dimanche 11 septembre 2016

Loin. Alex Beaupain.

Je persiste à chercher sur CD de nouveaux airs, car il ne faut plus compter sur les radios pour vous les mettre en tête.
Pour ceux qui ont tant aimé les Brel, Brassens, le musicien des films de Christophe Honoré, qui les a également appréciés, ne peut éviter d’être confronté à ces phares ou à quelque Souchon, voire un contemporain  comme le fluide et délicat Albin De La Simone.
Cet album qui compte un maigre bonus est dans la veine mélancolique, quoique sautillante, du précédent http://blog-de-guy.blogspot.fr/2013/09/alex-beaupain.html .
« Loin », l’enfance :
« On est loin des peaux fruitées,
Gel de douche à la mangue »
Et s’il est question de « Couper les virages »
« Les caravanes
Sont scellées aussi »
« Les voilà » dont le rabâchage qui est trop souvent un  procédé, rend ici poignante la chanson :
« … sa longue déchéance
Dévore jusqu’au noyau le fruit de nos enfances »
 « Je te supplie » et « Tout a ton odeur »  sont adressés à son amoureuse disparue :
«  La pomme n’a plus ce goût vert »
La musique de la précédente est de  Vincent Delerm qui a écrit aussi « Rue Battant »
« Laissez la lumière du couloir
J’éteindrai en rentrant »
Julien Clerc a inventé la mélodie de« La Montagne »:
« Nous avons oublié l’Espagne
Et ses étoiles hors de portée »
Je préfère « L’amour en cage », du nom d’une baie appelée aussi « cerise d’hiver » dans sa lanterne vénitienne, que le trop explicite « Cela valait-il la peine ? » :
« Mais cette baie orange
Que tu veux que je mange
Très peu pour moi mon ange »
La gainsbourienne « Reste » avec la Grande Sophie est entrainante :
« J’étais un peu à l’Ouest
Un peu soul sans conteste
Mais à l’éthylotest
Plus d’alcool plus un zeste »
Il fallait au moins ça, car la phrase attribuée à Van Gogh  aurait pu titrer l’album :
« La tristesse durera toujours »

samedi 10 septembre 2016

Les passants de Lisbonne. Philippe Besson.


Ce livre vite lu a le charme des hôtels de luxe un peu démodés, hors du monde, où se rencontrent une veuve récente et un garçon fraîchement délaissé par son ami. Dans la sincérité permise par leur douleur respective, ils s’écoutent.
Bien loin de l’enthousiasme des lecteurs qui ont donné leur avis sur Internet, j’ai trouvé ces échanges bien conventionnels et la conclusion nunuche. Je n’ai pas ressenti la « saudade », la mélancolie, qui m’a parue un cliché de plus attaché au Portugal. 
L’ennui peut être reposant, et condition de la connaissance, il ne permet pas ici d’aller au-delà des apparences. 
Protégés de la chaleur de la ville, dans leurs fauteuils, sirotant sans soif, Hélène et Mathieu m’ont laissé froid.
Un serveur revenu chez lui raconte à sa compagne :
« Il l’enlacera et racontera combien il s’est ennuyé tout l’après midi. Il dira : il n’y avait personne. Ah si un homme et une femme, un couple peut être, si c’est un couple, ils n’avaient pas l’air très heureux. Sa copine ajoutera : il y a des gens comme ça, qu’est ce que tu veux, » Et ils passeront à autre chose. »  
Alors pour jouer : mieux vaux « Mort à Venise » que « Dort à Lisbonne » car cette Lisbonne trop lisse est loin d’être bonne.

vendredi 9 septembre 2016

Na !

