Si les années 50 ont constitué une rupture en matière de
photographie, la conférencière devant les amis du musée de Grenoble devait
rappeler quelques personnalités qui avaient marqué les décennies précédentes colorisées
de nostalgie.
Tel, Paul Strand, en 1916, un pionnier. « Blind
woman ».
Déjà Alfred Stieglitz, « Old and New » à New York, avait impulsé la modernité et fait
reconnaître la photographie en tant qu’art.
« Le photographe
est l’être contemporain par excellence, à travers son regard, le maintenant
devient du passé. » Berenice Abbott « Nightview »Walker Evans, célèbre pour ses portraits : « Floyd Burroughs », sonde les profondeurs d’une nation, ses routes, son architecture, il est exposé en 1933 avec Edward Hopper.
Mais c’est peut être à partir de Cartier Bresson, le plus imité, et
son fameux « moment décisif », que se situeront de nombreux
novateurs. « Simiane-La-Rotonde »
En 1955, Edward Steichen donne une impulsion
nouvelle aux façons d’exposer avec une scénographie originale avec «
The family of man » (500 photos, 273 photographes, neuf millions
de visiteurs). Son contenu optimiste présente
tout ce qu’un monde pacifié possède en commun : une maman, un
travail. « La vie, l'amour, la mort ».
Loin de ces cimaises, William Klein qui vivait à Paris, revient chez lui : «New York avait des comptes à me rendre. La
ville m'avait toujours paru moche et inconfortable. Mes souvenirs étaient gris. »
Il réalise un journal photographique où il saisit le
bouillonnement de tous les quartiers. « New York », d’abord publié en
France, comme dans l’imagerie du fait divers, a du grain, du flou, des cadrages
inédits. Le grand bonhomme provoque ses sujets.
« Gun »
« Gun, gun, gun »
Alors que le photo journalisme est à son apogée, le suisse Robert Frank choisit de partir
avec sa famille à travers les Etats-Unis grâce à une bourse Guggenheim. Il n’apprécie
pas que ses cadrages lui échappent, comme le choix des clichés, voire les
légendes. Jack Kerouac préface son livre « Les Américains » dont il
retient 87 photos sur 23 000 prises : « Vous regardez ces photos, et à la fin vous ne savez plus du tout quel
est le plus triste des deux, un jukebox ou un cercueil ».
En 1967, au MOMA, John Szarkowski présente « New
Documents » avec Diane Arbus,
aux images sans concession dont « Les
jumelles identiques » inspireront les personnages de Shining.
Sa photographie d'un « Enfant
avec une grenade en plastique dans Central Park » a pesé sur la
jeunesse de ce garçon qui finalement a reconnu la violence qui le tenaillait
alors. Plus tard, il a appelé sa société « Grenade Boy Productions ».
Gary Winogrand disparu prématurément laissant
250 00 photos inédites, « le péquenot de la photographie » comme
l’appelait un confrère, est un des maîtres de la photographie de rue. Avec
humour et énergie, il rend compte d’une nation prise entre angoisse et
optimisme.
« El Morocco »
« Central
park Zoo »Lee Friedlander joue sur les reflets, multiplie les autoportraits où on ne le voit pas, bien avant les « selfies ». « Self Portrait »
Vivian Maier, amateur ignorée n’avait pas vu les
photos qu’elle prenait dans ses moments libres ou lorsqu'elle promenait les enfants qui lui étaient
confiés. Avec une ironie teintée de poésie, elle est
attentive à ceux qui comme elle, « la nounou » n’apparaissaient pas
aux yeux de certains de leurs
contemporains. « Enfant qui pleure ». Elle est exposée actuellement au musée de l’Ancien Evêché.
Alors que
le titre de la conférence annonçait la couleur, la rareté des Kodachrome a mis
en évidence leur beauté. Discrètement avec « Snow »,
de Saul
Leiter, peintre à ses débuts ou d’une façon affirmée par Meyerowitz
pour qui « la photographie
de rue c’est du jazz ». Il a été le seul accepté à Ground zero, il y
est resté 9 mois.