mardi 28 janvier 2020

Un homme est mort. Kris. Davodeau.

Cet homme s’appelait Edouard Mazé, tombé sous une balle de la police lors d’une manifestation des ouvriers employés à la reconstruction de la ville de Brest le 16 avril 1950.
La BD qui occupe 62 pages retrace cet épisode à travers le tournage d’un film aujourd’hui disparu de René Vautier commandé par la CGT pour témoigner de la lutte de ces ouvriers et célébrer leur unité lors de 89 projections sur les chantiers, cette dernière étant fatale à la pellicule qui avait beaucoup servi dans des situations où l’inventivité était de mise.
Des conditions très artisanales ayant empêché toute prise de son en direct, le poème d’Eluard écrit pour la mort de Gabriel Péri accompagnait les images:
 « Un homme est mort qui n’avait pour défense
 Que ses bras ouverts à la vie
 Un homme est mort qui n’avait d’autre route
 Que celle où l’on hait les fusils
 Un homme est mort qui continue la lutte
 Contre la mort contre l’oubli »
Un dossier de 16 pages vient compléter et nuancer un récit des riches heures de la classe ouvrière tout en conservant le ton de ce temps. Il fait ressortir des enjeux très contemporains concernant la popularisation des luttes alors à ses balbutiements, voire soulignant récemment l’obscénité d’une irresponsable qui sur des plateaux de télévision souhaitait l’usage de balles réelles contre des voyous qui avaient attiré des policiers dans un guet-apens.
Avec la valeur sûre Davodeau aux dessins, le scénario de Kris, petit-fils d’un militant communiste, est  habile et bien charpenté.
Il est bon de se rappeler de René Vautier encore vivant en 2006 au moment de cet hommage. L’auteur d’« Avoir vingt ans dans les Aurès »,  était resté en marge du milieu du cinéma pour se consacrer à la diffusion militante. J’ai encore le souvenir d’une chanson qui accompagnait son film « Quand tu disais Valéry » « …que ça changerait, Valéry, nous on savait, Valéry, qu’c’était pas vrai ».

3 commentaires:

  1. Je ne sais pas comment quiconque peut prétendre sérieusement que "ça n'a pas changé", Guy.
    Honnêtement, je ne sais pas qui peut le prétendre. Surtout dans les pays d'Europe Occidental, et de nos jours.
    Les gens qui le prétendent... n'ont pas les yeux en face des trous. Je ne sais pas sur quel planète ils vivent.
    Que ça a.. MOINS CHANGE ailleurs, ça, je suis prête à l'admettre. Mais pas chez nous.
    Prétendre que la violence qui serait la prérogative de l'Etat n'a pas diminué, et bien, c'est faux.
    Je crois qu'il faut faire très attention avec les bonnes intentions, avec les slogans, avec les mots qui enflamment les esprits.
    Surtout à une époque où le zéro... risque/mort/risque de mort est devenu une obligation.
    L'érection de la vie individuelle en sacré de l'Homme ?
    Je ne sais pas quoi penser de cela, à vrai dire. C'est très... séducteur, surtout quand l'individualisme (cartésien) domine les mentalités, mais... je ne sais pas, finalement, si c'est très.. réaliste, pour employer un mot qui reçoit beaucoup de publicité de nos jours...
    Et pas seulement pas "réaliste"... un tel sacré finit par porter atteinte à la liberté. Si, si. A la longue.
    Je répète mon maxime, que je me répète tous les matins : le mieux est l'ennemi du bien.

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  2. Sur « quand tu disais Valéry que ça changerait Valéry », il y avait quelque autodérision, car c’est moi qui ai changé. Ce mot « changement » est au sommet de la pile des mots fourre-tout avec lesquels nous nous sommes tant fourvoyés. Quant à ceux qui gémissent actuellement alors qu’ils récoltent ce qu’ils ont semé, je ne les approuve pas du tout. L‘image d’un CRS qui relance un pavé avait choqué des internautes mais d’où venait le pavé ?

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  3. Oui, si tu discutes avec d'autres voisins européens, et des gens d'autres pays, tu apprendras à quel point la désinvolture des Français envers les forces de l'ordre choque des ressortissants d'autres pays.
    Il y a quelque chose d'inconséquent dans cette désinvolture, je trouve. Il y a une.. IMPUNITE qui traduit le fait que le Français lambda n'a aucune idée des... rapports de force institutionnalisée qui le protège quand il vaque à ses occupations, surfe sur Internet, regarde des séries, fait des affaires, travaille, glande,etc.
    C'est triste, et inquiétant, cette désinvolture, je trouve. Cela n'agrandit pas le Français (tous moyens, tous moyens, ra, ra...) à mes yeux...
    Mais peut-être suis-je simplement trop sérieuse ? (et pas "réaliste"...)

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