jeudi 9 février 2017

Les amours des dieux. Serge Legat.

Le conférencier devant les amis du musée de Grenoble ne manquait pas de tableaux et de sculptures de toutes les époques pour illustrer un voyage dans la généalogie compliquée des dieux et de quelques mortels tels qu’ils vécurent librement en Grèce et à Rome, quand mytho : « récit d’incursions dans l’au-delà », n’était pas une insulte de cours de récréation.
Zeus (G) ou « Jupiter (R) stator » qui eut tant de maîtresses, est le maître des autres dieux, il gouverne terre et ciel et les êtres vivants. Accompagné de l’aigle, il porte le foudre représentant la foudre.
Le paon est l’oiseau fétiche de sa femme, qui se trouve être aussi sa sœur, Junon la romaine (R), Hera pour les grecs (G). Il lui arrive de se plaindre dans une fable de La fontaine et sur cette aquarelle de Gustave Moreau.
Dans le palais Farnèse, siège de l’ambassade de France à Rome, la voûte d’une vaste galerie peinte par les frères Carache est dévolue aux amours des Dieux inspirées des « Métamorphoses » d’Ovide. Jupiter y est représenté en « amoureux de Junon », un moment rare.
L’adaptation par le graveur JJ Coiny dans « Le recueil des postures érotiques » avec d’autres personnages mythologiques comme prétexte, circula sous les manteaux.
Junon passe son temps à se venger des infidélités de son mari, elle est la protectrice du mariage.
Pour mener ses aventures extra conjugales, Zeus se métamorphose en taureau blanc lors de « l’enlèvement d’Europe ». Je choisis Vallotton plutôt que Le Titien, incontournable des scènes mythologiques, pour illustrer l’épisode se terminant en Crète sous un platane qui depuis ne perdra plus ses feuilles.
La belle Léda (G) était mariée au roi de Sparte ; le Dieu des Dieux se fait alors cygne pour la séduire. Depuis la « mosaïque du sanctuaire d'Aphrodite » à Chypre, ce couple est souvent  représenté : Rubens d’après un prototype de Michel Ange 
ou Dali qui  met Gala en scène pour une « Léda atomica » dans sa période de « mysticisme corpusculaire ». Des deux œufs issus de cette rencontre viennent au monde, Hélène et Pollux dans l’un et Clytemnestre et Castor dans l’autre. 
Pontormo, un maniériste,  représente la petite famille de « Léda et le cygne ».
Danaé (G) a beau être enfermée par son père Acrisios afin qu’elle reste vierge, car celui-ci veut éviter l’oracle prévoyant sa mort  donnée par son petit fils, l’amoureux suprême se transforme cette fois en nuage pour passer sous la porte close et déverser une pluie d’or.
Le Tintoret comme Vélasquez ou Tiépolo joueront avec la mythologie, Klimt sublime élégamment la belle « Danaé ». Le père qui devait être tué le sera : le destin est plus puissant que la volonté des Dieux.
Pour venir à bout de la sublime nymphe Callisto, suivante de Diane, Jupiter se transforme en Diane, le tableau de Rubens s’intitule «  Jupiter et Callisto ». N’étant plus vierge comme elle en avait fait le vœu, elle est changée en ours par Junon, et  tuée puis métamorphosée  en Grande Ourse, la constellation, par Jupiter lui-même.
Le pauvre « Actéon » qui a vu Diane nue comme le saisit Le Titien, est lui transformé en cerf  et dévoré par ses chiens.
Vénus (R) Aphrodite(G), déesse de la beauté est mariée au plus laid : Vulcain (R) Ephaïstos (G). Vélasquez le représente dans sa forge, entouré de ses cyclopes très à l’espagnole quand Apollon, peint à l’italienne, lui révèle une des infidélités de Vénus avec Mars.    
Cette comédie est présente chez Le Tintoret avec « Mars et Vénus surpris par Vulcain » car comme le disait Offenbach la déesse faisait « cascader la vertu ».
« La naissance de Vénus » peint par Cabanel fut le succès du salon de 1863. Zola pour avoir écrit qu’il s’agissait de « l’eunuque de la peinture » en perdit sa place, l’année où « Le déjeuner sur l’herbe » de Manet faisait scandale.
Adonis, un des amants dont Vénus est éprise, meurt à la chasse et de son sang mêlé à une larme de la déesse nait l’anémone. Véronèse les saisit avant le fatal moment: « Vénus et Adonis dormant »
Le cyprès lui, provient de Cyparissos qui a souhaité mourir après avoir tué son cerf favori et demandé aux dieux de verser des larmes éternelles.
Tant de mutations, de mouvements, de poésie, et que de rapts !
Le plus beau des mortels, Ganymède, amant de Zeus devient l’échanson des dieux. Le Corrège avait traité  l’ « Enlèvement de Ganymède » que Pierre et Gilles ont interprété tout récemment.
Pluton (R), Adès (G), frappé par une flèche de Cupidon enlève Proserpine(R) Perséphone (G).   
La main du dieu des enfers sur la peau de la fille de Cérès (R), Déméter (G) par Le Bernin http://blog-de-guy.blogspot.fr/2013/03/lextase-des-dieux-grecs-nos-dieux-du.html
est un sommet du baroque et un épisode d’une belle légende qui explique le cycle des saisons : pendant six mois elle restera au royaume des ombres et reviendra avec sa mère nourricière le reste de l’année.
« Cupidon » (R), Eros (G) fils de Vénus et de Mars, facétieux archer, préside toujours au sort des hommes. Peint par Bouguereau le monstre est bien séduisant et tellement humain. 

