samedi 18 septembre 2021

La familia grande. Camille Kouchner.

Une fois la clameur médiatique éloignée qui a suscité la libération de la parole d’autres personnes aux lourds secrets et permis à la loi d’avancer, il serait dommage que ce témoignage soit réduit à un succès de librairie: il s’agit, à mes yeux, d’une œuvre puissante.
La construction habile, l’écriture sobre et efficace de la quadragénaire, nous assurent de l’honnêteté du propos qui va bien au-delà du récit pudique de l’inceste perpétré par le célèbre constitutionnaliste Olivier Duhamel. 
« C’est mal tu crois ? Ben non, je ne crois pas. Puisque c’est lui, c’est forcément rien. Il nous apprend c’est tout. On n’est pas des coincés. » 
La Liberté et l’Amour sont questionnés et la loyauté, la culpabilité.
Entre deux séquences de vie rêvée au soleil des vacances, à Sanary, où les amis de La familia grande se regroupent, la mort scande la vie de familles privilégiées : 
deux grands parents suicidés, 
la tante Marie-France Pisier, l’actrice, morte noyée, 
fâchée avec sa sœur professeur de droit, ex-femme de Bernard Kouchner et personnage central du livre dont la fille Camille a attendu le décès pour témoigner. 
La féministe dysfonctionnelle n’a pas protégé ses enfants. 
« Certains diront que tu fais partie de cette “génération”- là.
Moi, je crois surtout que tu fais partie de ces “gens”- là » 
Loin des lieux de pouvoirs et des conforts de cette gauche dont les luttes du côté de l’Amérique latine sonnent comme du folklore, et bien loin de ses ivresses, je cours après les témoignages des enfants qui causent de leurs pères et beaux pères rêveurs d’un autre monde.
Amère est parfois la potion, alors on peut se mettre à aimer l’amertume. 
La littérature aide aux guérisons: Camillou avait appris à réciter du Musset : 
« Quand ton illusion n'aurait duré qu'un jour,
N'outrage pas ce jour lorsque tu parles d'elle »

 

1 commentaire:

  1. Au mois de novembre, je vais assister à un colloque de 3 jours à Lyon autour du thème de la "res publica", à ne pas confondre avec le mot qui est français, mais qui est postérieur à cette expression latine vraiment... très flou, mais fondatrice pour la civilisation de Rome.
    Ce colloque prend pour point de départ le livre de Claudia Moatti, "Res publica, Histoire romaine de la chose publique", un livre qui prétend plus ou moins rompre avec une certaine tradition dans la manière d'envisager l'histoire de Rome en la regardant en arrière depuis ce que NOUS avons fait avec le mot "république". Mme Moatti envisage de suivre l'évolution de l'expression in situ, dans les textes, se débattant avec les évènements au moment où ils se produisent et infléchissent.. l'évolution de l'expression.
    On pourra me dire, "mais quel rapport avec le livre de Camille Kouchner ?", et on pourra me dire qu'il n'y a aucun rapport directe ou évident, sauf que...
    Le livre de Camille Kouchner fait partie de la... chose publique, en mettant sur la place publique certaines choses ? que par le passé, on a été amené à garder secret, en ne les mettant pas sur la place publique. Encore maintenant, si je parle de moi, ici, ou là, on me reprochera... de parler de mon intimité, comme s'il y avait bel et bien toujours des interdits autour de ce qu'on peut... PUBLIER, où on les publie, etc.
    Tout ceci me semble très important à l'heure actuelle, dans la mesure où il me semble que la vie humaine nécessite de coordonner des espaces différents, des espaces où on peut dire certaines choses, mais pas d'autres.
    Question... peut-on, doit-on pouvoir tout dire.. partout ? A quel prix ? Est-ce que le fait d'enlever les frontières... de la parole, et non pas les gestes barrières, nous apporte invariablement plus de liberté, sans contrepartie, et sans inconvénient ? Est-ce que le fait d'enlever certaines barrières, dans certains endroits, est une garantie que ces barrières ne vont pas se reconstituer... ailleurs, dans d'autres endroits ? Je me contente de poser ces questions, qui sont celles de la... res publica.

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