mercredi 3 octobre 2012

Blade runner. Ridley Scott.



Nous arrivons bientôt en 2019, au moment où se déroule l’histoire  imaginée par Philip K Dick  dans son roman « Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques? ».
Le film dont le titre se traduit par « Celui qui court sur le fil du rasoir »a trente ans d’âge et il a bien vieilli
L’extrapolation à partir de découvertes en génétique sur fond de planète dévastée est convaincante jusqu’à la durée de vie limitée des « réplicants » avec aussi les hypocrisies sémantiques bien contemporaines : quand il s’agit de tuer, on dit « retirer ».
Les  images noires et  humides sont belles, avec policier à la retraite en imperméable contraint à reprendre du service, femmes fatales, voitures volantes se posant dans les bas fonds de zones urbaines hostiles. Le whisky est toujours en usage et les immeubles gothiques désertés sont des décors sublimes pour l’inévitable duel décisif où sont convoqués à la pelle les symboles religieux.

mardi 2 octobre 2012

Le retour de l’éléphant. Paul Hornschemeier.



Dans ce recueil d’histoires originales en B.D. paru chez Actes Sud différents styles de narration et de dessin s’expérimentent. L’art contemporain version ligne claire est dans la case.
Des situations du quotidien, de science fiction,  surréalistes, des nounours,  de l’humour froid, des déserts. Mais les scènes les plus angoissantes ne sont pas forcément celles où des pistolets sont sortis.
Seule la lumière de la télévision éclaire les solitudes encore plus criantes dans un monde près de la fin où l’existence est vaine.
Ce pessimisme radical suit des récits efficaces, il ne nous accable pas, il nous divertit.
Le sable s’insinue dans les genoux d’un robot marchant dans un désert « au rythme de seize à trente deux grains par minute selon la vitesse du vent. Huit à dix grains sont expulsés par ce qui fonctionne encore de ses défenses internes. »

lundi 1 octobre 2012

Drive. Nicolas Winfing Refn



En sortant de ce film de voitures, j’ai bien respecté les limitations de vitesse, c’est que l’argument vendeur pourtant travaillé m’a laissé aussi indifférent que l’acteur principal qui tient le volant mais subit sa vie.  Alors, il fait le malin et va sombrer dans une violence qu’il ignorait auparavant.
Nous sommes à Los Angeles. Certes la musique est électrique. Mais à relire les commentaires majoritairement élogieux je n’arrive pas à voir ce qu’il y a de vraiment nouveau dans cette histoire en milieu urbain, où les mots sont en voie de disparition, où  la gazoline ne s’économise pas.
Pas plus que les westerns ne se sont démodés  parce que désormais les chevaux ne tournent plus que dans les manèges, la présence forte des véhicules à moteur ne présage de l’avenir de certains films, celui-ci deviendra peut être culte quand les engins électriques ne feront plus crisser les pneus.

dimanche 30 septembre 2012

Tout est bien. Robert Charlebois.



A la première écoute du dernier CD du québécois qui nous fit passer de Félix Leclerc au rock, je n’avais pas été accroché.
Puis j’ai lu les paroles du fidèle  David Mc Neil :
« Les poètes ont souvent raison »,
 l’inusable Dabadie :
«  je chante donc je suis »,
 avec Mozart aux paroles :
«  Le garnement brûle encore plus
 Il ne se console plus
 Et ne souhaite rien d’autre
 Que posséder ton très joli cul »
Il y a  du Saint Augustin aussi dont quelques mots donnent le titre à l’album qui sonne comme une conclusion, avec aussi « Satisfaction » résumé d’une vie.
La musique est de Charlebois dont je préfère les percussions aux violons ; il agence aussi quelques paroles :
« Autour du monde, on refaisait l’amour
Elle l’a défait, sans espoir de retour
Son dernier tour m’a laissé un grand trou
Juste à côté du cœur »
Il regarde toujours les Jumbo jet, tricote avec  des « moi », voyage de Winipeg à Calgary, rappelle l’amour, croise un joli nez, toujours « drette dans ses bottes » surtout quand la country s’invite, ou quand il va s’asseoir devant l’ivoire d’un piano.

samedi 29 septembre 2012

Zone. Mathias Enard.