mercredi 8 février 2017

J 12. Le Chimborazo. Alaussi.

Nous nous réveillons à 4h 30 et José notre nouveau guide est à la barre. Dans la nuit certains reprennent leur sommeil et quand nous nous réveillons au lever du soleil nous nous attardons devant un paysage splendide où figure en majesté le Chimborazo, mâle volcan qui avec ses 6310 m est le sommet le plus proche du soleil compte tenu du renflement de la terre au niveau de l’Equateur.
Avant de prendre le train à Alaussi nous assistons à l’installation du marché où les villageois se retrouvent pour commercer et échanger des nouvelles.
Le trajet vers « Le nez du diable » dans des wagons en bois excite les photographes, et le récit de la construction de la ligne coûteuse en vies humaine particulièrement des natifs de la Jamaïque est émouvant.
De même que d’aborder un des derniers tronçons d’une infrastructure mise à mal par les éboulements causés par « El Nino » et le choix des automobiles américaines au détriment des transports collectifs qui furent ambitieux au début du XX°siècle. Le trajet d’une heure et demie consiste en un aller-retour jusqu’au fond de la vallée où un système en forme de « Z » permet aux convois de manœuvrer d’avant en arrière pour rejoindre deux réseaux. Une troupe de danseurs programmée pour l’arrivée ne nous convainc pas et la foule des touristes nous rappelle notre présente condition.
Pendant notre trajet vers le Chimborazo, notre guide fait valoir la culture « indienne » dont le nom usuel donné par Colomb Christophe cherchant les Indes occidentales est aussi inapproprié que le terme Amérique donné par les européens.
Une petite histoire de l’Amérique latine pour les nuls n’est pas superflue. 
Où nous apprenons que « gringo » vient de « green  go ! », "green" étant la couleur des uniformes militaires américains, inventé par les mexicains qui n’appréciaient pas l’intrusion de « cow-boys ».
José attire notre attention sur le caractère contemplatif des indiens, souvent assis devant le paysage et respectueux de la Pachamama, la déesse de la  terre.
Nous nous arrêtons pour admirer la première église de l’Equateur, émouvante, pas très haute, à la façade naïve et maladroite dans sa décoration. L’intérieur permet d’évaluer l’épaisseur des murs.
Derrière une grille sont protégés l’autel et sa vierge qui domine en hauteur.
Nous achetons de quoi pique niquer en route.
Il faut bien deux bonnes heures en tout, d’Alaussi à l’entrée du parc dont les bâtiments en pierre s’intègrent parfaitement dans la montagne minérale.
Peu de végétation, à part la chuquiragua , arbuste à fleurs orange symbole du pays, autour de la piste. Ce n’est plus le tapis verdoyant parsemé de petites fleurs que nous avons foulé au pied du Cotopaxi.
Nous croisons quelques vigognes et dans la poussière de la piste stoppons au parking du refuge construit à 4800 m d’altitude. On est plusieurs à ressentir une impression de tangage.
Après avoir mangé au soleil, José nous entraîne avec lenteur dans l’ascension qui mène au deuxième refuge à 5000 m, nous recommande des étapes, voire une redescente si des maux de tête surviennent et de ne pas parler pour économiser notre souffle.
Je suis surprise une fois mon rythme trouvé de me sentir plus à l’aise qu’à la montée du Quilatoa et sans Guy nous parvenons au bout de 500 m, au refuge de Whymper où nous nous photographions  avec la plaque de marbre dans les mains pour prouver notre exploit. Nous retrouvons Guy face à un maté de coca en sachet et reprenons la route direction Alaussi. Nous avons croisé des taureaux d’élevage et quelques arènes de village qui sont une des manifestations de la culture du colonisateur promue par l’église catholique pour élargir une emprise toujours remise en cause. Un référendum sur la perpétuation de ces pratiques a divisé le pays alors que Quito, lieu du pouvoir ecclésiastique où les fêtes autour du taureau étaient très populaires avait voté contre, et les campagnes pour.
Le trajet est ponctué de quelques arrêts photo, quelques franchissements de barbelés de bord de route dans l’espoir de saisir un troupeau de lamas. Le coucher de soleil est somptueux à travers les nuages avec les montagnes en silhouette. C’est à la nuit tombée que notre chauffeur Sixter, dont nous avons appris enfin le nom, se gare devant l’Hôtel Posada del Tren  et rencontre malencontreusement un pylône, cabossant légèrement la partie au dessus du pare-choc. Nous prenons possession de nos chambres et partons dîner dans une rue où traîne un wagon à l’abandon sur les rails ; le train de notre expédition de ce matin dort à proximité. 
 

