vendredi 19 décembre 2025

Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens. Robert-Vincent Joule Jean-Léon Beauvois.

Je ne soupçonnerai pas celle qui m’a recommandé ce pavé de 366 pages d’avoir cherché à me manipuler en me proposant cette édition augmentée depuis sa première parution en 1987 bien qu’un bandeau inamovible affichant 500 000 exemplaires vendus en France s’inscrive dans une démarche publicitaire des plus ordinaires.
Cet ouvrage de psychologie sociale, dont le projet de vulgarisation est louable, cumule les références propres aux universitaires avec plus de 20 pages de bibliographie et des notes à la pelle, avec usage d’un humour laborieux et vieilli pour séduire le lecteur.
Les dénominations des techniques commerciales, répétitives, datent du temps des représentants en aspirateurs des années 50 : « le pied-dans-la-porte », « la porte-au-nez », « le pied-dans-la-bouche », « le pied-dans-la-mémoire », qui s’ajoutent à « l'amorçage » et autres « pièges abscons ».
A l’heure des réseaux sociaux ce type de livre présenté comme un prêt à penser de développement personnel est condamné à l’obsolescence. Le champ politique est ignoré alors que des usines à trolls et hackers cultivent la haine et nous livrent une guerre inédite et que des arnaqueurs escroquent tant de solitaires.
L’esprit critique est bien sûr plus que jamais nécessaire mais le soupçon permanent mine nos rapports sociaux qui à la fois peuvent manquer de spontanéité ou succomber par ailleurs à une impulsivité aggravée par les pseudonymes. Tout le monde n’a pas des intentions cachées aux motifs pervers, mais nous interagissons sans cesse pour convaincre, faire valoir habillement nos opinions.   
Quelques conseils de bon sens sont énoncés comme apprendre à revenir sur une décision : 
«  - Moi quand j’entreprends quelque chose je vais jusqu’au bout »
« Peut être penserez-vous avec nous : en voilà un de plus qui est tombé, avec dignité et de belle manière, dans un piège abscons. » 
Mais bien des exemples sont tellement simplistes que certains développements théoriques apparaissent comme des bavardages inutiles.
Souvent citée, la candide madame O, personnage ô combien manœuvrable, vient d’être  victime d’un « placement de produits » en regardant un film, une occasion de récapituler des situations favorables à des tromperies : 
« On ne lui pas demandé de veiller aux affaires d’un inconnu, de jeter un coup d’œil à un salon en promotion, ni de garder la place de quelqu’un dans une file d’attente, et encore moins de passer deux heures par semaine, pendant au moins deux ans avec un jeune délinquant. On ne lui a pas davantage touché le bras ou dit qu’elle était sensible à la détresse humaine. » 
Les grosses ficelles qu’elle n’avait pas vues auparavant, nous placent du côté des futés dans un univers où la méfiance est devenue tellement massive qu’elle nous amènerait à douter à tous coups de la générosité de nos semblables, de leur honnêteté.

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