jeudi 5 novembre 2015

Gustave Courbet. Serge Legat.

Dans le triptyque du cycle qui s’ouvre devant les amis du musée, consacré aux scandales de la modernité, le communard arrive en premier.
Si certains de ses tapages autour de sa peinture ne sont pas intentionnels, de la part de l’artiste reconnu qu’il était, ses engagements politiques sont décisifs.
Artisan de la rupture dans l’histoire de l’art, il ne peut être considéré comme un père de la modernité. Même pas refusé au salon de 1863 ! Monnet le fut.
Il a connu beaucoup de critiques mais ses mécènes lui furent fidèles, ainsi le demi-frère de  Napoléon III, le duc de Morny,
L’ « Autoportrait au chien noir »  au cadrage « sotto in sù » (de dessous vers le haut) traduit une personnalité sûre de sa valeur qui lui vaudra souvent d’être représenté avec une grosse tête sous les crayons des caricaturistes. Cheveux bohèmes et vêtements élégants, sa carrière commence sous les meilleurs auspices.
Quand il se peint en « Violoncelliste » les critiques évoquent des souvenirs du Caravage et de Rembrandt, de Vélasquez et de Murillo.
Son « Désespéré » est peut être surjoué,
alors que le tableau de « L’homme blessé » qu’il ne voulut jamais vendre, exprime un désespoir plus authentique. Virginie, sa bien aimée dont il eut un garçon, mariée à un autre, a été effacée de la toile : la  douce sieste initiale a tourné à une souffrance héroïsée.
Avec un « Après-dînée à Ornans», il se montre fidèle à ses amis de cette région natale du Doubs dont il peindra de nombreux paysages.
Son père y figure de même que dans « Les paysans de Flagey revenant de la foire ». Ce monde paysan sérieux et digne, comme les frères Le Nain le montrèrent, est ici monumental. Certains critiques n’hésitent pas à parler d’« un culte rendu à la laideur ». Berlioz qui lui commanda un portrait, le refusa, le génie inspiré ne transparaissait peut être pas assez.
Le terme de « laideur » fut aussi employé pour le colossal « tableau de figures humaines », un « Enterrement à Ornans » au format réservé jusque là à la peinture d’histoire tel « Le couronnement de Napoléon » de David qu’on n’attendrait pas forcément en cette compagnie si le conférencier Serge Legat ne les avait mis en parallèle. Courbet s’est opposé à l’enseignement dispensé aux beaux arts comme David avait lutté pour la suppression des académies.
« Les Demoiselles de village » faisant l’aumône à une petite vachère sont charmantes, ce sont les trois sœurs de celui qui disait « Pour peindre un pays, il faut le connaître ».
Pourtant se déchainera à nouveau le mépris parisien qui estime qu’elles ne méritent que la dénomination « filles » puisqu’elles sont de la campagne !
Sa palette se nuance après son séjour à Montpellier à l’invitation de l’industriel Alfred Bruyas qui accueille l’artiste dans « Bonjour Monsieur Courbet » ,titre désormais attribué.
Si «L’atelier du peintre » ne figure pas à l’exposition universelle, onze de ses tableaux y sont accrochés. Il voulait traduire une « Allégorie réelle déterminant une phase de sept années de ma vie artistique » Le peintre est en position centrale avec sa muse aux pieds cachés soulignant  l’intention de ne rien dévoiler des procédés de l’artiste. D’un côté, ses amis : Baudelaire, Proudhon, Champfleury  qui « vivent de la vie » alors qu’en face « ceux qui vivent de la mort » : le braconnier dont les traits doivent à Napoléon III  et parmi tant d’autres fâcheux, un juif ; l’antisémitisme sévissait aussi à l’extrême gauche.
« Les Demoiselles des bords de la Seine » sont peut être « de mauvaise vie », elles furent reprises par Picasso.
Elles répondent à celles du village et « les baigneuses » dont « une percheronne » dixit Eugénie, femme de l’empereur, jouent à « noli me tangere » (ne me touche pas.)
Pour la collection privée du diplomate turco égyptien Khalil-Bey, il peint «  Le Sommeil »  aux deux beautés féminines enlacées
et l’ « Origine du monde » qui n’apparaitra que derrière un rideau  quand elle fut acquise par Lacan.
Bien qu’ayant baptisé un lieu de ses expositions « pavillon du réalisme » il ne veut pas se laisser embrigader derrière des étiquettes :
« Le titre de réaliste m'a été imposé comme on a imposé aux hommes de 1830 le titre de romantiques. Les titres en aucun temps n'ont donné une idée juste de choses : s'il en était autrement les œuvres seraient superflues. » 
Après la commune, il est emprisonné en 1871, il se rajeunit  dans un « Portrait de l'artiste à Sainte Pélagie » et ne pouvant acquitter l’amende considérable dont il a écopé pour la mise à bas de la colonne Vendôme, il s’exile en Suisse.
« La Truite »  à l’agonie c’est lui, comme « Le renard dans la neige »
et « La vague » ?
Sa sœur Zoé disait :
«Tous ses sujets sont des autoportraits » 
 Le goudron qui entrait dans la composition de ses fonds remonte et tend à assombrir ses œuvres.

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