Champs de blé et champs de batailles, du fond des campagnes
au front.
Les 296 pages m’ont d’abord semblé laborieuses, accumulant
les scènes obligées avec en outre des redondances générées par le procédé
ajoutant au récit, un journal du front et l’inévitable échange de lettres lorsqu’il
s’agit de traiter de « la grande guerre ».
Et puis j’ai poursuivi par respect pour l’auteur qui a
consacré beaucoup d’énergie et de temps à cet épisode guerrier débutant le XX° siècle dans
l’épouvante, lui qui a mis en place les
historiales à Pressins, village dont il est le maire, « premier spectacle
historique de Rhônes Alpes ».
« Adieu la vie,
adieu l’amour,
Adieu toutes les
femmes,
C’est bien fini, c’est
pour toujours
De cette guerre
infâme.
C’est à Craonne sur le
plateau,
Qu’on doit laisser sa
peau ;
Car nous sommes tous
condamnés,
C’est nous les
sacrifiés… »
J’ai été retenu par les patronymes familiers, les évocations
de villages de « par chez moi », les descriptions d’une époque qui
m’a imprégné bien que j’ai été épargné par les récits d’anciens combattants qui ne
furent pas si envahissants que ça. Un de mes grands pères en revint, sauvé par son métier de maréchal
ferrant, je ne connus pas les détails de ce qu’il vécut, sinon les chevaux
morts pendant la traversée qu’il avait fallu jeter à la mer depuis le bateau
qui l’emmenait vers le front serbe.
Vingt huit noms sur le monument aux morts du village.
Nous sommes dans un autre temps, où l’un des fils de la
famille Trilloux s’engage volontairement malgré la disparition d’un de ses aînés,
jamais remis de la mort de sa femme en couche et qui s’est en quelque sorte
suicidé : lui va perdre la raison. Un autre monté en grade a été fusillé
pour l’exemple et celui qui est revenu a la gueule salement cassée. Malgré ses
longueurs, ses maladresses ou à cause d’elles, car sans intention stylistique,
je me suis mis à mesurer l’importance de ce rappel se superposant aux images pas si lointaines des guerres actuelles.
Oui, tu vois, c'est surtout en vieillissant, si je puis dire, que je commence à... mesurer sans instruments de mesure, tout le poids incarné de ces tragédies individuelles qui, cumulées, pèsent sur nous, comme les fantômes de ces guerres pèsent sur nous, sans que nous puissions les voir. Nos yeux... glissent à la surface des choses, et il faut, dans le meilleur des cas, des années pour voir ? entendre ? le chuchotement insistant de ce passé qui ne veut pas, et ne peut pas mourir.
RépondreSupprimerNous et nos enfants ne pouvons pas vraiment imaginer cela à partir de ce qui apparaît dans les manuels, et les livres d'histoire, et ces livres font le mal d'extérioriser cette expérience, et ainsi, nous mettre à l'extérieur de ce passé, comme dans un musée.
Je mets ma main au feu pour dire que je ne suis pas sûre que la guerre soit une tragédie au sens fort. Les suites de la guerre dans le quotidien de la vie d'un revenant peuvent l'être. Mais ici, l'attitude de la population civile envers ses soldats, ses revenants pèse beaucoup sur le devenir des anciens combattants, et plus qu'on ne le croit. Faire miroiter à un homme qu'il a été exploité par ses "supérieurs" n'est pas vraiment un service à lui rendre dans le fond. Tu sais que "victime" est au féminin, et hommes ET femmes vivent cette place comme une place passive, donc subie...
C'est tragique à l'heure actuelle tout ce que nous privons pour priver l'homme de sa dignité, de mon point de vue.
D'autant que nous n'avons nullement fini de trouver la position... passive.. une position à partir de laquelle "on" se fait enculé...
Au sens littéral et figuratif, mon ami.