Prendre le nom que lui avait accordé Roger Vaillant dans son
livre « Drôle de jeu », comme titre de cet
imposant témoignage historique, insiste sur la dimension romanesque du destin
de Daniel Cordier qui porta bien d’autres noms.
Engagé à 18 ans dans la France libre, il faut bien 1144
pages pour décrire l’évolution personnelle qui mène le jeune admirateur de
Maurras au secrétariat de Jean Moulin, et à travers les péripéties vécues parmi
les membres éminents de la résistance, mesurer à quoi tient le destin d’une
nation.
En entendant en juin 40 Pétain demander de cesser le
combat, l’indignation du jeune homme va le conduire vers des responsabilités
énormes telles que les portaient les révolutionnaires de 89 :
« Les boches seront
impuissants si quarante millions de français se lèvent contre eux. Il faut
soulever le pays d’une fureur sacrée, l’organiser et combattre. »
Les termes employés sont obsolètes et les restituer ainsi
ajoute à la sincérité du récit :
« Ma patrie, l’orgueil
de ma vie, la gloire de l’univers, désignée par Dieu pour défendre sa foi, pour
répandre la civilisation, modèle du genre humain… »
Il ne reverra pas sa famille, une fois revenu en France
après sa formation en Angleterre,
clandestin exilé dans son propre pays.
« Je contrôle
tous les courriers, la liaison avec Lyon (il est alors à Paris), les transmissions avec Londres, les codes
et surtout, le magot. »
Si l’on peut se perdre dans la profusion des personnages
rencontrés aux identités masquées, des permanences de comportements politiques
ont traversé le siècle :
« Le
trotskisme : Un militant c’est un parti ; deux : un
congrès ; trois : une scission »
Et si les stratégies des mouvements politiques peuvent
sembler dérisoires en ces heures qui ne paraissaient sombres qu’à une minorité,
elles préparaient la Libération, ce ne fut pas facile. Moulin qu’il ne connut
alors que sous le pseudo de Rex disait :
« Les français
ne changeront jamais ! Même dans les situations désespérées, ils sont
incapables de s’unir. Les Allemands sont à Marseille, Pétain à Vichy, Giraud à
Alger, De Gaulle banni à Londres, et les mouvements se comportent comme si nous
avions déjà gagné pour établir leur pouvoir »
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