mercredi 23 mars 2022

Strasbourg #1

nous disposons de plus de temps pour  gagner  STRASBOURG, dans une circulation qui se densifie à l’approche de l’agglomération.
Nous abordons la ville par le Nord.
Une fois  rue de la Courtine, nous hésitons à nous embringuer dans la rue pavée d’apparence piétonne, par chance, une place vacante de parking nous tire d’embarras.
Nous finissons les 300 mètres à pied parmi des vélos débouchant sans crier gare.
Nous dénichons l’Office du tourisme et glanons des prospectus sur les attraits de la ville.
L’employé nous informe de la gratuité  exceptionnelle des musées en juillet, 
et nous donne les  renseignements concernant  le spectacle du son et lumière.
Nous pouvons maintenant flâner à notre gré pour une première imprégnation de la cité,
sous un ciel bleu et de belles lumières : 
nous passons par les petites rues,
immanquablement nous tombons face à la cathédrale dont la légende raconte que les coups du vent qui la cernent seraient les manifestations du diable tentant de rentrer. 
Nous poursuivons vers le pont du corbeau.
Nous observons les toitures des maisons trouées de fenêtres sur plusieurs niveaux.
Une petite brocante s’est installée juste avant la rivière l’Ill.
Le Pont du Corbeau doit son nom, non pas à l’oiseau ni au délateur mais à l’homme, le Corb,  chargé de récupérer les cadavres au moyen âge : 
« Il lui fallait sortir, trainer, et tirer les cadavres le crochet lui permettait de ne pas les approcher de trop près, il croche dans le mort avec son ‘croc’ d’où le surnom de ‘corbeau’ »  
« La première mention du pont du Corbeau apparaît en 1308 sous le nom de « Pont des Supplices ». Ce n’était alors qu’une passerelle en bois où se déroulaient d’horribles tortures et condamnations à mort. Parricides, infanticides, voleurs ou encore les femmes infidèles étaient jetés dans l’Ill… Une loi de 1411 oblige les condamnés à mort à être jetés à l’eau depuis ce pont, empaquetés dans un sac en lin cousu. À partir de 1466, le pont est aussi un lieu d'humiliations où l'on châtie les malfaiteurs : les voleurs et les pilleurs de jardins sont enfermés dans une cage sise sur ce pont et exposés aux moqueries des passants avant d’être jetés dans l’Ill d’où ils doivent regagner la rive à la nage.
Près de ce lieu chargé d’histoires cruelles nous nous attablons pour étancher notre soif.
Mais avant d’être servis nous nous replions fissa fissa à l’intérieur pour échapper aux bourrasques et à la pluie subitement débarquées.
Le temps de finir notre consommation, et  la météo se calme ;   
nous pouvons marcher jusqu’à la voiture.
Nous nous dirigeons vers  le quartier de la rotonde au nord-ouest et patientons avant notre rencontre avec notre logeur de Air B&B un sympathique maghrébin, chauffeur de VTC actif, rigolo, bavard, enclin à la bonne humeur.
Il nous raconte ses déboires avec les artisans chargés de construire sa maison, ses activités  diverses professionnelles. En Strasbourgeois convaincu et chauvin, il dénigre les Mulhousiens : on assiste une fois de plus à cette querelle fréquente entre les gens du Sud et les gens du Nord, vérifiable en France comme en Italie, partout. 
 
Nous apprécions la vue depuis la galerie au 6ème étage qui donne accès à notre studio. 
 
Nous gitons près du quartier Cronenbourg ; l’entreprise de bière a transformé  le C en K dans l’intention de laisser croire à une production germanique, et profiter de la réputation fameuse des allemands dans ce domaine.

mardi 22 mars 2022

Les Zola. Méliane Marcaggi Alice Chemama.

 
Le grand écrivain ne s’est pas fait tout seul.
Cet album de 112 pages nous fait découvrir sa mère, sa femme, sa maîtresse. 
Les douces couleurs sont plus évocatrices de l’univers privé du poète parmi ses amis Cézanne, Monet, que des classes sociales misérables qu’il a excellé à décrire.
Alexandrine modèle de Manet, anciennement Gabrielle, saura aider l’auteur de la série des Rougon-Macquart à connaître les milieux pauvres qui lui furent familiers. 
Elle apprendra aussi à cultiver les relations pour son mari autour de sa table.
Nous sommes loin des indiscrétions de paparazzis ou des dénonciations numériques dans un récit où la mise en lumière des femmes de l’auteur de « J’accuse » ne fait pas disparaître l’homme. 
Jeanne Rozerot engagée auprès du couple embourgeoisé sans enfant, sera la mère longtemps clandestine de deux enfants.
Si tout un roman aurait pu être écrit à partir de la découverte de cette vérité, la BD donne un aperçu d’une relation à trois qui ne manque ni de drame, ni de générosité.

