mercredi 19 mai 2021

Amiens # 2

La température fraîche offre un contraste important avec hier.  
Nous destinons notre matinée à la visite commentée de la cathédrale Notre Dame que nous retenons et réglons à l’Office du tourisme.
Notre conférencier, un petit monsieur avec son parapluie partage son érudition à l’ancienne, méthodique et passionné.
Il commence par aborder lhistorique: 1220-1268 : Les fonds pour construire l’Eglise ne manquent pas.
D’abord la ville est riche grâce au commerce des drapiers, aux impôts, aux péages sur les ponts  et aux droits de passages des bateaux sur la Somme.
Rapportent aussi les reliques dont  la tête de Saint Jean-Baptiste. Elles attirent les pèlerins, ainsi que le bleu d’Amiens au procédé de fabrication gardé secret, réputé même hors des frontières. 
La cathédrale fut bâtie en une seule fois et cela lui confère son unité.
Elle fut épargnée par les conflits ; pendant la seconde guerre, les Stukas l’évitaient dans leurs bombardements en plongée se concentrant sur l’anéantissement du reste de la ville.
Elle fut la dernière cathédrale de style « gothique » ou
« ogival » et bénéficia des expériences de celles qui l’avaient précédée. Elle atteint la longueur de 142 m, sa hauteur de 48 m est un peu plus basse que celle de Beauvais mais cette dernière dut  réduire sa longueur suite à l’effondrement de la travée.
Ces deux tours inégales déplaisaient à Eugène Viollet-Le- duc, adepte de la symétrie. Jusqu’à 23 couches de peintures successives ont recouvert l’édifice ; il est difficile aujourd’hui d’imaginer cette façade et ses ornements ainsi que ses statues autrefois multicolores quand on se trouve face à cette pierre claire.
Ce fut l’œuvre des  sculpteurs« imagiers », que l’absence d’images, de livres en papier, voire d’imprimerie ont poussé à raconter le contenu de l’ancien et du nouveau testament, dans une lecture compréhensible par tous.Trois portails donnent accès au lieu saint.
Le portail central est consacré au Jugement dernier représenté dans le tympan. Le Christ apparait dans le trumeau entouré par les statues latérales des apôtres. Les autres personnages en pierre font appel aux prophètes comme Jonas dont l’histoire  est racontée en sculpture dans les quadrilobes.
Le portail de droite fait référence à la naissance du Christ. Dans le trumeau, prennent place la vierge et l’enfant. La tête du petit serait attribuée à Viollet le duc. 
Des traces et restes très atténués de couleurs affleurent par endroit  et témoignent de la peinture disparue.
Au Sud trône une autre belle Vierge dorée.
En dessous de la Vierge à l’enfant du portail de la mère de Dieu, Adam, créé à l’image de Dieu et Eve née de sa côte, chassés tout deux du paradis rappellent la faute originelle, mais Marie sainte mère veille sur les pauvres pécheurs. Les autres sujets sculptés traités concernent l’annonciation, la visitation, la présentation de Jésus au temple.
A gauche, les fidèles peuvent identifier de grandes figures de l’ancien testament  que ce soit  les trois rois mages, ou Hérode surmontant un quadrilobe décrivant le massacre des innocents 
ou encore le roi Salomon fondateur du temple de Jérusalem, (clin d’œil des architectes) accompagné de la reine de Saba. Le portail de gauche est dédié à Saint Firmin.

De chaque côté de l’évêque 12 quadrilobes enferment les signes du zodiaque, en dessous desquels correspondent pour chacun d’entre eux une scène de vie en relation avec les saisons évoquées.
Lorsque nous pénétrons à l’intérieur, nous nous sentons bien petits dans cet espace de hauteur et de lumière caractéristiques de l’art ogival.
Un labyrinthe au sol long de 240 mètres occupe en grande partie le dallage de la nef. Son cheminement le long d’un ruban noir enroulé oblige à poursuivre rigoureusement tout le tracé avant d’atteindre le centre sans possibilité de raccourci.

Au milieu, dans le cercle noir, une croix dont les branches se terminent par un lys indique les quatre coins cardinaux, mais  tout le monde peut constater que le bâtiment n’est pas dans l’axe. Cependant, au moment des solstices la lumière qui filtre par une fenêtre divise parfaitement la croix en deux parties et met en évidence ombre et  lumière : cette symbolique s’explique par une parole de saint Jean Baptiste désignant le Christ : « je suis l’ombre, Il est la lumière ». Des anges évêques et bâtisseurs s’invitent dans le cercle et s’imbriquent entre les branches de la croix.
Nous ne verrons rien de l’orgue de la Renaissance en réfection.
Mais nous  ne manquerons pas l’ange qui pleure au dos du chœur. Pendant la guerre de 14-18, les soldats australiens, néo zélandais et britanniques le rendirent célèbre dans le monde entier lorsqu’ils combattirent au front  à une quinzaine de kilomètres d’Amiens. Pour écrire à leur famille, ils envoyaient des cartes postales de la cathédrale, mais en raison de l’épuisement  du stock, ils se sont rabattus sur celui inexpliqué de l’ange qui pleure. Ce putto est une petite sculpture du XVII° placée au-dessus d’un enfeu d’évêque. Il fut rajouté à la suite d’un différend entre l’artiste  et le commanditaire qui trouvait la note du tombeau trop salée. Main appuyée sur un sablier et  coude reposant sur un crâne, il dénonce la Vanité du monde terrestre.
Les chapelles et monuments du déambulatoire gardent trace aujourd’hui encore du 1er conflit  mondial, comme  par exemple la présence d'un drapeau australien offert, exposé telle une relique…
Quant au bâtiment, il souffre de l’œuvre du temps et des hommes ; pour maintenir l’écartement des piliers et les consolider, une chaîne de métal a été insérée tout le long du triforium, à l’image d’un tonnelage.
Il n’y a plus grand-chose à contempler au niveau des peintures ou fresques, ni au niveau des vitraux encrassés dont seulement 5 % ont survécu aux guerres.
Durant la visite nous avons pu apprécier notre guide ; ce passeur, grand bavard, n’a manqué ni d’anecdotes ni d’érudition, sans mégoter sur le temps consenti.
Lorsque nous quittons les lieux, un prêtre célèbre le  baptême d’un petit métis du nom de Shun au milieu de sa parentèle blanche et noire ; la cérémonie me semble bien plus étoffée que celle pratiquée de par chez nous…

1 commentaire: