Marabouté par ce livre, comme on dit des jeunes hommes
« tisanés » tombant en amour, là bas dans le continent des mystères
insondables, j’y ai retrouvé la vie de Douala décrite entre 1950 et 1960. Elle
ressemble à celle que je connus dans les années 70, sans que le mot
« latérite » ne fut écrit, alors que cette terre rouge colore pour
toujours mon année au Cameroun et baigne d’autres romans également costauds.
J’ai révisé et appris aussi la violence de la colonisation
et des luttes pour la décolonisation, alors que mes convictions
soixante-huitardes me portaient à dénoncer un impérialisme que j’ai servi
malgré la lecture d’ouvrages alors interdits.
Je comprends intimement la position de cette directrice du
collège moderne pour jeunes filles de New Bell, ses Antilopes, consacrant sa
vie à aider à l’émancipation de jeunes filles, tout en restant derrière les
murs de son établissement.
« Instruisez un
garçon, vous aurez éduqué un homme ;
élevez une fille, vous
aurez civilisé une famille. »
L’auteure a romancé l’histoire vraie de Charlotte Michel
personnage mythique de la ville construite au bord du rio
dos Camarões (rivière des crevettes), nom
donné par les Portugais. L’écrivaine que je découvre avec plaisir se
situe dans une post face. Elle ne souhaite pas :
« déroger au souci
moral affiché par ma génération, à qui la colonisation semble un outrage, et la
guerre, et toute forme de domination blanche occidentale. Ma rencontre avec les
Antilopes n'a pas bouleversé mes convictions profondes et mes valeurs. Mais
elle a modifié mon regard sur la vie d'une femme qui, en son temps, fut exemplaire. Fut aimée. D'un amour filial et
non servile. Un tel amour, plus de cinquante ans après les faits, ne pouvait
que répondre à un amour reçu. Devant lui, la raison s'incline, et les grands
discours. »
Parfois les intentions les meilleures alourdissent la
lecture, alors que palpitent ces 276 pages sans pathos.
La musique a pu s’enrayer :
«Pour mener gaiement
nos rondes nous cherchons les bois ombreux ... les bois ombreux… les
bois ombreux…
Le bras glisse dans le sillon, se hausse, dérape à nouveau.
Ma Bertha ouvre un œil, bâille. J’ajuste l’appareil.
Mers, vallons, forêts
profondes, comme nous tout semble heureux ! »
Loin des représentations en noir et blanc, les nuances
n’entament pas une volonté exemplaire.
« Combattre une
coutume, c’est ouvrir une brèche dans tout le système traditionnel.
Et hors de la coutume,
la solitude peut être affreuse. »

Beaucoup de questions sur le sujet de… « l’émancipation » ? de la fille, la jeune femme, par l’éducation, et son enjeu pour l’Occident.
RépondreSupprimerJe ne peux pas m’empêcher d’avoir… de mauvaises pensées :
1) Le souvenir du commentaire d’une institutrice au Kazakstan en voyant le film « Padmavat » (un Bollywood tourné il y a quelques années sur une femme qui est sainte dans cette région, en s’étant immolée avec ses servantes volontaires pour refuser d’être le butin de guerre qu’était.. Hélène de Troie, et Andromaque, il y a si longtemps, à l’époque où on embarquait les femmes en esclavage dans le cas où leurs hommes perdaient la guerre. Mais je crois que c’est toujours d’actualité dans la condition humaine sur la planète à l’heure actuelle.)
L’institutrice… moderne ne voyait pas le problème de se faire embarquer en butin/esclavage, et trouvait qu’il était plus mieux de vivre, en se sacrifiant en tant qu’esclave ? que de choisir le martyr. (J’ai appris dernièrement que l’un des sens les plus puissants et ancien de « martyr » est « témoignage ». Et bien, oui, le martyr est bel et bien un puissant témoignage, il faut le reconnaître. « Martyr » dans le sens de « sacrifice de soi », bien entendu.
2) La réalisation en revenant sur « Les Liaisons Dangereuses » de Laclos que les propos de Laclos pour défendre l’éducation des femmes étaient pris dans une confusion entre l’initiation sexuelle et l’éducation… Damnèd, comme on dit en anglais. Il y aurait donc une confusion dans les têtes entre l’initiation sexuelle des femmes, et l’éducation ? Curieux, mais de portée très lourde, je trouve. De là, je glisse à l’épineux problème du statut de l’initiation pour l’être humain, car il serait terriblement naïf, de mon point de vue, de s’imaginer que le problème de l’initiation est mort pour la modernité. QUI… initier ? Par qui ? Comment ? Où ? Comment faire passer de l’état de NON INSTRUIT/INITIE (dans quel domaine ?) à l’état d’instruit/initié ? Une société.. traditionnelle ? QUI A DES TRADITIONS ? une transmission viable entre les générations ?? est construite de telle manière qu’il y a des non-initiés et des initiés, et tout le monde n’est pas initié. Dans certaines sociétés très traditionnelles ? les femmes restent à part dans un statut de NON INITIE. Mais… elles participent à la collectivité à leur manière, de leur place, en étant non initié. Subtil, et complexe, non ? Elles ne sont pas initiées, mais elles ont du savoir ? En tout cas, tout le monde n’est pas PAREIL ? le même ?
Quand on regarde la condition humaine sous cet angle, l’enjeu de l’école pour l’Occident devient très intéressant, voire même… religieux, d’après moi, en sachant qu’on a la religion qu’on peut, mais que j’ai plus de respect pour les gens qui savent que leurs positions sont de l’ordre de la foi ? la croyance ? que les gens qui refusent de le reconnaître. Quand on regarde le problème sous cet angle, les flambées autour de l’éducation.. sexuelle à l’école dans nos pays (!!!!!) deviennent très intéressantes aussi. A méditer.