vendredi 29 octobre 2010

« Démocratiser la décision »

Il en fut question au forum Libé de juin à Grenoble, depuis que la « démocratie participative » est revenue sur le devant de la scène et que le moindre geste politique s’accompagne des mots
« concertation », voire « partage » omniprésents dans chaque boite à outils de com’ , de l’assoc’ la plus ringarde jusqu’au FMI .
Les « gens » ne se contentent plus d’être seulement informés, pourtant les processus innovants pour être décidément participatifs ne sont pas évidents.
Les personnes qui investissent les espaces ouverts à la décision sont majoritairement accessibles à l’arthrose. Et finalement « on vote où l’on dort », alors que la ville peut très bien être produite par les touristes ou ceux qui y travaillent par exemple.
Dans le schéma idéal de nos représentations, le triangle est la figure convenue où la collectivité publique en gestionnaire se placerait à un sommet, le marché sur une autre pointe et la société civile en garante des valeurs. Sauf que la multiplication des DSP (délégation de service public) en particulier dans le domaine culturel amène du déséquilibre : le renard a franchi le grillage.
Oui, nous sommes dans des systèmes en évolution, les enjeux, les choix doivent être hiérarchisés ; dans la complexité qu’est ce que la souveraineté populaire ?
Une évidence qui venait juste après l’abstention aux régionales : cet échelon est mal perçu car la décision politique n‘ inaugure pas beaucoup.
Et une nuance concernant le morcellement communal tant décrié, qui a su maintenir en France, dans tant d’espace, un réseau remarquable des services.
Pour que le citoyen ne soit pas qu’une créature abstraite, le processus démocratique comme on dit, a comme obligation le suivi, le compte-rendu, l’évaluation extérieure.
Ainsi l’intérêt collectif peut émerger lorsque chacun se l’approprie, mais l’urgence fait mauvais ménage avec l’élaboration lente, concertée, ascendante.
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Dans « Le Canard » de cette semaine :

jeudi 28 octobre 2010

Cabanel Alexandre

Même sous les platanes des promenades montpelliéraines il faisait bien chaud, alors
les corps laiteux et lisses de Cabanel, paraissent délectables.
Il eut ses heures de gloire au XIX° finissant, et le musée Fabre rend hommage à l’enfant du pays. Il incarnait l’académisme quand les impressionnistes étaient bannis des expositions ; aujourd’hui c’est lui qui est tiré de l’oubli, et c’est intéressant comme toute exposition qui présente un artiste dans ses évolutions.
Un montage approprié témoigne du passage de l’esquisse à la touche définitive : les nouvelles technologies au service d’une présentation agréable.
Une Cléopâtre bien blanche essaie des poisons sur des esclaves, des anges déchus ont le regard bien contrarié, les scènes sont bibliques ou littéraires et les portraits charmants privilégient une atmosphère florentine.
Une bonne adresse puisque Courbet qui avait précédé Cabanel dans cette exposition temporaire conserve quelques tableaux dans ce musée récemment restauré.

mercredi 27 octobre 2010

New York. J8. Le MET.