Voilà un livre, le livre de mon année qui assouvit mon goût de littérature, porté par une forme inhabituelle où seulement quelques points se posent lors d’un court roman enchâssé dans ce récit flamboyant de 500 pages, d’un trait.
Au cours de ces divagations intimes au bord de l’apocalypse, je n’ai jamais pensé à un procédé moi qui redoute par ailleurs les livres épais.
« nous chantions trois jeunes tambours en buvant, maintenant j’ai bu seul et ri et ran, rantanplan, maintenant je suis seul dans la nuit enfermé dans ce réduit »
Un souffle épique traverse ces lignes inexorables, poétiques et documentées.
Une énergie communicative brasse la mythologie, les villes, des hommes, quelques femmes fatales, l’histoire du bassin méditerranéen,  et une histoire d’identité qui se cherche au rythme d’un train entre Milan et Rome.
« attachés par les liens indissolubles du sang héroïque, par les intrigues de nos dieux jaloux ».
Tragédie où les cadavres s’empilent, bourreaux et victimes, « guerriers brillant d’une lumière noire », de guerres espagnoles ou bosniaques, en Palestine et de Birkenau à Beyrouth.
Des silhouettes d’écrivains  traversent les rues et les canaux, l’alcool nous abrutit.
Je pensais qu’il aurait été parfait de lire ce livre dans un train, mais une maman n’arrivait pas à se rendre maître de ses bambins malgré sa bonne volonté, un corse téléphonait abondamment, alors que de jolies pépettes tenaient des conversations de charretier à propos des échos d’un match de football qui parvenaient sur leurs Smartphones.
Pour ajouter un plan supplémentaire à ceux qui se superposaient déjà dans ce livre profus, je me souvins alors de l’accueil favorable qu’avait reçu une Union pour la Méditerranée du conducteur de quad et qui disparut  dans la comédie tunisienne tragique et le revirement Libyen où un écrivain tourna un film.  
J’ai avancé dans ce livre ferroviaire au cours de la période où à l’occasion du film « Sur la route » on reparlait du livre de Kerouac. J’ai trouvé le film fade mais je me suis imaginé le beat de l’écrivain américain comme celui qui me transportait : intense.

vendredi 28 septembre 2012

Rêverie de Gauche. Régis Debray.



Du beau, du bon Debray en 100 pages allègres où il érige un monument à l’historien Marc Bloch.
Il redonne couleur à nos valeurs et avec style revient aux fondamentaux qui nous échappaient depuis que people a remplacé peuple.
Alors que « La droite matérialiste et frétillante a partie liée avec le jour-le-jour »,  il illustre brillamment  une des missions de la gauche «plus soucieuse d’expliquer que d’émouvoir», en revenant à l’histoire :
« A quel instant situer le changement de climat culturel : le passage du social au sociétal, de qui est juste à ce qui se dit moderne, de l'égalité à l'équité, de l'élan de solidarité au crime humanitaire, de la culture pour tous à la culture pour chacun, du fraternel au compassionnel, du "changer la vie" au "changer de cantine" ? Quand le prolo est-il devenu le beauf de Cabu, Le militant, supporter; le courant de pensée, écurie; la classe, réseau; et le bobo, boussole ? »
Il nous rappelle l’allégeance  honteuse de socialistes envers l’ambassadeur US au moment de la guerre en Irak.
 «Billancourt à la rouille, c’est Moody’s désormais qu’on ne veut pas désespérer.»
Quand il argumente la locution anglaise est souvent péjorative : « business plan » «Le light et le lourd ont permuté, notre monde a fait plus que changer de base: il marche sur la tête ».
Non, je ne vais pas tout citer de ces  bonheurs d’écriture.
Ses positions sont critiques sur l’Euroland,  « qui s’est voué à détricoter méthodiquement tout ce que la gauche française avait péniblement tissé depuis 1936, droits sociaux, souveraineté populaire, services publics, nationalisations.»  
Il rallume chez moi quelque lumière quand il défend l’école républicaine qui   devrait retrouver goût à la transmission pour atténuer les tintamarres de la com’.

jeudi 27 septembre 2012

Isabelle Cornaro au Magasin.



Une fois de plus, et pourtant je persiste, je n’ai pas saisi l’intention de l’auteur présentée au Magasin à Grenoble alors que dans le genre contemporain je suis sorti enthousiaste du musée d’art moderne de Lyon avec Combas et de celui de Saint Etienne avec Jan Favre.
Mais les ready made ont épuisé pour moi leur charme, je n’ai rien vu de nouveau chez
«  l’artiste française qui interroge les notions de perspective, de point de vue et de positionnement. Elle met en scène des objets familiers qui une fois intégrés dans une composition se dotent d’un sens nouveau et d’une valeur nouvelle. Elle montre ainsi comment les modes de représentation historiquement et culturellement déterminés influencent notre perception du monde »
Les mots utilisés lors de ces installations font écran pour moi et je n’ai pas ressenti de quelconque  « mise en tension » parmi des objets chinés rangés en vitrines. De grandes peintures ont de l’allure grâce à leurs dimensions mais les éléments de chantier disposés sous les verrières de la halle Bouchayer Viallet laissent indifférents. La peinture est « au tapis » mais l’humour est absent. Je n’ai pu m’empêcher de penser à la mésaventure d’un ami dont le fond d’un pot de peinture de 10 kg céda sur le beau plancher de sa maison. Ici des tapis trempés dans des restes de Ripolin sont exposés avec quelques dentelles engluées dans des pastels fadasses.
Ces démarches me semblent paresseuses : en réinvestissant le travail des autres, elles nappent de mots les expositions qui ne révèlent rien par elles mêmes. N’est ce pas ainsi que travaillent les DJ reprenant la musique des autres disparaissant sous les balles doum doum ? Des fois ça marche sur les marchés, mais la multiplication des copistes finit par user les pistes et les plus indulgents des curieux.