lundi 21 mars 2022

Illusions perdues. Xavier Giannoli

J’avais tellement aimé le livre lu sur le tard, aux punchlines classieuses
«  la polémique est le piédestal des célébrités » 
que j’ai attendu «  la pluie de récompenses » pour aller voir ce qu’il en était au cinéma après  avoir apprécié une adaptation théâtrale inventive. 
Au-delà de la classique supériorité de la littérature pour traduire les dilemmes intimes, ce film, pas désagréable, se contente, à mon avis, de clins d’œil offrant une farandole de numéros d’acteurs, d’où les Césars.
Alors que Balzac en nous plongeant dans son siècle nous interrogeait profondément sur ce que nous avons fait de notre jeunesse, le faiseur d’images de 2021 reste anecdotique.
Sont évoquées des fausses nouvelles dites «  canards », alors des canards se baladent dans les locaux d’un journal, quand par ailleurs des pigeons porteurs de « fake news » sont posés dans un autre coin pour évoquer les bleus volatiles de Twitter.
La première et  la dernière image sont à ce point artificielles qu’elles pèsent sur un déroulement par ailleurs intéressant d’intrigues au rythme télévisuel. 
La critique du milieu journalistique n’est pas dépourvue de connotations populistes très contemporaines, tout en rendant compte d’un appétit pour s’exprimer librement à l’époque de la Restauration, une foi dans l’écriture, en même temps le cynisme entamait les juvéniles énergies.
Ces 2h 30 permettent  tout de même d’ouvrir la voie à quelques réflexions a travers quelques séquences réussies, quand ancienne et nouvelle maîtresse se rencontrent ou qu’un livre suscite de la part du même critique la louange ou l’opprobre. 
« L'un des malheurs auxquels sont soumis les grandes intelligences, c'est de comprendre forcément toutes choses, les vices aussi bien que les vertus. »

dimanche 20 mars 2022

Un monde meilleur, épilogue. Benoit Lambert.

Déjà que le titre était démesuré, la première phrase de l’acteur seul en scène : 
«  on va tous mourir »  
avait de quoi faire rire et sera très souvent réitérée, 
agrémentée de la remarque:  
«  on va passer une bonne soirée ».
Devant une salle restée allumée pour souligner le côté conférence énervée, l’acteur Christophe Brault, s’applique à représenter rien moins que l’histoire de l’humanité, reprenant quantité de banalités sous des airs de révélations.
La conclusion rattrape cependant une bonne heure de tâtonnements où les facilités d’un « stand up » qui aurait pu être original, abondent.
Désigner le néolithique comme responsable de la perte du jardin d’Eden à l’époque des chasseurs cueilleurs est plutôt tendance mais peut se lire comme un signe supplémentaire d’une crise de notre civilisation.
Après avoir suggéré que le communisme pourrait être une forme de soin palliatif, la présentation des démarches transhumanistes comme une forme de toute puissance à l’image de Dieu donne à réfléchir.
Ce n’est pas, à mon avis, avec ce type de spectacle où la distance est béante entre l’ambition et la proposition que reviendront en masse les spectateurs sensibles au label « Scène nationale » pour l'Hexagone de Meylan.

samedi 19 mars 2022

Le père Goriot. Balzac.

Revenir vers les classiques permet, avec ces 420 pages, de vérifier que leur notoriété est vraiment méritée. 
Les productions contemporaines ne manquent pas de vigueur, de noirceur, mais le roman paru en 1842 reste d’une force inégalée avec l’argent en motif central, quand la richesse et le dénuement se côtoient. 
Les scènes où le groupe des pensionnaires de la maison  Vauquer se déchainent sont terribles, les personnages parfaitement campés : 
« Il avait jusqu’alors trouvé la vicomtesse pleine de cette aménité polie, de cette grâce melliflue donnée par l’éducation aristocratique, et qui n’est complète que si elle vient du cœur ».
L’usage de termes obsolètes fait partie du charme :  
« melliflue : qui a la suavité du miel ».
Les échanges épistolaires sont polis, d’une grande délicatesse, les harangues cyniques de Vautrin ont de la gueule, et les développements concernant nos rêves et ce qu'il en advient sont bien vus : 
« … en se livrant pendant la route à ses espérances étourdiment folles qui rendent la vie des jeunes gens si belles d’émotions : ils ne calculent alors ni les obstacles ni les dangers, ils voient en tout le succès, poétisent leur existence par le seul jeu de leur imagination et se font malheureux ou tristes par le renversement des projets qui ne vivaient encore que dans leurs désirs effrénés ; s’ils n’étaient pas ignorants et timides, le monde social serait impossible. »  Rastignac.
Je ne suis pas sûr que monsieur Goriot soit le personnage principal, finalement pas abusé dans son amour déraisonnable pour ses filles. Et d’amour il est question : 
« Ni les hommes ni les femmes n’y sont dupes des montres pavoisées de lieux communs que chacun étale par décence sur ses affections soit disant désintéressées. »
Qui a dit que les descriptions de Balzac plombaient ses romans ? Elles permettent de  partager la vie de cette époque quitte à se crotter le bas des pantalons, alors que l’humour inattendu de l’auteur ajoute au charme de la lecture : 
« Pour expliquer combien ce mobilier est vieux, crevassé, pourri, tremblant, rongé, manchot, borgne, invalide, expirant, il faudrait en faire une description qui retarderait trop l’intérêt de cette histoire, et que les gens pressés ne pardonneraient pas. »
San Antonio, que je préférais lire plutôt que la littérature que me conseillaient mes profs, était un copieur.

