mercredi 11 décembre 2024

Comment sont vos nuits ? Orchestre national de Lyon.

Voilà une bonne idée surtout si 
Mendelssohn, 
De Falla, 
Moussorgski 
et Schönberg 
sont au programme d’un orchestre plantureux dirigé par l’énergique Johanna Malangré.
Au pays des rêves et des étoiles, pas besoin de vidéo pour que les auditeurs puissent répondre à la question initiale, chacun pour soi, sans injonction.
On peut se laisser bercer par l’ouverture du « Songe d’une nuit d’été » du romantique allemand moins sombre 
que « Nuits dans les jardins d’Espagne » aux accents de là bas.
Même pas peur, mais du plaisir pour « Une nuit sur le Mont-Chauve » du maître russe du fantastique.
« La nuit transfigurée » en deuxième partie de soirée ne laisse pas deviner les atonalités futures du « dégénéré » réfugié à Los Angeles.
Novice en musique jusqu’à la fin de mon temps, j’aurais bien aimé apprécier sa musique sans image et sans un texte qui pourtant a servi son inspiration, mais a pu me paraitre dépourvu de poésie : un homme accepte que la femme qu’il aime porte l’enfant d’un autre.
Cela avait fait scandale à l’époque : tout n’était pas mieux avant.   

mardi 10 décembre 2024

Nora. Lea Mazé.

 Une petite fille est confiée à son oncle qui vit seul dans sa ferme.
- Tonton, pourquoi la guerre, ça existe?
- Je... Heu... Je ne sais pas... Moi aussi, je me pose la question, tu sais...
- Mais elle est finie, hein?
- Ici, oui. Mais tu sais, la guerre elle est tout le temps dans d'autres endroits du monde.
- Il ne faut pas l'oublier. Il faut être heureux qu'ici il y ait la paix, parce qu'il y a des petits enfants de ton âge qui aimeraient que ce soit pareil chez eux
.
La petite boudeuse va être amenée à interroger le taiseux qui ne manque pas de bon sens. 
« Tu sais mourir à la guerre c'est très triste, mais le plus dur c'est d'être vivant à la guerre. Le plus difficile c'est de rester et de voir tout ça... de... de voir tout s'effondrer autour de soi sans pouvoir faire quoi que ce soit. » 
A partir de la naissance de petits chats, l’amour et la mort interrogent, et quand les réponses sont trop évasives, l’imagination de la fillette prend toute la place et l’amène à grandir.
Les couleurs sépia des dessins me plaisent davantage que le nez démesuré du Lucien. 
Mais rien qu’en 70 pages, au cours d’un récit assez original, les rapports entre les personnages évoluent, ce qui constitue pour moi une qualité primordiale.

lundi 9 décembre 2024

En fanfare. Emmanuel Courcol.

En ces temps où les désaccords pullulent, cette heure trois quart à la recherche d’harmonie fait du bien.Thibaut, chef d’orchestre découvre qu’il a un frère, Jimmy, joueur de trombone dans une fanfare.
Comme dans « La vie est un long fleuve tranquille » la question du déterminisme social se pose  et se résout dans la compréhension, la tolérance, après quelques rebuffades qui éloignent  tout risque de mièvrerie. 
 « Toi, à 3 ans, on t'a mis au piano, moi on m'a mis chez Claudine. »
Les deux acteurs Benjamin Lavernhe, Pierre Lottin, certainement pas interchangeables, ont chacun dans leur genre une forte présence. Le voyageur mondialisé va faire un tour chez les ch’tis et grâce au Boléro de Ravel, la grande musique s’associe à celle de la fanfare, Aznavour retrouve Beethoven.
Mais chacun reste maître en son royaume, au bout des rencontres où sont évitées les caricatures, dans un récit vivement mené, surprenant, avec un final émouvant qui fait pardonner quelques scènes de beuverie pas forcément utiles. 
Ceux qui dirigent des ensembles s’affichent avec bonheur sur les écrans en ce moment : 

samedi 7 décembre 2024

Les pieds tanqués. Philippe Chuyen.