Dehors il fait bon sous le soleil. Nous prenons le métro jusqu’à Lexington avenue et nous poursuivons à pied dans un quartier cossu mais pas tapageur où Dany remarque le nombre important de fleuristes. Nous débouchons bientôt face au Métropolitan Muséum et empruntons l’entrée des scolaires et des groupes, surpris du peu de personnes en attente. Nous échangeons nos Pass City contre une pastille métallique rose à agrafer à nos vêtements. Armés d’un plan détaillé, nous choisissons de commencer par l’aile américaine. Pour y parvenir nous traversons l’art médiéval et nous tombons sur une procession de pénitents en pierre, en lamentation rangés deux par deux, parfaitement éclairés. L’ensemble provient d’un tombeau de Jean sans peur près de Dijon et la mise en situation valorise chacun des personnages libérés ici de leur gangue gothique. Impressionnant, mais interdit de photographier.
Autour d’un patio protégé par une verrière nous découvrons l’art nouveau à travers Tiffany, artiste de mosaïques et de vitraux. Nous admirons l’escalier, des portes en verre aux décorations multiples, des vases, mais pas l’ombre d’une peinture. Un gardien interrogé par Nicole nous envoie de l’autre côté du musée nommé modern art.
Nous y voyons des toiles de peintres américains qui nous sont inconnus mais aussi
des œuvres peintes et sculptées de Giacometti, un portrait tragique de sa mère, un chat sculpté,des Balthus, trois petits autoportraits de Bacon superbes, des Dali dont une madone en trompe- l’œil, des Modigliani, des Beckmann, des Bonnard, des Matisse, des Vuillard, des Braque, des Juan gris…et pas de Picasso.
Pour changer, nous circulons par moment dans deux expositions art nouveau, où nous retenons un immense tableau de verre, métal et bois laqué extrait du paquebot Normandy. Quelques meubles stylisés, de la vaisselle, des bibelots, un ours de Pompon, des services à thé, des bijoux (collier de perruches en verre ou cristal) attestant de l’art abouti des artisans de cette période.
Nous sommes tous d’accord pour une halte au restaurant le plus proche à l’intérieur du musée où les prix dépassent très largement celui des restaus que nous fréquentons habituellement ( plus de 200 $ pour cinq personnes). Nous reposons un moment nos gambettes.L’après-midi nous poursuivons avec l’art moderne du XX°. Dans cette partie du musée nous nous arrêtons devant une sorte de parabole constituée de multiples petits miroirs qui reflètent la même image démultipliée. Nous retenons aussi :
la reproduction du drapeau américain tout blanc comme décoloré, fané,
une toile circulaire d’un chinois réalisée avec de la cendre, des Pollock, des Kooning, un tableau représentant la mort de John Ford.
Mais nous ne pouvons pas tout retenir, nous oublions.
Nous décidons de passer un moment aux arts américains océaniens et africains : une mine ! Créativité, imagination, originalité et aussi des constantes entre les peuples. Nous ne finissons pas cette partie avant l’art africain. Je me consacre aux impressionnistes, dans l’ivresse juste avant la fermeture, je gave mon appareil photo, seul au milieu de chef d’œuvres inestimables.
Il reste tant à découvrir encore, nous n’avons pas vu la moitié des collections réparties dans des salles bien organisées, collections d’une grande diversité d’époque, d’art et de régions. J’avais lu qu’il y avait deux millions d’œuvres mais le plus souvent on parle de trois millions, pas toutes exposées quand même. Pas d’ordre chronologique pour les peintres et les œuvres, comme au Moma. Chaque salle correspond à une donation et porte le nom du donateur. Nous ne sortons pas saturés, avec l’impression d’avoir été privilégiés dans ce musée prestigieux et si nous avons croisé une classe d’ados aussi fatigués que les nôtres, de plus petits discrets, des enfants attentifs à l’adulte devant les Matisse, le public est à peine perceptible.
Dehors la pluie s’annonce par quelques gouttes clairsemées, puis plus serrées, elle clôt nos atermoiements d’emploi du temps : nous prenons le bus pour nous approcher du métro. A l’intérieur nous vérifions une fois de plus la sollicitude des newyorkais. Une dame nous prend sous son aile, nous entraine pour une correspondance de bus afin d’éviter au maximum de nous mouiller. Nous nous étonnons encore du nombre de personnes qui nous répondent dans notre langue. Ils ne sont pas touristes, mais Sénégalais, Algériens, résidents récents dans le nouveau monde. Nous poursuivons seuls le long trajet qui nous ramène à Brooklyn. Nous allons à la bibliothèque du quartier à deux pas de la maison, pour renouer avec Internet abandonné depuis une semaine, 3$ la ½ heure, parmi d’autres internautes, des joueurs d’échec et des lecteurs et choisissons des plats cuisinés chinois (26$ pour tout).

mardi 26 octobre 2010

Lucky Luke contre Pinkerton.

Cette fois le successeur de Morris, Achdé, peut compter sur Benacquista et Pennac pour scénariser les aventures du cow boy qui compte ses 64 ans. L’heure de la retraite a sonné pour Jolly Jumper et son maître. J’en étais tout désappointé et je trouvais bien ingrats ceux qui ont bien vite oublié le solitaire, détrôné par Pinkerton prônant des méthodes policières modernes, où à l’identité judiciaire on demande de ne plus sourire au moment de la photo, où la tolérance est à zéro et le fichage en règle. Ce personnage ambigu a existé et les deux auteurs de polar multiplient les allusions au climat actuel : manipulation de l’opinion par la rumeur, surpopulation carcérale... Les fondamentaux sont respectés : les Daltons sont toujours aussi bêtes, Lucky Luke encore plus flegmatique. Billy the Kid est libéré pour bonne conduite : quelle honte !

lundi 25 octobre 2010

Illégal. Olivier Masset Depasse.