vendredi 18 mars 2022

« Quelle connerie la guerre! »

Il n’y a pas besoin de solliciter  Prévert, le poète des écoliers et de ceux qui les encadrèrent, pour aller à l’essentiel de nos impuissances.
Des images d’enfants noyés avaient déjà clignoté sur nos écrans, mais les petits de cette saison qui attendent avec leurs doudous sur les quais de gare n’ont guère attendri Poutine, l’ennemi de l’heure, pas si seul que ça depuis son Kremlin, puisqu’il faut complices et mercenaires pour faire avancer ses machines de mort.
Aurait-on oublié l’image d’une petite vietnamienne dépouillée de ses habits, courant éperdue après le largage d’une bombe au napalm en 1972 ? Elle a pardonné et nous sommes passés à autre chose.
Pour éviter de me perdre dans un rappel vertigineux de la noirceur de nos semblables, au miroir de nos veuleries, je me replie dans le périmètre hexagonal.
L’expression « les passions tristes » peut s’appliquer aussi bien du côté des forces brunes frangées de tricolore, que sur le versant vert version rousseauiste (Sandrine) où se croisent badines et fourches caudines. 
Les affamés des terres lointaines ne se préoccuperont pas de la présence de gluten dans le pain qui leur manque.
Roussel vient poser un verre de rouge bienvenu au coin de nos habitudes pour desserrer nos éternelles culpabilités de fêtards de jadis devenus peu indulgents avec les teuffeurs qui nous avaient mis en pétard lors des confinements.
Depuis le temps que divers faits fascinent les foules, quand l’assassin de Maëlys est jugé : « perception de soi grandiose, transfert sur autrui de ses propres tourments »
 d’autres grandes gueules pourraient s’y voir.
Nous regrettons l’abus des petites phrases, tout en nous en délectant pour éviter les grands sujets : retraites, laïcité, fiscalité… éducation. Quant aux sujets encore plus vastes: réchauffement, pandémie, guerres, démographie, énergie … ils pourraient au moins faire oublier les «  e » avec un point, de trop ou de pas assez, qui occupent nos penseur.e.s.
Dans l’open space Internet les opinions s’affichent, souvent sous pseudos. Il n’est pas un reportage où ceux qui s’expriment désirent ne pas se nommer. C'est le même mutisme de place du village où l’on se gardait bien de faire savoir pour qui on votait à l’exception de mon papa, fier de ses convictions, dont j’essaye de poursuivre l’honnête démarche : pour moi ce sera Macron !
Mes plaidoyers envers le chef de l’état ont désolé quelques un.e.s de mes camarades attristés de l’état de leur gauche, mais maintenant qu’un des pépères du souverainisme, le « Che » vient d’apporter son soutien à l’Européiste Macron, je me sens du côté de l’histoire lorsque les républicains de deux bords se rejoignent. 
Je suis de la troupe des arthritiques aimant voir la souplesse du jeunot et son courage. 
Sur la photo de famille des dirigeants de la planète, il porte beau les valeurs de notre pays. Sa capacité à s’adapter force mon respect, quand ses opposants ne savent que s’opposer sans nuance depuis le départ et quelles que soient les directions prises dans un sens ou un autre. 
Sa constante conviction européenne se concrétise à la faveur des crises : la voie de la souveraineté est bien à cette échelle. 
Le « en même temps » me convient, même si j’ai abandonné tout rêve de concorde au détriment d’une validation par le feu croisé des droites et des gauches devenues de plus en plus excessives.
La décroissance du chômage est engagée au point que cette préoccupation a disparu des débats.
Les attaques constantes ont fortifié mes réflexes légitimistes qui m’ont conduit à accepter par ailleurs la victoire d’un Piolle ne manquant pourtant pas d’exciter des critiques, sans que son bon droit à diriger soit remis en cause à tout bout de champ.  
Ce simplisme des Contretout a découragé mes fidélités quand la combinaison de la justice et de l’efficacité devient aussi difficile que la réconciliation de la bonté et de la brutalité, la noirceur des constats recouvrant un peu ou beaucoup le rose du fol espoir. 
Je retrouve un réflexe enfantin d’une sympathie envers celui qui reçoit tous les coups : un comportement de gauche, non ?  
.....
Le dessin vient du "Courrier International".

