vendredi 12 mai 2023

Désert.

Les temps changent. 
Alors que pour partager les émotions dans un stade avec un enfant, il convient malheureusement d’hésiter, je viens de voir avant le défilé du premier mai, une caméra posée sur une maman qui équipait son enfant en poussette de lunettes pour le protéger des gaz lacrymogènes ! Juste après une mamie faisait porter uniquement à la police la responsabilité des violences, prise dans les projecteurs de la toute puissance d’un prométhéen mouvement social à qui tous les gentils Sisyphe pardonnent.
Albert Camus est moins noir qu’Albert Cohen : 
«  Chaque homme est seul et tous se fichent de tous et nos douleurs sont une île déserte. »
« Il n’y a plus de déserts. Il n’y a plus d’îles. Le besoin pourtant s’en fait sentir. 
Pour comprendre le monde, il faut parfois se détourner ; pour mieux servir les hommes, les tenir un moment à distance. » 
Pour avoir beaucoup cotisé au club des naïfs, j’en suis à noircir le caractère de mes semblables souvent dans le déni et l’indulgence coupable envers la brutalité. Alors que progrès scientifique et déploiement des aides sociales ont rendu pour la plupart la vie plus confortable, la moindre anicroche nous insupporte, la moindre contrariété nous fait criser. 
Et les foules africaines qui suivent aveuglément les néo-colonisateurs du XXI° siècle en dénonçant ceux du XIX° me consternent.
Dans la marmite des commentaires, l’étude expéditive des caractères a pris le pas sur le débat de fond. 
Après la contradiction des gilets jaunes : moins d’impôts plus de services, bien peu d’objections sont apportées à ceux qui optent pour la décroissance en demandant la retraite à 60 ans, alors que dans le même temps, plus de pouvoir d’achat demande de la croissance. « Plus d’argent pour profiter de plus de loisirs » ne s’affiche pas aussi nettement que « travailler plus pour gagner plus » mais connaît davantage de succès.
Quand l’agressivité peut en arriver à se déchainer sur le personnel soignant, les profs, les pompiers … les gardiens de la paix, je doute des vertus des référendums, le citoyen disparaissant derrière le consommateur. Les clashs séduisent et les gueulards mateurs prouvent leur efficacité, la modération passe pour de la faiblesse. L’adrénaline spray des disputes est un euphorisant qui comme le gaz hilarant donne des couleurs à l’ordinaire des jours. 
Les «cacerolazos» , firent du bruit contre Allende et les marches au flambeau ne fascinent pas que les fascistes. Ils aiment la nuit propice aux rêves et aux dissimulations; les réveils tardifs sont parfois difficiles.
Avons-nous appris à vivre avec nos faiblesses, nos addictions, nos rides, la mort ?
Ciel bleu et cocotiers figurent le paradis et malgré le funeste réchauffement climatique, le soleil est toujours synonyme de beau temps.
La météo n’est plus un sujet anodin, et dans le bavardage radiophonique qui alerte sans cesse sur la sécheresse, je m’étonne que l’annonce d’une amélioration signifie encore le retour de la chaleur bien qu’on en vienne à prier pour la pluie dans la phrase précédente. 
« L’espérance, c’est sortir par un beau soleil et rentrer sous la pluie.»  Jules Renard

1 commentaire:

  1. Bien vu, le dessin, très bien vu.
    Pendant des années, j'ai vécu dans un beaucoup plus grand confort que maintenant, et je ne parle pas de confort matériel. Il me semblait... que je partageais beaucoup des idées, des... valeurs ? de mes compatriotes, et que nous pouvions nous rencontrer en ayant une idée de ce que chacun était en train de... faire ou de dire, et une toute petite idée des raisons derrière. La plupart du temps. Maintenant, que nenni. J'ai le sentiment assez souvent d'être... perdue, et logiquement, mon... prochain qui est mon prochain que je le veuille ou non, d'ailleurs, a le même sentiment, même si c'est bien tapi au fond de lui, et il ne le regarde pas forcément bien en face.
    Depuis le temps, nous avons une vision différente des gilets jaunes : j'estime toujours qu'il s'agit d'une manifestation de personnes au sein de la population qui se sentent méprisés et laissés de côté par une fraction de la population qui a des habitudes, un style de vie (ne parlons pas d'argent pour une fois...) bien différent, et loin. J'estime que c'était une manifestation de personnes qui ne veulent pas être gouvernées par des machines A DISTANCE, mais avoir affaire à des interlocuteurs en chair et en os avec qui ils peuvent... discuter, avoir un brin de conversation humaine, des fois.
    C'est vrai que ça représente une remise en cause de nos institutions, qui depuis trop longtemps maintenant tournent pour nous éviter la face à face, et les émotions, les turbulences, la passion, la mise en question que provoque la face à face.
    Comme je répète très souvent, c'est le principe même de la représentation qui est en cause, et c'est tout sauf confortable, y compris pour nos gouvernants, qui sont censés nous.... représenter (mais pas avec le 49.3, tout de même...) dans un système par représentation.
    Après... les torts sont partagés. Que faire avec des gens qui ne veulent pas se laisser représenter, des sujets... souverains ?
    Je n'ai pas de réponse, là. On peut être sûr que tous, à notre petite échelle, nous faisons partie du problème d'une manière ou d'une autre.
    En ce moment, je me mets à cultiver mon jardin, et je compte manger les tomates cerises que j'ai fait germer dernièrement. Avec le plus grand plaisir, d'ailleurs.
    Dans le dessin plus haut, on voit ce que l'Homme fait pour se priver de son.. plaisir, (et pas sa jouissance...). Toujours le... même, l'Homme, nouveau ou pas, d'ailleurs.

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