jeudi 6 avril 2023

Ré enchanter le monde. Sybille Bellamy-Brown.

Pour illustrer la conférence d’une enseignante de l’Ecole du Louvre devant les amis du Musée de Grenoble, le « Bouquet de tulipes » de Jeff Koons offert par l’artiste à la ville de Paris après les attentats du Bataclan fera l’affaire. Dans sa forme naïve, il avait conclu l’évocation de la manière dont les artistes ont tenté de surmonter les désillusions de l’époque, après avoir décrit guerres, crises financières et écologiques, tentant de créer de nouvelles réalités.
https://blog-de-guy.blogspot.com/2018/10/jeff-koons-didier-ottinger.html
« Ground Swell »
 de Edward Hopper nous alerte dès 1939 : 
la bouée sonore est prise par une houle devenue forte.
«  A l’entrée du tunnel »
, un cheval se refuse.
Picasso
avait réalisé « Guernica » en 1937 pour la République espagnole à l‘exposition  universelle de Paris où le pavillon allemand faisait face à celui de l’URSS. 
Inspirée par le romantisme français, vivement contestée lors de son accrochage, la fresque aux corps fragmentés rejoignait
le réalisme cinglant d’Otto Dix engagé volontaire pendant la guerre de 1914-1918 qui avait réalisé 10 ans après un triptyque pour « faire mémoire » : « Guerre ».
Le français Lebel, l’Islandais Erró, les Italiens Baj, Crippa, Dova et Recalcati réalisent le « Grand tableau antifasciste collectif » (1960) provoqué par les témoignages de Djamila Boupacha torturée pendant la guerre d’Algérie. Elle ne pourra le voir qu’en 2008.
« Today's life and war » de Gohar Dashti : il s’agit de la guerre du Liban.
En 1958, à Bruxelles, la première exposition universelle après la seconde guerre devait « faire le bilan d’un monde pour un monde plus humain » : 
« L’atomium » des frères Polack croit en la science.
Les filles de Lilith, l’égale d’Adam dans la tradition juive, « Liliths Töchter », sont  des personnages d’Anselm Kiefer pour lequel la littérature permet de sortir des décombres de la guerre, quand l’histoire est devenue un matériau. 
https://blog-de-guy.blogspot.com/2017/06/anselm-kiefer-c-loubet.html
Gerhard Richter
évoque nos mémoires qui s’effacent : « Septembre ».
Quand il s’agit de chercher une nouvelle réalité, Marcel Duchamp est de la partie. Il rompt avec le monde, la créativité, change la valeur de l’art, alors que le nihilisme monte. « L.H.O.O.Q. » L’éphémère mouvement Dada, appelle d’autres mouvements.
La « 
Danse de Saint-Guy » de Francis Picabia parle d’un vide.
Le groupe du Bauhaus renonce à l’enseignement par la copie des maîtres et de la nature ; cette nouvelle école ne jure que par les formes simples et les couleurs primaires, s’abstrayant de la culture. « Berceau » Peter Keler.
En Nouvelle-Zélande après la destruction d’une cathédrale suite à un tremblement de terre, un édifice en carton renforcé prévu pour 50 ans est réalisé par Shiguru Chan.
Les frères Bouroullec mettent en scène la nature «  Module Algues ».
Le
« Fun palace » est resté à l’état de projet, il devait être modulable, évolutif, comme un jeu d’enfants, cependant Beaubourg se rappellera de ces tuyauteries. 
Les exemples de ré enchantement du monde ont connu des fortunes variées.
« Arcosanti »créé par l'architecte italien Paolo Soleri devait recevoir entre 3 000 et 5 000 habitants, sa population actuelle varie entre 70 et 120.
« Auroville »
dessinée par Roger Anger, dans la lignée de Le Corbusier, prévue pour 50 000 habitants en accueille 3000.
La «  Fonction oblique » préconisée par Claude Parent déconstruisait un univers de verticales et horizontales mais à part sa propre maison pour sa fille qui n’avait pas d’oreille interne, aucune autre n’a vu le jour.
« Banquise »
de Mathias Kiss prend la suite : 
« Cette œuvre symbolise la continuité d’un travail sur l’absence d’angle droit. Cette banquise en miroir est une sorte de land art intérieur poétique que j’ai réalisé pour la maison Hermès. »
Les plexiglas de Pierre Brault « Stay Home » sont restés virtuels,
au temps du confinement et de « L’amour au temps du Coronavirus » de C 215,
quand le monde ne devait plus être comme avant.
« La console en ruban de Möbius »
de Pierre Renart est plus originale que les tapis de Stephanie Langard qui cependant ne manque pas d’humour avec ses
« Chaises d’arbitre »  destinées non plus à contempler le monde mais à s’en extirper. 
Pour conclure un exposé où les solutions semblent finalement plus restreintes que les déplorations, un air de Mylène Farmer me trotte alors dans la tête: 
 « Tout est chaos 
A côté 
Tous mes idéaux : des mots 
Abimés... 
Je cherche une âme, qui
Pourra m'aider
Je suis 
D'une génération désenchantée 
Désenchantée » (1991)

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