mardi 7 février 2017

Les gnangnan. Claire Bretecher.

J’étais passé à côté d’un des premiers albums d’une des maîtresses de la bande dessinée paru il y a une quarantaine d’années. Et il n’a pas pris une ride.
Les cousins frenchies des Peanuts et de Mafalda, en bébés raisonneurs vivent en bande, mais déjà Modern Mesclun perce sous Gondulf Bertrand.
Clair, net, efficace, du temps où une évocation de la société faisait naître un sourire et cultivait un sentiment d’auto dérision complice plutôt que les récurrentes vacheries à l’égard de cibles déjà criblées.
Le climat était à la liberté, c’était du « nanan », désormais c’est le gnangnan qui est gagnant.
En attendant si vous voyez la bouille des trois petits souriants dans une brocante annonçant ces 50 pages doucement rigolotes, vous partagerez avec plaisir leurs espiègleries révélatrices.
« - Raconte moi une histoire mémé.
- Il était une fois un petit chaperon au bois dormant qui portait une galette et une chevillette cherra
- Bââââ
- Alors Alice au pays des seps nains
- Bââââ
- Bon les vénusiens attaquent alors Molnick le naphteux remonta dans la spirale aluminiuminoïde et disparut à jamais dans le cosmos
- J’aime les belles histoires vraies »
La langue annonce les fulgurances futures d’Agrippine et des « Frustrés » ancêtres des bobos d’aujourd’hui qui paraissaient alors dans le Bobobservateur des années 80 quand la gauche donnait le tempo et se sentait assez forte pour se moquer d’elle-même. 

lundi 6 février 2017

Jackie. Pablo Larrain.

