Nous sommes pleinement dans le sujet de l’exposition «
Persona » présentée jusqu’en novembre 2016 au quai Branly à Paris, qui
interroge « Comment l'inanimé devient-il animé
? » à laquelle le professeur d’histoire de l’art à Nanterre qui
nous tint ce langage, collabore.
Alors, l’art cinétique à ses débuts : contredisant Dali
qui demandait à une sculpture surtout de ne pas bouger, l’ingénieur Calder qui
avait suivi le cirque Barnum, va réaliser en fil de fer des personnages pour une
composition appelée le « Grand cirque Calder ».
Le mot « mobiles » attaché à celui qui donna son
nom à nos rendez vous de manifs grenobloises partant de la gare - en l’occurrence un
« stabile » - vient de Duchamp.
Restant dans les arts populaires, Alexander Archipenko avec « Medrano »,
polychrome, a cherché à bouger.
Les costumes de Picasso - il est encore là lui aussi - pour « La
parade » de Satie, sont plus que des habillements.
Delaunay dans son « Hommage à Blériot »
(musée de Grenoble) autour d’une hélice
fait tournoyer « chromomotricité » et « chronomotricité ».
Duchamp joue avec des spirales de mots :
« Sur Demande des
moustiques Domestiques (demi-stocks) for the cure d’azote sur la Côte
d’Azur. »
Il reprendra l’idée de rotation dans des « Rotoreliefs ».
« The Rock
Drill » dont Jacob Epstein ne conserva que le haut
fut installé sur un marteau- piqueur.
« L'Homme en
mouvement » est créé par
Boccioni, théoricien du futurisme, du
temps des machines triomphantes qui pourtant tant asservirent et tant
massacrèrent pendant les guerres :
« Tandis
que les impressionnistes font un tableau pour donner un moment particulier et
subordonnent la vie du tableau à sa ressemblance avec ce moment, nous
synthétisons tous les moments (temps, lieu, forme, couleur, ton) et
construisons ainsi le tableau. »
Se mouvoir et s’émouvoir peuvent se
confondre et depuis Héraclite :
« Ce qui existe, ce
n'est pas l'être mais le devenir : Il n'y a de réel que le
changement. »
Dans un tourbillon de références, Proust croise Bergson, le
calme Hegel, Kant le serein et Descartes le mécanique, les photographes Muybridge,
son zoopraxiscope et Marey.
« Le poète,
selon Lessing premier historien de l’art, dans « le Laocoon », travaille pour l’imagination, et
le sculpteur pour l’œil. Celui-ci ne peut imiter toute la réalité
qu’en blessant les lois du beau ; il ne reproduit qu’une situation, qu’un
instant, tandis que le poète développe l’action tout entière. »
La vibrante « Kinetic Construction » de Naum Gabo, qui ne fut pas qu’un penseur,
ouvre le chemin.
Son arachnéenne « Linear Construction in Space »
résout l’opposition d’Apollinaire entre sculpture et nature.
Le « Monument à la III° Internationale » d’Atline resta
à l’état de maquette pour une tour qui devait s’élever à 400 m de haut, en fer, verre
et acier, « constituée d'une
double hélice en spirale avec en son centre trois structures géométriques
en rotation, le cube (sur un an), le cône (sur un mois), le cylindre (en un
jour). »
Finalement, le téléphone au homard de Dali, l’homme aux
propositions inattendues, symboliques et
fantomatiques, n’est pas inerte, il s’intitule « Le Téléphone aphrodisiaque ».
Pour le Groupe de Recherche d'Art Visuel (GRAV), remis en
lumière par Yves Aupetitallot en 1998 au Magasin de Grenoble,
directeur aujourd’hui contesté par son personnel : « Les œuvres ont pour vocation de
toucher tout le monde, les badauds comme les connaisseurs. »
Morellet, un des fondateurs de ce groupe éphémère, est au
musée de Grenoble, avec sa « sphère-trames » .
Une de leurs œuvres « participatoires », fut
érigée à côté de la « maison de la culture » qui
venait d’être inaugurée par Malraux en 68 dont je ne peux me dispenser de
rajouter un morceau du discours :
« Nous voici au
point capital de notre entreprise. Supposons que la culture n'existe pas. Il y
aurait les yé-yé, mais pas Beethoven; la publicité, mais ni Piero della
Francesca ni Michel-Ange; les journaux, mais pas Shakespeare; James Bond, mais
pas le Cuirassé Potemkine ni
la Ruée vers l'or.
Pourtant il y aurait une création, il y aurait un art, il y aurait des maîtres
vivants. Mais si nous pensons aux nôtres, aussitôt nous découvrons comment ils
se rattachent à ceux du passé. Hemingway est parent de Shakespeare plus que du
New-York Times. Parce que ce qui unit tous les maîtres, c'est leur référence à
autre chose que la vie. Le domaine de la culture, c'est le domaine de ce qui
s'est référé à cette autre chose, d'ailleurs variable. Et à une image de
l'homme acceptée par lui, et est simplement l'image la plus haute qu'il se fait
de lui-même. C'est cette référence qui permet à l'œuvre de survivre à son
auteur. Dans une civilisation religieuse, ce qui assure la vie des valeurs,
c'est la religion elle-même. Dans une civilisation non religieuse, c'est ce
domaine de référence qui délivre l'œuvre de sa soumission à la mort. »
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