dimanche 26 janvier 2020

Nous, l’Europe, banquet des peuples. Laurent Gaudé. Roland Auzet.

A partir d’une intention louable consistant à redonner de l’élan à l’ambition européenne, l’ample mise en scène et les textes lyriques, mais pas trop, tombent parfois dans ce que nous avons appris à décrypter : le populisme.
Ainsi d’emblée, attaquer par la trahison de la volonté populaire au référendum de 2005 donne le ton aux harangues véhémentes à venir où il s’agira de cracher sur tant de méchants plutôt que de louer les bâtisseurs : ça ressemble à du François Ruffin quand sous le maquillage du clown se dessine le rictus de la haine.
Pourtant bien des aspects de l’histoire du continent vivement évoqués, parfois seulement gribouillés, sont mis en perspective par d’énergiques acteurs: le printemps des peuples de 1848 qui aurait commencé à Palerme, le Congo, propriété privée du roi des Belges, le charbon de la révolution industrielle, la boue de 14-18, les cendres des camps de concentration, Jan Palach, Charlie … Tant de choses à dire en polonais, italien, allemand, portugais… à chanter avec la proposition d’un nouvel hymne pour conclure le spectacle de plus de deux heures :      
« Hey Jude, don't make it bad,
Hey Jude, ne gache pas tout,
Take sad song and make it better.
Prend une chanson triste et rend la meilleure.
Remember to let her into your heart,
Souviens toi qu'il faut la mettre dans ton coeur,
Then you can start to make it better.
Après seulement les choses iront mieux. »
Ils ont eu le bon goût d’éviter la facilité qu’il y aurait eu de faire reprendre « Bella ciao » par le public alors qu’il y avait un chœur sur scène, mais en version punk difficile de chanter ensemble. Les préoccupations actuelles concernant les réfugiés traversent à quatre reprises le récit historique commun nécessaire pour préciser une identité européenne si incertaine.Lorsqu'on lit, on va à son rythme, la réflexion peut avoir sa place. Ici on est enseveli sous un maelstrom de mots et d'images.
J’ai pu apprécier pourtant que l’anonymat des fondateurs de la communauté européenne soit plutôt décrit comme une condition de la pacification des nations après leurs folies renouvelées.
La  grise technocratie en est légitimée après la folie des foules abusées et se déchirant entre elles. Cela apporte quelques nuances à de péremptoires envolées où pas une fois le mot €uro n’est prononcé, il aurait pu rimer avec Hugo qui lui est cité :
« Un jour viendra où vous France, vous Russie, vous Italie, vous Angleterre, vous Allemagne, vous toutes nations du continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure, et vous constituerez la fraternité européenne, absolument comme la Normandie, la Bretagne, la Bourgogne, la Lorraine, l'Alsace, toutes nos provinces, se sont fondues dans la France. »

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