 

jeudi 17 mars 2022

Champollion héritier. Dominique Farout.

Devant les amis du musée de Grenoble,
le chargé de cours d’égyptologie à l’École du Louvre, reconnaissant le génie de son prédécesseur Jean François Champollion qui avait transgressé en 1822 certaines règles du déchiffrement alors en vigueur, l’a présenté comme le dernier maillon d’une quête de plusieurs siècles et qui se poursuit.
« C'est un système complexe, une écriture tout à la fois figurative, symbolique et phonétique, dans un même texte, une même phrase, je dirais presque dans un même mot. »
Le conférencier remonte à Dioclétien dernier « vrai pharaon » et à l’édit de Théodose de 380 quand l‘empire romain devint chrétien :
les hiéroglyphes, utilisés depuis 3000 ans, la « langue des dieux », deviennent illisibles, les temples sont fermés.
L
e copte, langue d'église, a conservé la langue ancienne et joué un rôle capital dans le déchiffrement.
Les Égyptiens de l'Antiquité donnaient parfois à leur pays le nom de « Kemet », « terre noire », qu’il convient de nommer « terre arable » car la confusion peut passer de la couleur de la terre à celle de la peau.
Horapollon
traite des symboles égyptiens tels qu’ils furent compris à l’époque romaine mais c’est à la Renaissance,
quand furent exhumés quelques obélisques à Rome et que l’imprimerie a permis de partager les connaissances que se multiplièrent les avancées.
Au  XVII° siècle, Blaise De Vigenere, diplomate imprégné de sciences occultes, est l’un des premiers à avoir « allumé une étincelle » avec son «Traité des chiffres ou secrètes manières d'écrire ».
Nicolas-Claude Fabri de Peiresc
, « polymathe », c'est-à-dire une personne d'esprit universel, diplomate et commerçant, collectionneur de curiosités : momies, sculptures et bas-reliefs, statuettes, vases canopes ... s’intéresse à la langue copte
et correspond avec Athanase Kircher, inventeur de la lanterne magique qui établit la première grammaire copte. 
Jean- Joseph De Guignes auteur de la thèse fantaisiste mais féconde, en particulier pour l’esprit à « sauts et gambades » de notre Dauphinois, démontrant que la Chine est une colonie égyptienne, avait repéré que les cartouches enfermaient des noms royaux.
Jacques Barthélemy
, ecclésiastique, numismate, déchiffre l’alphabet palmyrénien, le phénicien et le premier hiéroglyphe. 
« Ces questions ne pourront jamais être éclaircies par les témoignages des auteurs grecs et latins… C’est aux monuments qu’on doit recourir. Quand ils parleront clairement, il faudra bien que les anciens auteurs s’accordent avec eux ».
Bonaparte arrive en Egypte occupée par les ottomans où les livres sont interdits.
Les découvertes de l’expédition française sont divulguées par la première imprimerie d’Égypte, en latin, grec et arabe.
Occupé à renforcer le fort Rachid, le 19 juillet 1799, le lieutenant du génie Pierre François Xavier Bouchard - la France est le pays le plus lettré -
comprend l’importance de la découverte, de la stèle trilingue (hiéroglyphique, grec, démotique) qui passera à la postérité sous le nom de « Pierre de Rosette » maintenant au British Muséum.
Le suédois Johan David Åkerblad  maîtrise plus de vingt langues antiques et contemporaines,
élève de Sylvestre de Sacy, déchiffre les noms propres. 
Les premières réactions de celui-ci aux travaux de Champollion sont réservées,
il écrit à Young brillant scientifique qui travaille sur les textes : 
« Si j’ai un conseil à vous donner, c’est de ne pas trop communiquer vos découvertes à M. Champollion. Il se pourrait faire qu’il prétendît ensuite à la priorité. »
Mais il sait changer d’avis quand Jean François éclairé par son ainé
Jacques-Joseph Champollion-Figeac « apportera des éléments tangibles concernant ses théories ».
Parmi les héritiers : Gaston Maspero prend la suite de
Mariette
au collège de France. Il  œuvre à la sauvegarde des monuments anciens,
et devient le professeur de Sir Alan Gardiner auteur d’une grammaire égyptienne qui fait encore autorité.