Mais la lecture est ardue, hachée de parenthèses et de
tirets, de ligatures, de charmantes esperluettes (&), farcie de mots
rares : cautèle (prudence rusée), éréthisme( appliqué au cœur :
accélération du rythme cardiaque) ou hypoxie (manque d’oxygène) et de
néologismes heureux : internité ou optiphone. Presque aussi chichiteux que
certains de mes articles abusant des allusions, des digressions.
La prose savante laisse pourtant sur 70 pages une élégante
impression mélancolique, quand tout n’est pas aussi limpide que lorsqu’il
décrit sans agressivité : « un
vieil essayiste faisant l’apologie de l’amélioration (un livre à vendre) et
entiché vraiment de cette jeunesse qu’il voit si aisément tactile à circuler
dans les données y saisir ce qui s’y offre en temps réel, mais sourcilleux d’un
déclinisme du « c’était mieux avant » dont il entend des voix
partout, concédant « quelques difficultés aujourd’hui »… » Michel
Serres si tu m’entends…
C’est que nous sommes dans le déni de la réalité, on fait
comme si de rien n’était, et pourtant quand on dit « glacier » vient
immédiatement : « fonte » ou pour les eaux : leur « montée ».
La falaise, les seuils sont derrière nous. Rappel de l’appel
des 15 000 scientifiques :
« on fit cette
remarque que ce n’était pas le premier et puis l’on s’exhorta à multiplier en
hâte ces aérogénérateurs qui feraient magiquement l’électricité pour animer le
crépuscule dans nos bunkers thermiques »
L’avenir avec des puces indolores pour faciliter le
shopping, et pour les poulets des petits casques de réalité virtuelle pour
qu’ils se croient dans le Gers, n’est pas très appétissant, surtout si c’est
pour aller jusqu’à 150 ans.
Les citations sont nombreuses « Dans le monde qui va naître, le silence et la solitude seront
les derniers luxes de l’individu » Edmond Jaloux, dans les années 50,
avec pas mal de Jünger. Après quelques photographies banales d’un village
prises par lui-même, qui aèrent le joli petit livre, il se laisse aller in
extremis:
« quelque chose en soi semble sur le
point de s’ouvrir et tout réconcilier »
pour se reprendre aussitôt :
« un assez bon
endroit pour venir y attendre le collapsus, le black – out inaugural »
Je me suis offert le luxe incroyable de balancer l'expression "déni de la réalité" dans les toilettes.
RépondreSupprimerC'est que "laréalité" est un concept assez difficile à apprécier pour tout un chacun.
Presque tous les jours, à ce jeu là, je trouve que mes compères sont dans un déni de la réalité charnelle de nous-mêmes en tant que corps.
Nous avons nos raisons de nier la réalité de nous-mêmes comme corps charnels.
Il y a un truc que me chagrine à regarder la jeunesse (et la vieillesse...) tactile sur les engins tactiles qui sont si peu appétissants au toucher, d'ailleurs, c'est de voir tant de têtes... baissées, forcément baissées, et les regards perdus (pour autrui) sur la came.
On peut dire ce qu'on veut, mais après tout, peut-être que la meilleure définition de l'esclave, c'est celui qui a la tête baissée... (sauf pour Dieu, et le roi, peut-être, là, j'accorde des exceptions.)
Oui, ça me semble une très bonne définition de l'esclave.
oui, la phrase la plus juste est celle-ci: "Dans le monde qui va naître, le silence et la solitude seront les derniers luxes de l’individu"... Il faudra aussi éteindre les portables.
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