Bien de ceux qui apparaissent aux écrans ne semblent pas avoir pris  de vacances, ni tari leurs propos dignes de ceux qui se tiendraient, dit-on, dans les cours de récréations.
Cameron chantonne avant d’annoncer sa démission: tellement cool !
Quand Vals parle de Liberté en évoquant Marianne : tempête sur les réseaux !
Il ne peut prononcer le moindre mot.
Pour avoir moi-même un jour dépassé la limite de mes compétences, j’en vois trop qui butent au seuil du principe de Peters : Vals était un bon ministre de l’intérieur, mais trop clivant pour être le premier, Ségolène Royal faisait habilement valoir sa région, et Mélenchon en secrétaire d’état à la formation professionnelle n’avait alors pas besoin d’en faire trop…
Au moment  où « Les Guignols de l’Info » perdent leur magister, le débat public tourne à des bastonnades de castelet.
Ces comédies n’arrivent pas à nous distraire de toutes les tragédies niçoises, turques, kurdes…  sociales, économiques, écologiques, morales.
Alors le son monte, les rires enregistrés haussent le ton, à l’instar des opposants à la loi travail se radicalisant, niant leur échec à mobiliser d’autres travailleurs que ceux qui sont protégés.
La recension de quelques paradoxes proches de l’absurde devrait calmer quelques donneurs de leçons, elle me tiendra lieu de pense-bête.
Interdire le burkini, les multiplie : na !
Il ne faut pas en parler, mais tout le monde en parle.
Le MEDEF avait promis un million d’emplois l’an dernier :
cette année Gattaz  en annonce deux millions.
Les cours de calligraphie se multiplient car nous écrivons de moins en moins.
Les pédagogues qui ont abandonné les classes estiment que l’école française soumet les élèves, pourtant j’entends que bien des ados considèrent les profs comme des larbins et se montrent plutôt arrogants. En tous cas le mépris envers les profs est répandu, la dérision naturelle face à une institution invitée désormais à faire gazouiller les classes en îlots préparant des ilotes. L’école n’ose plus émettre, ni prôner l’étude. Le mot est en voie de disparition. Il n’y a plus d’ « études surveillées ».
Les taches éducatives côté famille ne semblent guère plus enviables. J’ai été surpris, sur le réseaux dits sociaux, de la vogue de l’expression : « délivrée, libérée » pour dire le soulagement des parents au moment de la réouverture des  écoles considérées comme  des « garderies » qui font pourtant preuve d’imagination en recevant les élèves avec des écharpes de reines de beauté où sont mentionnés : « Miss C.P., Miss CE2/CM1 » (Ecole publique Paul Langevin, à Fontaine, lui qui disait : « Plus je m'instruis, plus je me sens communiste. »)
Le PC est moribond et Rocard a disparu.
Il avait incarné nos rêves bavards de 68, puis adultes devenus, il nous a assagi et a réalisé de nombreuses réformes pragmatiques et innovantes. Courageux, inventif, travailleur, parlant tellement « vrai », que ce trait souligné, doit être finalement assez exceptionnel comme l’honnêteté.   
Retraité, l’irréductible, a continué à délivrer quelques fulgurances vite effacées dans cet air du temps rétif à toute phrase qui ajouterait une subordonnée aux sempiternels sujet-verbe-complément au delà desquels les sarcasmes pleuvent.
Il a fait si beau cet été : ce n’est pas bon !
…….
Le dessin du Canard que j’ai préféré cette semaine :

jeudi 8 septembre 2016

La demeure du chaos.

