Comme ceux qui annoncent qu’ils vont être
« brefs » laissant craindre un discours interminable, je m’apprêtais
à écrire : « je ne parlerai pas des retraites » puisque j’en ai
bénéficié à 55 ans, mais quand même…
Puisque un septuagénaire « Insoumis »
professionnel à grande bouche ne se décide pas à passer la main tout en
réclamant la retraite à 60 ans pour les autres, un de ses presque conscrit peut se permettre
de causer aussi.
Me prévalant d’une expérience de syndicaliste, donc de
politique, cet article peut essayer de replacer dans la durée
cette épineuse question.
Il y a trente ans Rocard prônait un allongement de la durée
des cotisations.
Est-il possible de rappeler que l’âge
de la retraite était fixé à 65 ans en 1944, l’espérance de vie de cette époque, quand de vibrantes
évocations du conseil de la Résistance se font entendre?
Les réformes proposées depuis ont fait exploser la CFDT de Maire,
Chérèque, Notat où j’ai milité avec des « coucous » en allés depuis à
Sud. Anciens autogestionnaires devenus gestionnaires, ces leaders étaient de "la
deuxième gauche" qui assurait la crédibilité d’une gauche de gouvernement.
Faure
liquide un PS liquéfié et Berger, qui n’est pas une étoile, suit Martinez lui-même à la
remorque de radicaux décomplexés depuis que les gilets jaunes ont fait craquer
les usages des rituels revendicatifs.
Du temps de Mitterrand, l’espérance de vie était de 70 ans pour les hommes et 79 ans pour les femmes,
en 2023 il a fallu trente ans pour que les hommes rattrapent les femmes qui désormais comptent bien squatter les EPAHD jusqu'à 85 ans;
il y avait 2,8 cotisants pour un retraité, il n’y en aura
plus qu’ 1,2 en 2070.
Est-il cocasse ou dramatique d’entendre des regrets que la
retraite à points ne se fasse pas alors que ces mêmes responsables avaient été
tellement discrets en temps utile,
comme furent silencieux les écolos au moment des
portiques de la taxe-carbone ?
Nous sommes dans une immédiateté affolante favorisée par des
médias qui en accélèrent le cours.
Leur vision dans
l’espace est souvent pertinente en nous comparant avec nos voisins.
Ce qui
laisse d’ailleurs indifférents les militants les moins exposés aux inconvénients
des nouvelles dispositions mais occupant des postes stratégiques pour couper,
paralyser, se faire voir.
Les rares approfondissements venus du temps passé sont lacunaires, sortis des procès
d’intentions qui prêtent les plus noirs desseins aux adversaires: sadiques de droite contre fainéants de gauche.
Pour illustrer les haines persistantes, je trouve dans « Le Monde » un article de
Georges Nivat soulignant « la
nécessité de désigner un ennemi, dont il faudrait triompher », il place Poutine
comme fils de Lénine et de Staline :
« Sur quel ennemi
– « ennemi de classe » comme dans le projet léninien,
« ennemi du peuple » comme dans le projet stalinien, « Ukraine
nazie », comme en février 2022, « Occident dégénéré » comme
aujourd’hui – peu importe ! »
Et je suis toujours épaté de retrouver dans maintes biographies de coachs en agitation, des formations politiques formatrices dont l'efficacité est inversement proportionnelle à leur nombre d'adhérents. Je me garderai de ne pas respecter les distances entre staliniens aux millions de victimes et quelques bureaucrates à rouges posters, pour
évoquer des filiations plus près de chez nous. Les descendants des trotros, des trotskistes
lambertistes se repèrent facilement avec leur goût des coups tordus, des manœuvres de
congrès, leur habileté dans la manipulation, la dissimulation,
l’entrisme : le général FI Tapioca en fut, FO en est plein.
Par ailleurs faut-il que les représentants des travailleurs
de l’éducation nationale soient bien falots pour que France Info en soit à
donner la parole longuement à une représentante de la CGT très minoritaire dans
la profession ? Une écologiste serait-elle la mieux placée pour rendre compte d’un congrès de la FNSEA?
Les adeptes de « la consultation citoyenne »
(pour les autres) sont nombreux, comme si la démocratie ne suffisait plus. Pour aller à contre courant des populistes, il me semble que trop de décisions retardées
depuis longtemps appellent la distance et non la flatterie des émotions
particulières.
Comme je ne sais trier parmi les arguments, tant les
dimensions économiques, existentielles s’entremêlent, j’aurai tendance à sortir
de dessous les cendres une valeur qui fait défaut à notre débat démocratique :
la confiance.
Ce vecteur essentiel en pédagogie peut-il valoir pour nos
responsables garant de l’intérêt général. Une vision prospective ne peut se résoudre à l'addition d’intérêts particuliers, un empilement de régimes spéciaux. Même si mon optimisme cultivé au sein des écoles a pu s'effriter avec le temps, je me réconforte au récit d’une collègue émérite qui prouve que la foi en l'autre
amène le progrès, au moins dans le domaine des apprentissages :
« Quand les
gamins ne comprenaient pas la situation et ne trouvaient pas les réponses, on
cherchait une autre façon. Ce jour là, un petit groupe doit refaire un exercice
mais présenté autrement et parmi eux Yanis, et il réussit très bien, je lui dis :
«- Super Yanis, tu as
vu, tu as réussi ».
Il me regarde et il me
dit :
«- Oui, mais toi tu
savais que j'allais y arriver. »
Nous sommes si loin de cette compréhension, de cette complicité, de cette humanité.
Dans la société française, il semble que la réussite soit
dans l’échec de l’autre, au moment où les Japonais ne veulent pas prendre leur retraite avant ...
70 ans.
En vieillissant, j'ai de plus en plus de questions.
RépondreSupprimerOn n'arrête pas de causer de "confiance", de confiance en soi, et pourtant, je vois la méfiance partout. Très peu de confiance.
Oui, la foi dans l'autre sort des impasses, tout comme la foi en soi.
En ce moment où le monde part en bribes de lambeaux, où "le centre ne peut plus tenir" (c'est comme ça que je le sens), je me dis que je dois m'efforcer de tenir ma parole après engagement. Maintenant, je ne veux plus m'engager à grand chose, et certainement pas à la légère, tellement je trouve que NOUS AVONS PERDU LA FOI dans nos capacités, par exemple, et que ce manque de cohésion nous mine individuellement à un degré que nous avons du mal à réaliser. Mais tenir la parole une fois qu'elle a été donnée. Point. Pour commencer.
Comme... éteindre une lumière quand on n'en a plus besoin. Des choses très élémentaires, qui ne semblent pas très importantes, mais qui m'aident à tenir.
Pour la politique... je m'en fous éperdument. Je trouve qu'elle est morte en ce moment. Je ne sais pas quand elle va revenir à la vie. Peut-être pas pendant la vie qui me reste à vivre.
Ainsi s'épuisent les aspirations universelles, je le crains : dans l'inévitable repli. L'Homme ne peut pas être à la hauteur de ses idéaux, et il se ronge de ne pas y parvenir.
Comment parvenir à se le pardonner ? et à l'accepter ?