Un ami enthousiasmé par le spectacle vu à Avignon, où la pièce jouée au boulodrome de l’île Piot a connu un beau succès, m’a donné l’occasion d'un aperçu des dialogues.
J’ai mieux compris à la lecture de ces 70 pages, la place que ne cessait de prendre l’Algérie dans sa vie, lui qui est né là bas, et le bien qu’a pu lui faire cette œuvre au langage fleuri permettant d’envisager les contradictions, d’exprimer regrets et chagrins, tout en continuant à jouer ensemble, à vivre ensemble. 
Depuis longtemps je n’avais pas lu de théâtre et bien que je ne goûte guère l’exercice, j’ai cru voir et entendre les quatre boulistes, sans leur truculence appréciée par ceux qui ont assisté à la représentation. 
Le mot pétanque vient du provençal quand les pieds doivent être ancrés au sol, bien « tanqués ».
J’ai mis du temps à identifier les personnages, ce qui m’a évité de tomber dans la caricature pittoresque pour approcher la complexité et l’intensité d’un sujet toujours d’actualité, traité ici avec bonhomie.
Les péripéties du jeu permettent le dialogue, les confidences. 
Le fils d’un combattant pour l’indépendance de son pays avait un oncle harki, 
le pied-noir aime l’Algérie de son enfance, 
alors que le père communiste du « Provençal de souche » portait les valises du FLN. 
Le parisien, dernier étranger à rentrer dans la partie, a sa part aussi dans ce passé douloureux qui le lie aux autres protagonistes. 
«  Parce qu’avec lui, les conversations, on n’a pas fini. »

vendredi 6 décembre 2024

Elle.

Une publicité pour un évènement organisé par le magazine « Elle » porte la mention « Musée de l’homme » remplacée par « Musée de la femme » auquel ne manque pas le point d’exclamation.
 
Depuis longtemps le mot « homme » même accompagné par « les droits de… », a perdu de son universalité pour être ramené à sa condition de mâle.
L'orthographe se délite, le vocabulaire s'appauvrit au moment où de pointilleuses ponctuations criblent quelques cultureux écrits.
Le magazine « Lui » a disparu bien avant que les proclamations inclusives soient devenues à ce point exclusives.
La mise en cause de tout homme à propos du procès de Mazan peut susciter un rejet automatique : nous ne sommes pas tous des violeurs de femmes chimiquement endormies.
Le refus de se voir essentialiser peut évidemment servir, comme il est admis que chaque musulman n’a pas à s’excuser des agissements de n’importe quel allumé.
Cette affaire nous concerne pourtant. Sans être obligés de se mettre dans la situation de ces tristes individus présentés comme un échantillon significatif de la masculinité, il est possible de se sentir troublés par un débat qui se poursuit.
Le boomer, que je suis, n’a plus à pousser mémé dans les orties, ni même dans les myosotis. J'éviterai donc de revendiquer une quelconque sagesse de circonstance, faisant valoir de surcroit le délai de prescription  pour avoir punaisé une photographie de Claudia Cardinale au mur de ma chambre d’adolescent.
A l’heure où l’expression «  je m’en bats les couilles » devient la ponctuation de la conversation de bien des adolescents, nous aimerions passer à d’autres expositions, que la mise en vitrine qui s’éternise, de nos bijoux de famille.
Pour avoir passé ma vie dans des milieux essentiellement féminins, je n'ai pas eu à mettre mon identité particulièrement en avant, ni à me diminuer. Les affres en tous genres : agenre, pangenre,  queer, genre fluide ou genre non conforme me sont étrangères. 
Les semelles compensées en transe battent le pavé, tandis que c'est la débandade chez les escarpins. 
Je réserve mon côté non binaire à des approches intellectuelles éloignant le manichéisme. 
A tellement cliver, les femmes se retrouvent plutôt seules à affronter l'avortement, alors que la contraception, une affaire plus commune me semble-t-il, apparait moins sur les écrans.
L'autre jour, j'ai aperçu le titre d'une brochure: « Entrer en pédagogie féministe ». 
D’autres urgences sont prioritaires dans les apprentissages scolaires, bien que le goût des filles pour les filières scientifiques reste toujours en dessous des attentes que leur plus grand appétit scolaire autoriserait. 
Pour être dans le registre des redresseur de destins, ne faudrait-il pas des quotas pour que des hommes puissent accéder à la profession d’enseignant ? Tant d’enfants qui souvent vivent exclusivement avec maman peuvent n’avoir connu que des femmes au cours de leur scolarité. Où sont les hommes ? Les quelques rescapés que je connaissais quand j’exerçais encore travaillaient surtout en maternelle.
Les valeurs de bienveillance qui dominent les discours sont plutôt l’apanage de nos sœurs, alors que triomphent tous les Trump dont les chevaux de bataille ont la tête tournée de l’autre côté.
Peut être que les excès woke ont accéléré la venue du diable blond et de ses épigones.
Les femmes disait-on étaient les gardiennes de la mémoire, des traditions, je ne sais si cela est encore vrai, tant se délitent les fresques anciennes sous les tags contemporains.
Les mots se dévaluent quand le terme « sublimer » se trouve au dos d’une tablette de chocolat aux « saveurs intenses, élégantes et racées »;  que restera-t-il pour Claudia  C. ? 
J'avais retenu la citation ci-dessous qui semblait bien s'articuler, mais à remplacer «femme» par «homme», rien de neuf n'apparait dans nos incompréhensions... alors disons «humains.
« Ceux qui disent toujours du bien des femmes ne les connaissent pas assez ; 
 ceux qui en disent toujours du mal ne les connaissent pas du tout. » 
Pigault- Lebrun