Ce musée original situé au nord de Lyon à Saint Romain au Mont d’Or est ouvert au public le samedi et le dimanche après midi.
Depuis une quinzaine d’années, le propriétaire du lieu avait fait parler de lui pour ses ennuis avec la municipalité qui ne voyait pas d’un bon œil, à l’orée du village aux pierres dorées, ces noirs bâtiments déstructurés parmi lesquels émergent des crânes gigantesques au milieu de sculptures rouillées.
J’aime la rouille, les « vanités » qui rappellent notre mortelle condition, et les démarches artistiques novatrices, mais comme nous en étions en plein dans la polémique sur la fresque de « Marianne et les policiers » à Grenoble, ce n’est pas qu’en consommateur d’art contemporain, amateur de nouveauté, que j’ai déambulé parmi les 5400 œuvres proposées.
J’avais participé sur Facebook à la polémique contre les partisans de la liberté d’expression et les allergiques à l’état policier (mais pas à ses subventions). Ce bombage dont le thème constitue l’ordinaire des publications sur Internet et dans des publications militantes s’imposait à tous, la semaine où deux policiers étaient assassinés.
La posture victimaire du propriétaire Thierry Hermann, chef d’entreprise qui gagne sa vie sur le web m’a parue surjouée, alors que son implantation dans les monts du Lyonnais est vraiment ostensible. La liberté de création, tellement sollicitée, s’épuise dans tant de provocations datées, à Grenoble et ici.
Faut-il tellement douter de son bon droit pour écrire en lettres énormes sur un toit :
« Non aux réacs » ? pour se sentir tellement révolutionnaire.
Beaucoup d’objets installés sont  surdimensionnés suivant le procédé adopté par certains artistes actuels. Les nombreux portraits légendaires de Platon à Obama sont « délégendés » quand les références vont du facteur Cheval à  Dada dans un boulguiboulga ésotérique bavard où souffle entre autres « l’esprit de la salamandre ».
Parmi les 99 totems en acier découpés au laser rien qu’à la lettre « A » il faut voir :
« Abraxas, alchimie, algorithme, allégorie, annonciation, apologue, apparition, arcane, art royal, attribut, avènement …»
Par ailleurs 99 « sentinelles alchimiques », dont la base forme un triangle équilatéral, concourent dans la catégorie des plus grandes installations statuaires d’Europe.
Des containers créent-ils selon l’intention de l’auteur : « une présence évanescente et subtile… où la panne du système équivaut à une soudaine illumination »
Un bunker au centre de ce capharnaüm pourrait rassurer ceux qui seraient pris de court par l’apocalypse imminente, à moins qu’elle ne soit déjà bien avancée.
L’underground tape à l’œil.
Alors qu’un livret gratuit de 146 pages est à la disposition des visiteurs, il me semble qu’un dispositif plus pédagogique, moins répétitif, moins fouillis, mais nous sommes bien dans « le chaos », permettrait de mieux apprécier certaines propositions.
Vaut cependant le détour, forcément quand un tel tumulte est placé sous le patronage de l’auteur du « musée imaginaire » André Malraux dont je viens de découvrir cette phrase :
«Il n’est qu’un acte sur lequel ne prévale ni la négligence des constellations ni le murmure éternel des fleuves: c’est l’acte par lequel l’homme arrache quelque chose à la mort.»
Discours pour sauver les monuments de Haute-Égypte.

mercredi 7 septembre 2016

Equateur J 1. Lyon/Quito. Traversée.

Nos comparses arrivent à 3 heures tapantes à Saint Egrève, nous embarquent direction P5 à Saint Exupéry où en guides prévoyants, ils avaient réservé par Internet. La barrière s’ouvre automatiquement à la lecture de la plaque d’immatriculation.
L’enregistrement ne commence pas à l’heure indiquée, nous patientons et passons les premiers à 5 h 10. Il y a encore 2 h d’attente avant d’embarquer dans le premier des avions de la Lufthansa qui nous permettra d’atteindre Quito. Le temps de déguster une « chocolatine » ( pain au chocolat) à « La brioche dorée » et de lire en profitant du lever du soleil . Un groupe de jeunes catholiques enjoués, munis d’étuis de violons ou de guitares, « tapent le carton » en attendant leur avion pour Cracovie, comme indiqué sur leurs T-shirts « JMJ 2016 ».
Nous survolons champs et forêts nimbés d’une légère brume. Les hôtesses nous offrent un biscuit de Savoie accompagné d’une boisson. JJ et moi avons même le temps de piquer un petit somme avant d’atterrir à Frankfurt. Là nous avons à nouveau 3 h d’attente ce qui nous laisse amplement le temps de traverser l’immense aéroport jusqu’à la porte affichée où nous nous installons, guettant notre compagne parisienne, inquiète de cette escale qu’elle juge courte.
Mais aucun problème, nous nous retrouvons à temps, nous embarquons dans un Airbus 340 par une navette dont le trajet sur le tarmac nous surprend par sa longueur.
Nous n’avons plus qu’à attendre 11 h et des poussières pour traverser l’Atlantique, devant un bon choix de films: Zootopia, Back Home avec bien sûr Isabelle Huppert (2015 de Joachim Trier), Ave César des frères Cohen…
Escale à Panama City, qui apparaît comme une maquette, nous visitons l‘aéroport et un duty free peu intéressant au niveau prix. Environ 2 h plus tard,  nous prenons un Airbus plus petit de la compagnie « Copa Airlines » pour un dernier trajet d’environ 2 h. Nous sommes levés depuis plus de 24h.
Les formalités dans le nouvel aéroport de Quito tout neuf sont rapides et efficaces, les bagages vite récupérés et scannés à nouveau. Il est 21 h passées. A la sortie un petit monsieur en costard rayé trop grand, cheveux à l’arrière et fine moustache noire, brandit un écriteau à notre intention.
Il s’appelle Edgar et sera notre guide francophone pour ce voyage. Une heure de route sépare l’aéroport de la ville, pendant laquelle il nous livre une foule de renseignements sur le pays. Entre autres : la participation massive des chinois qui endette le pays, le manque de fréquentation touristique à cause des tremblements de terre dans le Nord Ouest et toute une série d’expressions françaises comme « les français sont des chauds lapins »,  et quelques blagues gentiment lestes… le pauvre n’obtient pas de nous beaucoup de répondant, nos paupières sont lourdes. Nous apercevons cependant une route qui monte vers une « montagne » éclairée par les maisons.
Nous tournons un moment dans un quartier neuf au nord de Quito, le chauffeur et le guide ont confondu Hôtel Ambassador et Hôtel Ambassady, ils doivent demander leur chemin. Nous ne traînons pas en formalités pour gagner nos lits, il est plus de 4 h 30, heure française, 23h 30 heure locale. 

