Maudit, soit celui qui prétendrait à plus de lucidité que
ses contemporains quand l’intelligence forcément humaine est si vite soupçonnée
d’arrogance et d'artificialité. Nos sociétés voient leur ciel s’obscurcir encore un peu plus
derrière les nuages de poussière des villes bombardées, sous un ciel témoin
d’évolutions affolantes du climat.
Antilles et Nouvelle Calédonie, nos îles lointaines
souffrent et les discours décoloniaux s’éternisent bien que notre ancien Empire
ait été réduit depuis longtemps à l’état de confettis. Les guerres de
libération les plus glorieuses étaient animées par des nationalistes ayant
étudié dans nos facultés. Leurs indépendances ont été conquises au prix du sang
pour « regagner » - à entendre dans tous les sens - leur sol, mais
ces transitions complexes ont clopiné dans la douleur et ont fait long feu.
Autour du mot « libération » que de crimes contre la vérité, que de
crimes tout court. Dégagés de leurs chaines, certains viennent se soigner, se nourrir, travailler, chez l’ancien
oppresseur.
La fierté patriotique des peuples désormais autonomes à l’instar de
nos compatriotes derrière nos barricades hexagonales, se manifeste tout
autour de notre planisphère.
Les xénophobes de tous pays se font des clins
d’œil par dessus les murs.
Si les cartes du XIX° siècle étaient coloriées aux couleurs
britanniques ou françaises, aujourd’hui l’encre de Chine fait tache.
Les
faiseurs d’histoires remontant à l’esclavage et aux bagnes, délivrant des
images en noir et blanc incontestablement scandaleuses, allègent de leur
responsabilité les politiques exerçant présentement dans les territoires anciennement colonisés.
Les populistes extrêmement gauches y trouvent du
combustible depuis les boucs missionnaires de jadis, aussi caricaturaux que les
démagogues d’extrême droite et leurs
étrangers en boucs émissaires. S’il n’y avait pas les anciens convertis des
pères blancs comme prêtres dans nos campagnes, les messes seraient encore plus
rares.
Les « toubabs » savent
bien que la crise de recrutement ne touche pas que les toubibs et les
vétérinaires.
Les thématiques coloniales, religieuses ou souverainistes
étaient peu abordées dans nos conversations, elles ont cheminé et sautent aux
yeux si bien qu’elles nous aveuglent.
Alors que le mot « race » était à manier avec des pincettes, « racisé » est arrivé et le blême est invité à sortir de la salle.
Le terme « Grand remplacement » vient des fachos
avec son cortège de peurs et d’exclusion, mais qu’y a-t-il de mal à remarquer
qu’à la station de métro, nous sommes les seuls pâlichons si nous avons abandonné toute idée de supériorité?
On peut ne pas voir de péril dans l’engoncement des
silhouettes des mamans à la sortie des écoles, mais qui peut nier que les coiffures
ont changé?
Ne pas le reconnaître fait le jeu de ceux qui se vantent de dire
tout haut ce qui se pense tout bas. Devenus les rois des sous-entendus, les
réseaux d’extrême droite cultivent leur entre-soi. LFI fait de même avec des allusions aux « Dragons
célestes » contrôlant le monde « comme qui
vous savez » : les juifs.
Les homosexuels ont une situation qui s’est
améliorée ces dernières années, allant vers une indifférence recherchée. Il
serait souhaitable que la couleur de peau puisse passer de la qualité de
marqueur au détachement, quand les chanteurs de Marseillaise les plus
expressifs sont nos champions devenus atones au-delà du podium.
« Quand vous gagnez,
vous êtes Français.
Quand l'équipe perd,
vous êtes considéré comme Sénégalais »
Patrice Evra
Danger des généralisations : aurait-on pu parler de
réfugiés pour les pieds noirs en 1962 ?Ceux qui demandaient de ne pas essentialiser au moment des
attentats islamistes voient en chaque homme un violeur potentiel pour
manifester leur solidarité avec la courageuse Gisèle Pélicot.
Maintenant que
s’est adoucie la culpabilité portée par l’idéologie judéo-chrétienne, il est
cocasse de voir la conscience du mâle blanc d’un certain âge être chargée de tous les maux. Mais après m’être insurgé contre ces fardeaux genrés, je me suis demandé si nous n’avions pas, y compris, les tribunitiens du « Monde » un peu du Trump en nous. Dans nos mondes
parallèles, nos ghettos peints aux couleurs universelles, nous cultivons nos
vérités alternatives, écartant ce qui nous gène, ne retenant que ce qui vient
de nos cercles.
« En vérité, la
vérité, il n'y a pas de vérité ! »
Jean-Claude Van Damme.