samedi 13 décembre 2025

L’antilope blanche. Valentine Goby.

Marabouté par ce livre, comme on dit des jeunes hommes « tisanés » tombant en amour, là bas dans le continent des mystères insondables, j’y ai retrouvé la vie de Douala décrite entre 1950 et 1960. Elle ressemble à celle que je connus dans les années 70, sans que le mot « latérite » ne fut écrit, alors que cette terre rouge colore pour toujours mon année au Cameroun et baigne d’autres romans également costauds.
J’ai révisé et appris aussi la violence de la colonisation et des luttes pour la décolonisation, alors que mes convictions soixante-huitardes me portaient à dénoncer un impérialisme que j’ai servi malgré la lecture d’ouvrages alors interdits.
Je comprends intimement la position de cette directrice du collège moderne pour jeunes filles de New Bell, ses Antilopes, consacrant sa vie à aider à l’émancipation de jeunes filles, tout en restant derrière les murs de son établissement. 
« Instruisez un garçon, vous aurez éduqué un homme ;
élevez une fille, vous aurez civilisé une famille. » 
L’auteure a romancé l’histoire vraie de Charlotte Michel personnage mythique de la ville construite au bord du rio dos Camarões (rivière des crevettes), nom  donné par les Portugais. L’écrivaine que je découvre avec plaisir se situe dans une post face. Elle ne souhaite pas : 
« déroger au souci moral affiché par ma génération, à qui la colonisation semble un outrage, et la guerre, et toute forme de domination blanche occidentale. Ma rencontre avec les Antilopes n'a pas bouleversé mes convictions profondes et mes valeurs. Mais elle a modifié mon regard sur la vie d'une femme qui, en son temps, fut exemplaire. Fut aimée. D'un amour filial et non servile. Un tel amour, plus de cinquante ans après les faits, ne pouvait que répondre à un amour reçu. Devant lui, la raison s'incline, et les grands discours. » 
Parfois les intentions les meilleures alourdissent la lecture, alors que palpitent ces 276 pages sans pathos.
La musique a pu s’enrayer : 
«Pour mener gaiement nos rondes nous cherchons les bois ombreux ... les bois ombreux… les bois ombreux…  
Le bras glisse dans le sillon, se hausse, dérape à nouveau. 
Ma Bertha ouvre un œil, bâille. J’ajuste l’appareil.
Mers, vallons, forêts profondes, comme nous tout semble heureux ! » 
Loin des représentations en noir et blanc, les nuances n’entament pas une volonté exemplaire. 
« Combattre une coutume, c’est ouvrir une brèche dans tout le système traditionnel.
Et hors de la coutume, la solitude peut être affreuse. »

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