Après nous en avoir fait voir de toutes les couleurs, le
conférencier devant les amis du musée de Grenoble achève le cycle consacré au
rouge, bleu, vert, jaune, blanc, par le gris.
Il entame la séance par la monochromie dont Yves Klein
qui a « libéré la peinture de ses lignes » est un représentant évidemment
éminent. « Pure pigment » à la fondation Venet.
Voué au bleu outremer, devenu « IKB »
(International Klein Blue), il cherche l’absolu :
« Le bleu
rappelle tout au plus la mer et le ciel, ce qu'il y a après tout de plus
abstrait dans la nature tangible et visible ». « L'esclave mourant d'après
Michel-Ange »
Avant de décéder à 34 ans, il confie :« Je vais entrer
dans le plus grand atelier du monde. »
Pour son centenaire, Soulages eut après Picasso et Chagall les honneurs du Louvre
dans le salon carré à côté de « La bataille de San Romano »
d’Ucello.Parmi ses 1700 tableaux, où « Le noir est la couleur de la lumière »,
nous en avions vus quelques uns à
Lens
et à Lyon
Rétif aux symboliques, rejetant tout lyrisme, à contre-courant
des efflorescences de couleurs d’après guerre, il a
travaillé dans le registre des origines, quand le charbon de bois laissait une
trace sur les parois préhistoriques.
En dialogue avec Hartung, « Le pacte du noir » , il sait bien parler de son art :
«Je ne dépeins pas, je
peins, je ne représente pas, je présente.»
Il réalise 104 vitraux à « l'abbatiale de Sainte-Foy de
Conques ». Le noir est lié depuis la Bible aux ténèbres, au péché :
le chat au pied de « L’Olympia » de Manet, une « grande horizontale »,
est tout le contraire du chien fidèle.C’est la couleur du deuil, Bouguereau « Le jour des morts »
L’« Etude pour le radeau de la Méduse »
de Géricault
prépare la présence forte du personnage foncé au sommet de la pyramide de
l’espoir. Jadis « niger »
désignait le noir brillant, le plus prestigieux, comme il l’est en Afrique,
frotté d’huile,et « ater » (d’où « atrabilaire »
et sa bile noire) le noir mat.Dans les pays orientaux, les caucasiennes étaient des
esclaves particulièrement recherchées, mais pas toujours esclaves. « Le
Massage. Scène de hammam. » Edouard
Debat-Ponsan. Alors que le drapeau de l’anarchie a concurrencé le drapeau
rouge, le noir a convenu aussi aux uniformes d’extrême droite. L’austérité du
sombre convenait bien aux protestants « Portrait de Martin Luther »
par
Lucas Cranach l’Ancien. « Charles Quint » (Le Titien)
a adopté le noir de la vertu et du pouvoir, devenu celui du luxe discret :
« La petite robe noire ».
« La petite robe noire ».
Alors que les prêtres étaient de noir vêtus, les évêques
portent du violet. Comme la fleur violette,
ou « L’améthyste », elle
ne recueille pas beaucoup de suffrages, signe du carême, de la vieillesse, du
demi-deuil, Pál Szinyei Merse
« Dame en violet ».L’orangé, demi-couleur également présente dans la
nature, est nommé depuis le 14° siècle quand sont importés des orangers. Francesco Zurbaran, « Nature
morte aux oranges ».Le rose, dit auparavant incarnat, comme « incarnation »,
était la couleur de la chair, celle de la douceur, de la tendresse, celle de Boucher
« Le triomphe de
Vénus », mais
aussi de la mièvrerie, « à l’eau de rose » et de la stigmatisation de
l’homosexualité. « Le triangle rose »« Henri IV en Dieu
Mars » par le maniériste Jacob Bunel
reste dans les tons intermédiaires
évitant les couleurs franches.Couleur la plus basse, foisonnant dans la nature, le marron associé à la saleté a supplanté le brun,
celui du pelage de l’ours et des brutales chemises. Peint par Giotto
« Saint François
d'Assise recevant les stigmates » dans son humble robe de bure a choisi la
pauvreté. « Les
couleurs sont les touches d'un clavier,
les yeux sont les marteaux, et l'âme est
le piano lui-même, aux cordes nombreuses, qui entrent en vibration. »
disait Vassily Kandinsky comme
l’exprime aussi sa « Rue principale de Murnau ».Pour lui, le gris « tend vers le désespoir lorsqu’il
devient foncé et retrouve un peu d’espoir en s’éclaircissant. », il
fait chanter « Plusieurs cercles ». Gris du béton, de la tristesse mais aussi de la matière
grise.Mark
Rothko a peint « Black
on gray » peu avant de se suicider.
« A noir, E
blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles, » Arthur Rimbaud
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles, » Arthur Rimbaud
Comme quoi, plus contrariante que moi, il existe bel et bien... Voilà pourquoi je ne regarde plus la peinture contemporaine, quasiment, en dehors des tableaux des... amateurs, où quelque chose de la mission sacrée ? de l'art perdure pour nous, humains. Les professionnels ? je les laisse courir à leur perte. Dans l'ensemble, l'obligation qu'ils ressentent à être toujours... nouveau les éloigne de moi. L'impératif d'être nouveau est un sérieux esclavage à mes yeux.
RépondreSupprimer"Témoins de Jehovah", on dit. "Jehovah" est plus ou moins la traduction du "Yahvé" de l'Ancien Testament, qui est le Tétragramme, où le nom imprononçable de Dieu. Le nom qu'on ne doit ni écrire, ni prononcé, par hantise de figer la vie dans son mouvement, comme les productions symboliques de l'Homme ont tendance à faire. D'après moi, en tout cas. Mais l'interdiction n'est pas de moi...elle remonte dans la nuit des temps.
Pour le noir, le fait qu'il s'agisse d'une absence de lumière (pour nos pauvres yeux qui veulent tout contrôler, tout maîtriser, tout... voir), c'est une détermination forte, de mon point de vue. Et pas heureuse.
Mais à qui a jamais essayé de dormir dans la lumière, il est évident que le noir a du bon. Il faut demander aux détenus qui dorment en pleine lumière ce qu'ils en pensent.