jeudi 21 juin 2018

On n’y voit rien. Daniel Arasse

L’émérite historien de l’art dans ce livre qui décortique six tableaux figurant au centre de l’ouvrage ose écrire :
« Les Ménines ! Encore ? Non ! Non ! Par pitié ! Ça suffit, avec les Ménines ! On a tout dit sur elles ! tout et rien ? D'accord, mais quand même, maintenant, ça commence à bien faire ! »
Cette bouffée au cœur de 216 pages, juste avant de dialoguer à distance avec Michel Foucault, relève d’une ironie annoncée par le titre qui invite au contraire à des interprétations des plus savantes quoique mâtinées d’humour.
« Velázquez, lui, grand peintre courtisan, « prend » le roi comme phénomène (sous l’espèce de sa « famille ») et comme « chose en soi », insaisissable dans le visible. »
Outre « Les Ménines » de Velázquez, il est question de « Mars et Vénus surpris par Vulcain » du Tintoret, « L'annonciation » de Cossa et du regard d’un escargot, « L'adoration des mages » de Bruegel, « La Vénus d'Urbin » de Titien, de la toison de Madeleine.
« Il faut dire qu’en matière de cordons, Brigitte en connaissait un bout vu qu’elle était suédoise, qu’elle s’était mariée et qu’elle avait eu sept enfants avant de se retrouver en sainte. »
Chaque chapitre est abordé avec une façon originale d’aller au fond des choses : dialogue avec une autre ou avec lui même, adresse au lecteur, lettre.
« Il avait tellement regardé, tellement appris à reconnaître, classer, situer, qu’il faisait tout très vite, sans plaisir, comme une vérification narcissique de son savoir. Chaque peintre à sa place et une place pour chaque peintre. Un savoir de gardien de cimetière. »
La peinture, son histoire, nous invitent à mieux voir sous les vernis : la vie et ses secrets.
« Vincent Carducho affirme glorieusement la toute-puissance de l’acte du peintre, du peindre. Il te parait assez proche de Léonard, pour lequel, si la peinture est cosa mentale, l’exécution était plus « noble » encore que la seule conception mentale parce qu’elle met en acte l’image à venir. »
Je ne connais pas le Vincente en question et n’ai pas de familiarité particulière avec Léonard et il y a autant à prendre et à laisser dans ces interprétations parfois tirées par les cheveux, mais des explications inédites, des indications originales nous enrichissent au-delà des parquets craquants sous quelques très hauts plafonds.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire