jeudi 8 mai 2025

La bible et le colt. Quand la peinture raconte l’Amérique. Catherine de Buzon.

Pour situer la période de l’histoire de la peinture au pays d’Andy Warhol,
 
« La déclaration d’Indépendance » du 28 juin 1776 par John Trumbull 
sera la première image de la conférence devant les amis du musée de Grenoble .
Un siècle plus tôt, le portrait de « Mme Elizabeth Freake et bébé Mary » avait ouvert depuis la Nouvelle Angleterre une tradition picturale dite aussi « peinture coloniale » d’artistes amateurs vantant de séculaires valeurs domestiques.
L’
« Autoportrait de M. Smith » dépourvu de perruque, laisse apparaître par la fenêtre le rappel d’une victoire navale à laquelle il participa. Il est en train d’écrire son épitaphe.
Venu d’Ecosse,
John Smibert peint celui qui vient de l’embaucher comme professeur   
«  Le Doyen Berkeley et son entourage ».
Benjamin West
, né en Pennsylvanie, va fonder une école à Londres, après un séjour à Rome où à la vue de la statue de l’Apollon du Belvédère, il s’exclama :   
« Mon Dieu, comme elle ressemble à un jeune guerrier mohawk ».
Son célèbre tableau d’histoire est plus symbolique que réaliste : 
aucun indien n’était dans la camp anglais lors de « La Mort du général Wolfe ».
« Paul Revere » de John Singleton Copley
l’orfèvre héros de la guerre d’indépendance, réfléchit.
L’aimable « Mrs. Ezekiel Goldthwait » eut 13 enfants ; 
13 fruits figurent dans le compotier.
Etabli à Boston, pour se faire connaître en Angleterre où il immigra après l’indépendance,
il présente « Le garcon à l'écureuil »
et reçoit commande par le lord maire de Londres du tableau « 
Watson and the Shark » afin d’édifier la jeunesse en mettant en scène le commanditaire lorsqu’il perdit une jambe en baie de La Havane. 
https://blog-de-guy.blogspot.com/2020/06/les-peintres-et-la-mer-christian-loubet.html
A Philadelphie, Charles Wilson Peale dont les enfants portaient le nom de peintres « Portrait of Raphaelle and Titian »,
réalisa de nombreux portraits parmi lesquels celui de « George Washington », premier président d’une république alliant les valeurs protestantes aux principes de la démocratie grecque et de la République romaine.
Intéressé par les sciences, « Exhumation of the Mastodon »,
il fonde le premier grand musée « The Artist in His Museum »,
il écarte le rideau de l’ignorance.
Son fils Raphaelle, lui, voile Vénus : « Venus Rising from the Sea - a Deception ». 
Dans la seconde moitié du XIXᵉ siècle avec Thomas Cole, le paysage devient le héros du récit de la construction de la nation.
« New frontier »
Allégorique, « Le cours de l’Empire »  passe de l'état sauvage à la naissance de la civilisation, son développement son déclin et sa mort. 
https://blog-de-guy.blogspot.com/2023/04/leau-douce-catherine-de-buzon.html
La faute et le sacrifice se croisent dans une puissante « Expulsion du jardin d'Éden » 
« Chariot de l’arpenteur dans les rocheuses  »
d’Albert Bierstadt
de style luministe, sera cité dans le film « Danse avec les loups ».
« Le Grand Canyon de Yellowstone » de Thomas Moran est exposé au Capitole.
George Caleb Bingham célèbre la nature sauvage et la civilisation avec  
« Le Retour des trappeurs ».  (Fur Traders Descending the Missouri)
« Daniel Boone escorting settlers through the Cumberland Gap »
a des airs bibliques.
Frederic Edwin Church ose : « Notre bannière dans le ciel ».
Qu’il fait bon
« Danser sur le plancher de la grange » de William Sidney Mount !
L’« Homme des Premières Nations » peint par le spécialiste George Catlin,
ou « Indiens chassant le bison » sous le regard  ethnographique d’Hans Bodmer ne rendent pas compte de la violence du génocide des peuples autochtones
que renseigne cependant une photographie d’un tas de crânes de bisons, 
animal vital pour les tribus des plaines.
Nous resterons sur l’image d’un fermier et de sa fille devenue si célèbre,
« American Gothic » de Grant Wood, au moment de la grande dépression; 
représentation - parait-il - de « l'inébranlable esprit pionnier américain ». 
« Vous ne pouvez pas utiliser une vieille carte pour explorer un nouveau monde. »
Albert Einstein.
Et comme à la toute fin des westerns pour rire, se pose la question au bout d'une marche vers le soleil couchant: cette lumière est-elle divine - ou pas ?

 

mercredi 7 mai 2025

21 & Gira. Grupo Corpo.

Nature et culture dialoguent : sauvage et classique, inventif et précis, élémentaire et profond, sylvestre et urbain, mathématique et animiste ...
Quand certains artistes veulent abolir la distance de la scène à la salle, ce spectacle objet d’admiration mérite d’être surélevé pour sa beauté, le professionnalisme de la troupe, le pouvoir du chorégraphe.
Même si la diversité des thèmes musicaux aurait mérité parfois des enchainements plus lisses pour ne pas entamer la cohérence du spectacle, on retient sa richesse et sa force.
Les couleurs explosent, et dans le jeu des lumières et des ombres, les apparitions disparitions ajoutent de la magie à la transe hypnotique, des mouvements les plus subtils aux performances les plus spectaculaires au sein d’un groupe puissant où s’harmonisent les apports individuels. 
 Le Brésil et sa diversité, sa simplicité, nous régale à tous les coups :

mardi 6 mai 2025

Le guide mondial des records. Benaquista-Barral.

Paul baron est chargé d’homologuer les performances ordinaires comme le plus gros des choux ou des plus honorables comme un record de natation d’une centenaire, et tant d’autres farfelues.  
La vie du jeune homme tout ce qu’il y a de normal peut être bousculée avec quelques ingrédients ordinaires : amour et intrigue policière agrémentent un quotidien routinier, offrant l'occasion de poser quelques questions.
« Est-ce si indigne de ne s'illustrer en rien ? 
De ne pas laisser son nom dans les livres ? 
Aujourd'hui le goût de la performance a été remplacé par l'exploit débile. 
À quoi bon s'emmerder à grimper l'Everest quand on peut avaler trois hot-dogs en trente secondes ? » 
Toujours habile le scénariste croisé ailleurs
est bien illustré par le sage Barral. 
 « Il faudrait créer un guide mondial de l'échec.
Un grand livre où tout le monde se reconnaîtrait.
l'homme qui a raté le plus d'examens, 
l'homme dont aucun rêve n'a abouti,
la femme qui a raté le plus de régimes,
la femme qui est devenue ce qu'elle redoutait. »

lundi 5 mai 2025

Moon le panda. Gilles de Maistre.

Un jeune garçon en échec scolaire va inverser la tendance en devenant ami d’un panda et même « Pandambassadeur».
Le panda a la tête ronde comme la lune, il va l’appeler Moon.
Les clichés abondent : la grand mère rigolote et bienveillante, habite une jolie maison tout près de l’endroit où ne cesse de roupiller le mollasson mangeur de bambous, le père psychorigide va se corriger, la mère, jouée par Alexandra Lamy en roue libre, ne sert à rien.
Après 1 heure 40, on tient le bon bout après un plan de la muraille de Chine au cas où on serait perdu.
Des moyens importants sont consacrés à la préservation de l’espèce à six doigts, mais l’histoire tournée sans image de synthèses, est également sans enjeu, alors que la question de la liberté par exemple aurait pu être posée sans que cela perturbe les enfants à qui ce film est destiné. On va dire qu’il s’agit d’un conte, mais j’en sais de plus nuancés, et même si les câlins aux ursidés surtout en peluche sont salutaires, ce serait prendre soin de nos mômes, les respecter, que de les amener vers plus de complexité.

dimanche 4 mai 2025

Dieppe. Mers-les-Bains

Nous quittons Rouen pour Dieppe et décidons de flâner  en nous autorisant un petit détour  pour le café qui nous mène à MONTVILLE. Nous n’avions pas de raison particulière de choisir cette étape si ce n’est l’annonce sur la route d’un musée des sapeurs-pompiers.
Nous nous étonnons devant l’église des inscriptions liberté égalité fraternité appliquées au-dessus des 3 verrières en ogive et de la présence en exergue de république française sur le beffroi peu élevé. Pourtant l’église est bien un lieu de culte et garde sa fonction religieuse. Mais au XIX°siècle, la commune  finança  en partie l’agrandissement de l’édifice, de ce fait, le maire de l’époque considéra le lieu sacré comme un lieu public. En face, le bar où nous sirotons notre café connait une belle animation, fréquenté par des locaux venus en nombre plus pour tenter leur chance aux jeux et au PMU que pour consommer. Et en même temps ils échangent  des propos en habitués qui se retrouvent.
Nous reprenons notre voyage, traversons Clères, Grugny, le val-de-Scie par de petites routes de campagne désertes moins plates que ce que nous pensions, tracées entre collinettes et quelques restes de bocages .
De beaux bâtis s’insèrent en accord dans le paysage, nous repérons deux maisons coiffées de chaume.

Nous approchons de Tourville sur Arque à la recherche du château de Miromesnil. C’est là que naquît Guy de Maupassant qui y vécut jusqu’à l’âge de trois ans. Actuellement la demeure située en pleine nature et entourée d’un parc  abrite un gîte de luxe. Elle propose des suites, environ 330 € la nuitée pour quatre personnes mais ne semble pas prise d’assaut par les amateurs.
Un jeune homme s’avance à notre rencontre pour nous renseigner. Ce joli château style Louis XIII avec ses briques rouges et son vaste parc bien entretenu n’est ouvert à la visite, obligatoirement guidée, qu’à 14h30 (trop tard pour nous),  par contre cet horaire ne concerne pas  le potager et le jardin (8€). Nous y renonçons cependant.
Nous reprenons la route pour Dieppe. Le GPS nous guide  à proximité du centre-ville dans un quartier populaire guère soigné, rue de la cité de Limes à côté de l’austère école Michelet mais dans laquelle  nous trouvons sans problème et sans parcmètre à poser la voiture.
A pied nous descendons vers le pont Colbert. Il est actuellement en réfection alors  nous empruntons  une passerelle piétonnière  provisoire pour accéder au cœur de la ville.
Un énorme marché envahit  la grande rue, rendant difficile la circulation des clients et passants, sous le soleil éclatant et une température fraiche idéale. Nous remontons la voie sans nous décourager car, confiants dans le routard nous cherchons à atteindre le restaurant « Divernet » (138 grande Rue) .
Il s’est installé à l’étage d’une pâtisserie/traiteur, peu visible de l’extérieur. Autrefois au XIX°, l’établissement s’appelait brasserie Grish, du temps où Oscar Wilde en exil  le fréquentait.
La décoration intérieure  de ce petit  espace vite bondé a conservé un style art déco sobre et sympa, il règne cependant une ambiance fonctionnelle sans tralala.
Nous commandons pour l’un une palette de bœuf sauce Neuchâtel et légumes divers, pour l’autre un wok de crevettes, plus bien sûr dessert et café. Nos voisins de table engagent la conversation, ils habitent le coin et nous conseillent un petit détour à Mers les bains qu’ils apprécient tout particulièrement. Nous prenons congé et lorsque nous débarquons dans la rue, les marchands ont  remballé leurs marchandises. 
Il en reste quelques-uns qui  à l’ombre de l’église Saint Jacques concluent
leurs dernières affaires.
Nous jetons un coup d’œil  à l’intérieur  de l’édifice religieux, dont le mauvais état a nécessité la pose de filets sous les voûtes des travées afin de récupérer les gravats décrochés des parties supérieures.
Vite fait, nous découvrons une chapelle consacrée à l’enfant Christ de Prague, et une autre abritant une mise au tombeau en statuaire colorée, dans un mélange gothique renaissance en pierre crayeuse rongée.
Sur le chemin en direction de la voiture, nous empruntons un pont mobile que nous n’avions pas vu à notre arrivée puis notre véhicule à moteur nous trimbale vers Mers les bains non prévu dans notre périple mais bien vendu par nos voisins de table.

Le GPS nous conduit sur les hauteurs de la ville mitoyenne du Tréport, près de l’église Saint Martin et par chance, nous tombons de justesse sur un emplacement libre de stationnement , dans une rue en pente.

Nous descendons à pied sur un petit chemin contournant à droite la petite église et aboutissons sur la rue du front de mer rendue piétonne pour la durée de l’été.

Des falaises encadrent  et délimitent la grève longue de 4.5km .
Sur la plage de galets, des quartiers de cabines blanches obstruent la vue sur la mer. Quant au large trottoir, servant  habituellement de  promenade, il accueille un marché des artisans.
Mais le plus attrayant reste l’autre côté de la rue, avec son alignement de maisons hautes et élégantes dans un style art nouveau.
Le chemin de fer construit en 1872 a rendu les villégiatures accessibles aux parisiens aisés;
elles rivalisent  de couleurs, de hauteurs, s’éloignent des maisons à pan de bois,
osent des toitures  folles, se parent de volutes, de boiseries en arrondi,
de balcons avec des ferronneries, de bow windows, de céramiques.
Chacune porte un nom,  RIP (il faut oser !)  

"Villa Hellena", magnifique, rue Boucher de Perthes ,

souvent des prénoms de femmes : "Yvonnette", "Colette"..,
la villa "La fée des mers" marque l’entrée de la promenade, attribuée à tort semble-t-il à G. Eiffel.
Les couleurs pimpantes et fraiches chantent sous la lumière du soleil et le bleu du ciel,
nous prenons plaisir à nous attarder dans les rues transversales sans souffrir de la chaleur car le thermomètre affiche 24 °, la canicule pour les locaux.

samedi 3 mai 2025

Mammifères II. Pierre Mérot.

Un premier volume d’il y a vingt ans avait quelque saveur. 
Mais au bout des 217 pages de celui là, l’écrivain fatigué gâche le travail : 
« Un livre éteint, sans les éclats ni la violence de la jeunesse. » 
Cette livraison du sexagénaire qui se confie à son urologue, à son cardiologue, ne gambade plus beaucoup et ne saute plus guère, quand le « Bukowski de Montmartre » alpague le néophyte en faisant référence à plusieurs reprises à Montaigne du « sauts et gambades ».
Il se repent : 
« … il était bien obligé d’enfiler son masque d’oncle, cruel et ordurier, de faire taire sa charité, son cœur réel, son humanité, on le payait pour ça, la méchanceté, le cynisme, l’horrible drôlerie, la drôlerie expéditive, simplifiante, facile. Etait-il drôle, l’oncle ? Il en doutait. » 
Il fume, se fait sucer, boit quelques bières, va à l’enterrement de Daisy sa maman, avec Riri, Fifi et Loulou et à l’EHPAD voir Donald son papa. L’enfance est partie, et les gros mots ne choquent plus grand monde. La critique du « Monde » indulgente en arrive à lui pardonner ses mollassons  coups de patte envers le politiquement correct. Le professeur toujours en congé, change d’appartement, car les prix sont élevés à Paris, ha bon, heureusement il y a Tinder. 
« Tantôt songeuse comme Raphaël, tantôt passionnée comme un Delacroix, parfois directe comme un trait de Matisse, je recherche mon partenaire d’inspiration pour aller au-delà de l’esquisse et explorer tout en nuances la palette de la vie ».

vendredi 2 mai 2025

Dottore.

Pour répondre à toute profession s'estimant dévalorisée, il n'est question que de revalorisation salariale.
En ces temps où la dette appelle la diète, la seule revendication des moyens me semble une ambition bien moyenne.
Le terme « vocation » a disparu du lexique quand il s’agit seulement de trouver un job.
Dans un monde pas très rigolo, les caricatures mettent de la couleur dans les conversations et les blagues divertissent mais difficile de doser, de causer. Des cas particuliers excessifs alimentent les conversations et il  est devenu bien difficile de ne pas généraliser.
Tous les prêtres ne sont pas tous pédophiles, et  tous les instits ne laissent  pas s’éterniser les récréations.Tous les médecins ne sont pas devenus remplaçants pour éviter le burn out, bien que certains cherchent de préférence le stress en aile volante plutôt que les urgences.
Il y a des moments où le sens commun demanderait un peu plus de sens du collectif. 
Quand il n’y avait pas besoin de cours d’éducation civique, l’« intérêt » particulier était accompagné de « général ».
Parmi tous les médecins auprès desquels les clients patientent, a-t-on vu des idées pour atténuer la crise de l’offre de soins dans notre pays vieillissant dans une Europe qui connait les mêmes problèmes? Sans parler de l’Afrique, où les déserts ne sont pas que médicaux, à qui l’on prend médecins consentants, footballeurs de talent, prêtres, livreurs de repas et accompagnantes de nos vieux jours.
Le nombre de praticiens augmente, pourtant il est plus difficile d'en dénicher un que partager  le secret d'un coin à champignons. Par contre ils sont réactifs: pour leurs revendications pas d’arrêt de travail de complaisance.
Leurs longues études ont été financées par l’argent public et leurs rétributions sont remboursées par la sécurité sociale. Les professions privées sont payées par la manne publique. La société pourrait attendre quelque service de leur part, sans dépassement d’honoraire. 
Les instits sont nommés dans le Nord Isère et les profs dans le Nord, quand les postes se font rares autour de la promenade des Anglais. Pourquoi un dermato n’irait pas faire un peu de tourisme dans la Haute Loire, ça le sortirait des routines botoxées ?
Une régulation dans l’installation des médecins serait fidèle au serment d‘Hippocrate:
« J’apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu’à leurs familles dans l’adversité. » 
Les évolutions sociétales privilégient les comportements égoïstes mais ceux-ci ne peuvent pas indéfiniment prendre le pas sur les besoins collectifs surtout quand les libéraux attendent tout des autres, de l’état. 
Jadis sacerdoce, dottore avait du prestige et constituait avec professore l’élite de la nation ; leur pouvoir se décline désormais en groupes de pressions, en lobby, les mandarins, les maîtres sont descendus des estrades.
Tout le monde s’accorde à diagnostiquer une santé mal en point, mais toute prescription est rejetée, ne faudrait-il pas que le corps médical se mette au régime quand l’homéopathie a échoué ?
Les chinois et leurs proverbes pourraient nous aider :  
« A force d’être malade on finit par devenir un bon médecin. »