Jacqueline Bouvier devient une Kennedy lorsqu’elle est aspergée du sang du président et alors elle va assurer pour elle et pour l’Histoire un deuil digne. Mais une part de mystère de la femme élégante et courageuse demeure, et c’est bien ainsi.
Le récit de la préparation de la cérémonie des adieux à Kennedy par le réalisateur du biopic de Neruda n’apporte pas de révélations nouvelles. C’est comme si on retrouvait un numéro de Paris Match de 1963 et qu’on relise l’article accompagnant les photographies restées floues pour l’éternité : nous replongeons dans une violence qui dure depuis si longtemps quand la mort guettait à bien des fenêtres.
Les secrets persistants autour du meurtre de Dallas ne sont pas traités ici. Le fil scénaristique est  tenu par un journaliste interviewant la subtile veuve huit jours après le drame. Ses interrogations, les sincérités successives de la jeune femme, laissent entrevoir, ce qu’il y a lieu de retenir ou pas, au moment où les divulgations de la vie privée en politique pointaient leur nez.
De Michelle Obama à Melania Trump en passant par Trierweiler, nous reviennent quelques noms, puisqu’il il est question de « première dame » et nous mesurons les distances. Nous sommes amenés à réexaminer aussi nos rapports aux secrets que nous ne dédaignons pas quand nous avons plus volontiers retenu « Happy birthday Mister président » que la crise de Cuba, même si les cris de la fillette de Mỹ Lai, cinq ans après se sont superposés aux malheurs de cette femme qui perdit deux enfants.
John-John, le petit garçon de trois ans qui donnait la main à sa maman dans ces moments, s’est tué dans un accident d’avion en 2000.
Au milieu du fracas, elle écoute un fois encore « Camelot », la comédie musicale :
« Si jamais je devais vous quitter 
Cela ne serait en été.
Vous voyant en été, je ne pourrais jamais m'en aller. »
Cette innocence à jamais envolée souligne la tragédie, elle a mis de côté le tailleur rose taché  pour prendre un voile noir fort seyant : la légende nous est nécessaire.    

dimanche 5 février 2017

A présent. Vincent Delerm.

Je viens de passer un bout  de semaine avec le père en livre
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2017/02/journal-dun-homme-heureux-philippe.html
et  avec le fils en « songwriter » songeur.
A la première écoute je me suis dit : «  c’est toujours pareil ! Ces mélodies assoupissantes»,
et puis un autre jour sa mélancolie m’a convenu et m’a accompagné agréablement.
La coïncidence générationnelle me lie à ce père et à son fils en auditeur qui se laisse prendre au lasso facilement. Elle n’est pas étrangère à mon indulgence, à des connivences, à du plaisir de retrouver un familier.
Le garçon :
« Je suis le garçon qui devait regarder la route en voiture »
A présent :
«  Le trajet qui n’en finit pas
Et la banquette arrière immense »
Cristina :
Toujours la vie rêvée.
« Toutes les histoires que Cristina
Te racontais au pied des tours
Tu faisais comme si c’était toi
Qui les avait vécues un jour. »
La vie devant soi :
Toujours le ferry boat.
« Cours derrière l’autocar »
Et le tropisme anglais, sûrement pour les brumes.
Dans le décor :
« Et les filles à Marble Arch
Toi tu regardes en passant
Et tout est pareil qu’avant. »
Ou une brune.
Je ne veux pas mourir ce soir :
« Il y a une fille qui penche
Une robe des tennis blanches
Et la peau qui a froid
Il y a ça. »
Et je l’aime bien comme ça :
Danser sur la table : ce n’est pas pour lui, et il le raconte bien dans la chanson.
Et celle en duo avec Biolay :
Les chanteurs sont tous les mêmes :
« Encore Paris la pluie
L’amour l’après-midi »
La dernière fois que je t’ai vu :
« Une infirmière et arrivée quand je quittais la chambre
Et c’est la dernière fois que je t’ai vu
Elle a dit : c’est votre petit fils ? Il est grand. »
Il est grand, modeste,  tristou sans trémolos, un peu molo molo, mais ses paroles amortissent, et ses musiques changent de toutes les saccades, des jérémiades. Les méchancetés font une pause.

samedi 4 février 2017

Journal d’un homme heureux. Philippe Delerm.

1988/89 fut une belle année pour l’auteur à succès de « La première gorgée de bière », il relit le journal qu’il tenait alors, ajoute aujourd’hui quelques remarques légères et nous en redemandons.
Toujours la petite musique simple qui apaise, rassure et nous relie
même si parfois affleurent quelques procédés
La forme du journal va si bien aux jours dont il nous apprend à mieux apprécier la lumière, la fragilité et donc le prix.
Une choucroute de la mer, la peinture qui s’écaille, les saisons, la pluie, la littérature, son fils, sa femme, le travail de prof,:
 « Je crois ce que je fais utile. J’affirme que je le trouve agréable…. Sûrement parce que les enfants et les adolescents d’ici n’ont ni l’agressivité ni la morgue des jeunes des milieux urbains trop défavorisés ou trop favorisés. »
La douceur, la modestie : 
« Des euphorbes presque phosphorescentes et d’autres plantes dont j’ignore le nom déclinent à profusion un intervalle de couleur très mince, entre le vert de l’acacia et celui des orties »
Pas de prescription. Je n’hésite pas à choisir la facilité de copier en quatrième de couverture :
« Je me suis levé ce matin en pensant que la journée allait être bonne. Je crois que je me coucherai ce soir en me disant que je suis le plus heureux des hommes. Comment ne pas frissonner un peu à cette idée ?
Je suis riche, incommensurablement riche de ce qui manque à presque tout le monde : le temps. »

vendredi 3 février 2017

Les uns, les autres.

