Cher pays de notre enfance. Davodeau Collombat.

Au moment où je réévalue « Mongénéral », ainsi le nommait Le Canard Enchaîné, ma bible d’alors, voilà en noir et blanc un rappel d’un passé qui ne fut pas si héroïque. 
Le fondateur de la cinquième République payait pourtant ses factures d’électricité.
Cet album de 220 pages vient rappeler de noires affaires d’un pouvoir où le SAC (Service d’Action Civique), bien mal nommé, jouait un rôle important, utilisant des anciens combattants contre le FLN ou l’OAS après le traumatisme algérien, des truands pour les sales besognes.
L’assassinat du juge Renaud, rappelé par Yves Boisset dans « Le juge Fayard » ou l’affaire Boulin sont encore dans les mémoires, bien que les moyens pour étouffer les affaires aient été efficaces dans ces années 70/80.
Par contre, je ne savais pas que « Le gang des Estafettes » avait commis le plus grand casse du siècle (le XX°) à la poste de Strasbourg et que le butin avait été « rapatrié » à l’UDR (ancêtre du RPR) qui pouvait  être ainsi en bonne santé financière avant la réglementation du financement des partis politiques, d’autant plus que les réseaux de la Françafrique activés par Focard crachaient du fric à pleins tuyaux.
Le prolifique dessinateur avait déjà publié une partie de ces histoires dont l’effet d’accumulation est accablant    
Il se met en scène avec un journaliste de France Inter, lors des entretiens qu’ils mènent auprès d’autres confrères, des magistrats, des dirigeants des services secrets, des politiques.
Les propos sont tellement chargés qu’il n’est pas besoin de mise en scène spectaculaire.
En conclusion le procureur général de Palerme, Roberto Scarpinato dit : 
« Après avoir lu le livre de Benoît Collombat et d’Etienne Davodeau, je me suis rendu compte que ces entrelacs secrets entre crime et pouvoir ne font pas partie de l’histoire italienne, mais aussi de l’histoire française. » 
Du lourd !

mardi 18 avril 2023

Le chien qui louche. Etienne Davodeau.

« Le chien qui louche » est le titre attribué à une toile découverte dans un grenier qu’une famille du Maine et Loire verrait bien accrochée au Louvre.
Les marchands de meubles en ont eu l’idée depuis que leur sœur est l’amie d’un gardien du Louvre, ce qui permet de confronter les artisans aux artistes et de poser la question irrésolue : qu’est ce qui justifie la présence d’une œuvre plutôt qu’une autre dans un musée?
Davodeau, familier des sujets sociaux penche cette fois du côté de la comédie, voire parfois de la caricature, sans en affecter toutefois le plaisir de lecture. 
Cet album entre dans la jolie galerie des éditions du Louvre où la BD rend hommage au lieu prestigieux désormais en sa pyramide.
« Excusez-moi… Vous pouvez m’indiquer « La Joconde » ? » 
Plutôt que les dessins assez ordinaires à l’exception de ceux croquant les statues, les dialogues révèlent efficacement les lourdeurs des frangins, les complicités des amoureux, les passions d’amateurs d’art, les touristes qui ne font que passer.
Un discours par un membre éminent de « la République du Louvre » situe bien le sujet : 
« Entre ici, Gustave Benion... Avec ton misérable cortège ! Avec ceux qui, comme toi, ont peint sans rencontrer la reconnaissance, et même - ce qui est plus consternant - ... Avec ceux que la gloire et la fortune ont endormis! Entre ici, avec tous les peintres du dimanche... Avec les approximatifs des bords de rivière !... Avec les aquarellistes des galeries marchandes. Avec leurs couchers de soleil trop colorés. Leurs natures mortes trop mortes. Leurs nus qu'on rhabillerait volontiers. Et leurs portraits qui n'en sont pas. Entre ici avec les malhabiles de la peinture à l'huile... Et ceux pour qui la peinture à l'eau, finalement, c'est pas rigolo. Entre ici, Gustave Benion avec ton "chien qui louche"! »