Merci à Béa pour la photo de bord de mer, à Jean pour le mannequin et la vue de Panama, à Eric pour celle de Quito.

mardi 6 septembre 2016

Expressions de par chez nous.

Exploitant le riche lexique dauphinois de ce site http://www.electriccafe.org/dauphinois/
j’ai relevé quelques expressions dont l'usage n’est pas forcément familier au-delà de Chabons ou de Moissieu sur Dolon.
D’abord, à tout seigneur, tout honneur :
un « ministre », je ne savais pas qu’il désignait un bouc pour une histoire digne de Fafois
La Marie avait acheté un ministre pour saillir les chèvres des voisins
- Tu n'as pas de place pour lui, dit un mauvais plaisant.
- Eh bien, je le mettrai dans ma chambre.
- Tu y penses pas, ça sent tellement mauvais.
- Oh, ça fait rien, faudra ben qu'il s'habitue !...
Et voici une compilation de ces expressions dont le sel s’est perdu parfois.
« Il ne veut pas que ce soit le dit.
Le Jacques vend son pré, ça va pas chercher loin.
Ç'aurait été un bon joueur s'il avait arrêté de faire le Jacques.
J'ai eu une chance à la belote, c'est affreux !
Depuis qu'il est à l'hospice, il va pas en prenant.
Pendant qu'on est après, on va finir.
Ce vieil arbre est si dur que je peux pas l'avoir avec la scie : il faudrait un passe-partout.
Je t'en baillerais, moi, de tripper le jardin !
Quand j'étais minot, j'allais en champs les vaches.
Je l'avais jamais vu colère comme ça !
Ces taches de cambouis sont bien parties. Maintenant, c'est plus de connaître.
Ça y est, il fait beau, il a dépaillé les cardons !
Quand je suis arrivé, le Dédé rentrait son foin... Je lui ai donné la main à finir.
Des fois qu'ils auraient oublié ?
Ça fait six mois qu'il fréquente la Dédée, ils vont sûrement se marier bientôt !
Depuis qu'il a trouvé cette bande de copains, le François rentre toujours à point d'heure !
Il est mais puis saoûl : il recommence à boire
Avec cette sècheresse, il y a peu de champignons : on va quand même tâcher moyen de trouver quelques trompettes pour faire une omelette.
On va prendre du souci, je voudrais pas rentrer de nuit. »

lundi 5 septembre 2016

L’économie du couple. Joachim Lafosse.

La tension monte dans un couple en fin de course avec deux jumelles au milieu. Ce film juste d’un jeune réalisateur laisse le spectateur former son opinion, voire choisir son camp avec une fraîcheur bienvenue à propos d’un sujet souvent traité.
La forme elliptique quant aux conditions antérieures à cet épisode nous permet de ne pas nous attarder  sur le souvenir des blessures occasionnées par quelques petitesses mais ouvre aux contradictions. Les acteurs sont excellents. La sentence de Marthe Keller, la belle mère, m’a semblé frappée au coin du bon sens, qui est ce qui manque le plus à tous les protagonistes dans ces circonstances :
«  Aujourd’hui, on ne répare plus ; on jette, les chaussettes… » 
Au-delà du symptôme des différends financiers, c’est de la condition des hommes et des femmes dont il s’agit dans toute leur déraison tellement humaine. Les petites peuvent recueillir quelques bénéfices secondaires dans les relâchements des adultes trop préoccupés par leurs querelles. Mais, depuis les hauteurs où règnent ces enfants, elles peuvent hériter de quelques traumatismes bien cognés. En particulier quand on leur demande de choisir à la place des grands quand ceux-ci ne tiennent pas leur place.