jeudi 5 décembre 2024

L’art institut de Chicago. Benoît Dusart.

Le conférencier devant les amis du musée de Grenoble a choisi d’organiser son exposé autour  de la chronologie des donations, tels ces lions offerts par Fields pour le deuxième musée des Etats-Unis après le Metropolitan Museum newyorkais.
Une école d’art avait précédé le musée fondé en 1879,
installé dans le Grant Park depuis l’exposition Universelle de 1893 où se tint pendant une dizaine de jours le « Parlement des religions du monde ».
Bibliothèque et auditorium à la verrière (
30 000 panneaux de verre) de chez Tiffany sont construits de part et d’autre d’un axe de symétrie
fidèle à la typologie de Nicolas Durand pour un premier bâtiment
d’un ensemble 
qui atteindra 70 000 m2.
« Le chant de l’alouette »
de Jules Breton,  « Image la plus aimée d'Amérique » après un concours organisé par le « Chicago Daily News » fut décroché par les responsables du musée qui durent le réinstaller cependant devant la ferveur populaire qu’ils avaient méprisée.
Le collectionneur Durand Ruel eut un rôle important pour l’enrichissement du musée en lien avec Mary Cassatt 
Ainsi l
es quatre panneaux d’Hubert Robert « Les Fontaines, Le Vieux Temple, L’obélisque, Le Débarcadère » destinés au château de Méréville, en accord avec les jardins qu’il avait conçu, sont installés désormais dans cette région des grands lacs. 
Le coût très important de  « L’assomption de la vierge » du Gréco nécessita plusieurs années avant de réunir l'argent nécessaire pour une acquisition définitive.
Anders Leonard Zorn
a peint « Bertha Palmer », dirigeante du Conseil de direction des dames qui a fait construire « Le Woman's Building ».
Elle avait accueilli Sarah Bernard comme une reine alors que celle-ci avait visité les abattoirs :  « Ah ! L’horrible et magnifique spectacle ! »
D’origine française, la femme d'affaires et philanthrope américaine revient de Paris avec 29 Monet et 11 Renoir dont «  Acrobates au cirque Fernando » . Les jeunes filles ne sont pas de jongleuses, elles recueillent des oranges lancées en hommage à leur performance.
« Au cirque Fernando. L'Écuyère »
par Toulouse Lautrec appartient à la collection Winterbottom qui comporte 35 œuvres où une nouvelle peinture se substitue une autre :
ainsi « L'Ombre de la Mort » de William Holman Hunt 
remplace place de « Matinée ensoleillée – Huit Jambes » de Julian Freud.
Souvent des veuves confient au musée des œuvres collectionnées par leur défunt mari : « Lady Sarah Bunbury, sacrifiant aux Trois Grâces » de Joshua Reynold  de la part de Mrs. W. W. Kimball
ou « Old Man with a Gold Chain » de Rembrandt.
Les parapluies de la solitude dans un « Dimanche après-midi à la grande Jatte » de Seurat s'ouvrent sous le soleil,
et de l’autre côté de la cloison dans  la «  Rue de Paris » de Caillebotte, 
on peut compter les pavés.
Autre donatrice, la très riche Anny Swan avait rempli de tableaux sa suite de l’Hôtel Blackstone et remisé sous le lit « Midi ensoleillé, Arles » de Van Gogh qui éteignait, il est vrai, les autres.
Elle a légué aussi « Les deux sœurs » de Renoir, un bouquet.
Par ailleurs, le « Cupidon châtié » de Bartolomeo Manfredi compte parmi les tableaux les plus célèbres
comme l’iconique « American Gothic » de Grant Wood 
qui a fait poser sa sœur et son dentiste.
Les « Miniature Rooms » de Narcissa Niblack Thorne reconstituant différentes époques sont aussi très courues.
Pour illustrer les rapports parfois houleux entre artistes et sponsors : les « Collectionneurs américains » n’avaient pas apprécié leur portrait commandé à  David Hockney.
Georgia O'Keeffe, « Sky Above Clouds »,  la régionale de l’étape, avait étudié à l’école de l’Art institut de Chicago, près du bâtiment initial néo classique, agrandi récemment par Renzo Piano  de l’autre côté des voies ferrées apportant une lumière du jour parfois plus intense que celle du dehors.