Les valeurs de justice, qui figuraient dans l’imaginaire des étrangers qui veulent rester chez nous, sont mises à mal, quand les dispositifs visent à empêcher l’immigration. Une femme russe qui fit valoir notre langue dans son pays où elle professait, est sans papier, elle s’en brûlera les doigts pour échapper aux vérifications. Ce centre de rétention présenté n’est pas forcément un endroit indigne et quelques garanties démocratiques subsistent; nous ne sommes pas en bordure de Méditerranée. Le réalisateur belge nous révèle les réalités hors champ des caméras administratives appelées là par la loi pour éviter en principe les bavures qui subsistent lors des expulsions. En évitant les rôles trop d’une pièce, il retrace une histoire émouvante qui complète « Welcome » quand Lindon était en maître nageur. Les drames ne sont pas seulement les hématomes sous la peau, mais des vies familiales compromises. La vision du cinéaste n’est pas totalement pessimiste, puisqu’il nous laisse espérer que le beau personnage central pourra réussir grâce à l’amour filial pourtant contrarié tout au long d’un film qui nous rappelle à la réalité des barbelés qui nous enserrent.

dimanche 24 octobre 2010

Ferrat.

L’unanimisme à l’occasion de la mort du chanteur, l’enterra un peu plus, comme sont ensevelis Aragon, Potemkine, Le temps des cerises, Ma France :
« Celle qui ne possède en or que ses nuits blanches
Pour la lutte obstinée de ce temps quotidien
Du journal que l'on vend le matin d'un dimanche
A l'affiche qu'on colle au mur du lendemain »

Autre temps où monsieur D’Ormesson était fustigé, l’ancien éditorialiste du Figaro est désormais prince des lucarnes, à l’unanimité.
Il s’en est fallu d’un numéro spécial d’ « Envol »journal d’action laïque de l’Ardèche, pour que j’essaye de poser quelques mots en hommage au citoyen d’Entraigues. Si la couverture du numéro de mai est dessinée par Ernest Pignon Ernest, autre artiste reconnu, engagé, les photos qui illustrent la brochure montrent que ce n’est pas un people de Saint Germain qui s’assoit sur les sièges en plastique des salles communales pour aider ceux qui trouvent que c’est un joli mot « camarade ».
Du temps où j’étais instit, je n’ai pas envisagé de séquence de géographie concernant l’évolution du monde paysan sans une écoute de « La montagne », et « Nuit et brouillard » remue encore bien des chœurs adolescents. Mais ce serait faire tort à nos engagements, à nos sincérités que de se contenter de lui accorder une place au pied du podium de nos chanteurs à textes derrière Brel, Brassens, Ferré.
S’il était moins habité, moins ciseleur de mots, moins fou, il fut plus proche, se trompant comme nous, à la hauteur de sa môme, dans ses bras :
« Ma môme, elle joue pas les starlettes
Elle met pas des lunettes
De soleil
Elle pose pas pour les magazines
Elle travaille en usine
À Créteil»

L’émotion lors de sa disparition allait au-delà de son personnage qui a vécu derrière une « fenêtre qui donne sur l'entrepôt et les toits » mais qui abritait de l’espoir et de l’amour.

samedi 23 octobre 2010

A un ami Israélien. Régis Debray

Il faut bien que ce soit lui, Régis Debray, qui invite à la réflexion, pour que je passe du temps sur un sujet qui me parait tellement hors de portée. Même si je n’ai pas toutes les références : « la sabra héroïque aura été l’avatar israélien de l’homme nouveau promis par Saint Paul », se frotter à tant d’érudition donne l’impression, au moins un temps, de saisir la profondeur du problème, son enracinement dans les siècles. Les coups de gueule bien tournés ressortent pour parler de Gaza :
« c’est un peu comme si notre administration pénitentiaire déclarait avoir « libéré » les détenus de Fresnes en les enfermant à double tour du dehors, coupant les rations de moitié, privant l’infirmerie de médicaments et éteignant l’électricité ».
Et bien des réflexions vont au-delà des frontières d’un pays grand comme une petite Belgique :
« … le jeune Mao à casquette devant sa grotte, le barbudo cubain dans la Sierra Maestra -ces accroche-cœur ont anesthésié des milliers de neurones de par le monde, en surimpressionnant un âge d’or sur l’âge de fer qui a suivi. »
Il fait un sort à l’image du « rescapé de 45 » qui ne peut décidément plus se superposer au « Robocop de 2010 ».
Elie Barnavi « sioniste palestinien » lui répond dans le même livre et s’il est d’accord avec la plupart des idées de Debray, il marque la distance, avec celui « qui se collète au sacré et qui risque de rater le profane », entre le français et l’israélien, entre l’écrivain et le politique