Quand vient le froid, le solitaire demande la solidarité et s’agrippe au groupe, alors que la société a déjà bien émietté les individus depuis des saisons.
Il fut un temps où la distinction politique séparait le « particulier » du « partageux », à présent tout se brouille.
De nos digicodes à Trump, l’individu boursouflé d’aujourd’hui attaque les constructions communes, et tant de coups de griffes dans le contrat social peuvent nous conduire à claquer la porte derrière nous et nous barricader.
Alors classe contre classe, ma pomme sur le dessus du panier, ski plutôt que foot ?
Rien n’est simple: le sport co n’est pas forcément coco et bien des avancées pour tous ont tenu à des individus hors pair.
De nos années ferventes, on aurait pu croire qu’aurait subsisté un peu de compréhension à l’égard de son « prochain ».
Ce terme «  prochain » renvoie au catalogue catholique et son cortège de cagoules pointues quand d’autre part, les circonvolutions autour du terme « ensemble » sentent le samovar collectiviste.
Les contradictions crient lorsqu’un réfugié sur une plage s’envisage plus fraternellement au loin qu’un immeuble nouveau sous nos fenêtres.
Quelques surlignages de paradoxes feront-ils avancer une dialectique qui va et vient de l’individu au collectif ?
Les élèves sont de plus en plus placés en « îlots » pour travailler en groupe, alors qu’ils n’ont jamais été aussi individualistes, bâchant leur coreligionnaires à coup de réseaux dits sociaux,  tout en se protégeant d’un milieu qui n’a jamais été aussi agressif sous ses bienveillances rabâchées.
Dans les milieux qui cherchaient en pédagogie, ceux qui prônaient avec le plus de conviction le travail en équipe étaient les personnalités les plus fortes aux qualités individuelles les plus manifestes.
Il me semble que les directives d’aujourd’hui, à propos de travail en commun, visent plus à une mise en conformité qu’à l’émergence d’intelligences collectives. Les formations bricolées aux accents autoritaires ignorent les paroles des professeurs tout en « vendant » par ailleurs le respect de la parole des jeunes.
Les maîtres d’hier, encore des termes proscrits, qui mettaient en place des démarches coopératives s’escrimaient aussi à fabriquer des outils qui permettaient à chaque élève d’avancer à son rythme. Ces pratiques se forgeaient dans la délibération entre adultes, ô combien jaloux de leur indépendance, de leur liberté. Ceux qui en ont exprimé les principes les plus appréciés étaient avant tout des praticiens dont les mots ont été capturés par  quelques bavards opportunistes squattant désormais les officines ministérielles. 
Par exemple les livrets de compétences dont on causait dans les groupes Freinet étaient élaborés sur le terrain et chacun se les appropriait comme il l’entendait, sans obéir à une quelconque circulaire, bien mal nommée en l’occurrence, puisque la forme ronde symbolise l’égalité des délibérants, des décideurs.
Pour les familiers du blog, il ne s’agit pas seulement du sempiternel retour vers les mômes,  mais à voir les positionnements des nations par rapport à l’ Europe ne peut-on parler de postures infantiles ?
Et parmi ceux qui présentent les alternatives les plus radicales à nos embourbements démocratiques, qui voit de convaincants leaders, des collectifs entraînants ? 
Dans les altitudes démocratiques où aime se situer par exemple le monde libertaire, l’autoritarisme est souvent de mise et les dissidents en son sein ne prospèrent guère, quant aux compromis, ce n’est pas le genre de la maison.
Pourtant : « La vérité finale de l’indépendance de chacun, c’est l’interdépendance de tous.»
Marcel Gauchet
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Trop tard encore cette semaine pour « Le Canard » mais dans "Marianne" ce dessin de Tignous assassiné il y a deux ans.