mercredi 4 décembre 2024

Le garage inventé. Claude Schmitz.

Cette pièce de théâtre serait « méta diégétique » voire « désanthropocentré » comme j’ai pu le lire chez quelque auxiliaire publicitaire squattant les réseaux des amateurs de plateaux. J’avais cherché en vain quelques critiques, sortis peut être avant la fin comme de nombreux spectateurs trouvant interminables ces 2h et quart.
Je dirais que c’était simplement « con » et assumé comme tel.
Le metteur en scène censé penser vient faire des effets de panse sur le plateau avant que son actrice ne dise qu’elle s’en va… et puis non elle revient. 
Une voiture n’arrive pas à démarrer malgré fumée et clignotements répétitifs, le spectacle ne s'est jamais mis en route. Le seul moment de théâtre arrive quand le technicien en chef  s’essaye à jouer Cyrano dont quelques mots suffisent à mesurer la profondeur de l’abime séparant les époques, j’allais dire les auteurs, mais non seul Rostand nous parle, l’autre reste un imposteur jargonnant jouant avec l'éclairage.
Dans un  long prologue cinématographique un sympathique grand-père rocker joue au dragon gentil avec une petite fille qui triture un cheval au bout d’une ficelle nommé cheval-ficelle. C’est elle la plus inventive dans cette création vaine, même pas pathétique, ni absurde, ni loufoque : vide.  
Heureusement quelques commentaires peuvent divertir après l’habituelle  
« actrice emprisonnée dans l’imaginaire patriarcal d’un metteur en scène » : 
«  Ce qui fait d’ailleurs penser à la pièce Stifters Dinge du compositeur et metteur en scène allemand Heiner Goebbels présentée en 2008 au Festival d’Avignon, « une œuvre pour piano sans pianiste mais avec cinq pianos, une pièce de théâtre sans acteur·ice, une performance sans performeur·se mais avec de la lumière, des images, des bruits, des sons, des voix off, du vent et du brouillard, de l’eau et de la glace ».