mercredi 20 mars 2024

Fli. Soria Rem Mehdi Ouachek.

Né dans les années 70, le hip hop arrive encore à me paraître nouveau et ses figures m’époustouflent surtout quand elles se coordonnent parfaitement avec sept excellents danseurs.
Mais malgré quelques séquences magnifiques, intenses, le scénariste  a retenu seulement le burlesque d’un clown triste évoquant le Bip du mime Marceau, plutôt que des ambitions circassiennes acrobatiques.
«  J’ai toujours voulu être un oiseau » figure dans la note d’intention, mais sur la piste d’envol on en a vu d’autres, tellement plus grandioses, bien que quelques séquences remarquables depuis le sol, terrain privilégié des danseurs, soient émouvantes.
Des enfants rient et certains ont été sensibles à la poésie mélancolique du personnage solitaire qui se prend et reprend des baffes avec son bouquet de fleurs de la part de femmes abordées bien maladroitement, sans réplique possible, sinon malaise.

mardi 19 mars 2024

Un général, des généraux. Boucq & Juncker.

En 1958, la quatrième République n'arrivait pas à régler la crise algérienne, alors advint la cinquième avec le général De Gaulle en recours.
L’ajout d’un historien au bout des 138 pages illustrées n’est pas de trop pour comprendre les enjeux et réviser utilement un de ces moments où la démocratie est bousculée.
Le choix de la caricature bien dans l’air du temps railleur réjouit sûrement des lecteurs, avec des scènes grotesques tout à fait crédibles et quelques dialogues sans filtre.
De Gaulle : « Alors Massu, toujours aussi con ? »
« Toujours gaulliste, mon général ! » 
Mais quel besoin d’accentuer les traits de personnages essentiellement ridicules, alors qu’ils ont joué un rôle majeur dans l’histoire ? Le général de Gaulle en robe de chambre ou promenant son chien se soulageant sur la pelouse tourne au vaudeville de mauvais goût même pas potache, mais plutôt digne de l’école primaire quand la maîtresse se retrouvait en maillot de bain.
« De Gaulle à la plage » carrément plus drôle, ne laissait pas cette impression troublante.
Les bouffons gouverneraient ou auraient gouverné, alors les comiques font la leçon : le tragique devenu saugrenu a disparu sous les sarcasmes.

lundi 18 mars 2024

Bye Bye Tibériade. Lina Soualem.

La jeune documentariste met en scène une chronique familiale autour de sa mère Hiam Abbass actrice à la forte personnalité 
et se rappelle de trois générations de ses ancêtres arabes en Israël, du côté des frontières du Liban et de la Syrie.
Des images d’archives historiques ou familiales documentent cette heure et demie depuis 1948, date de l’exode des palestiniens (naqba) dont les douleurs se perpétuent. 
La tonalité nostalgique, la mise en évidence du courage de ces femmes, les rires des sœurs évitent le film à thèse. Il s’agit davantage d’une recherche que d’une démonstration structurée où la poésie, la musique adoucissent les traits rudes. 
Des scènes de souvenirs se rejouent sans prendre la pose, mais à l’image de photographies rassemblées sur un mur, nous ne saisissons parfois que des silhouettes. 
Les  destins individuels se diluent dans l’arrière-plan historique pourtant discret se rappelant à nos mauvaises consciences indulgentes envers ce genre de témoignage.

samedi 16 mars 2024

Misericordia. Lidia Jorge.

La vieille dame portugaise avec laquelle j’ai eu rendez-vous plusieurs soirs de suite racontait sa vie dans une maison de retraite « Hôtel Paradis», elle m’a passionné.
Dona Maria Alberta Amado dite Alberti  bataille contre la nuit : 
«… et pour la première fois, elle s’est avancée vers moi sans poser de questions et a assis son corps poilu et difforme sur mon corps ». 
Son regard singulier, « ironique et aimable », sur les résidents et les personnes qui l’accompagnent est un bienfait. 
« Ma vie est devenue riche parce que je vis la richesse de ceux qui s’approchent, bien que parfois leurs vies soient aussi tristes. Mais la richesse et la tristesse vont même parfois ensemble. Pour ma part, je suis occupée par leurs vies et c’est comme si je les lisais dans un livre. » 
L’humour permet de surmonter les défaites du corps alors que l’humanité se retrouve dans cet établissement où la tendresse croise indifférence, générosité, mesquinerie. Des larcins ont eu lieu mais aussi un feu d’artifice, des lectures et de la musique. 
« La cucaracha » (le cafard). 
Des évènements anodins peuvent prendre une place démesurée alors que la pandémie mondiale vient frapper aux portes closes. 
« Parce que les journaux ne révèlent jamais la fin des tragédies, ils se bornent à les annoncer et à les décrire sous leurs couleurs les plus sombres, ai-je ajouté. Ils sont le portrait permanent du désordre sans ordre en vue. Alors j'ai décidé, par moi-même, de mettre fin à cet effondrement, en l'ignorant. Puisque je ne peux pas combattre ces tristes réalités, je renonce à les connaître. » 
Elle aime passionnément sa fille qui a effectué une « transcription infidèle » de 38 heures d’enregistrement audio, mais  tout aussi littéraire qu’elle, ne se dispense pas de la réprimander. 
« Pour ma fille, le maximum qu’elle puisse faire c’est d’être la maîtresse de l’Univers.
Donc moi, je ne suis rien, je suis auprès des choses primitives telles que les herbes et les fleurs de coton, néanmoins je vis parce que je continue d’observer le changement. » 
Au bout des 415 pages à la question « qu’est-ce que l’au-delà ? » 
La réponse est toute trouvée :« L’au-delà est un livre […] Un livre qui n’a pas de fin… »
Un livre très recommandable.

vendredi 15 mars 2024

Dodo.

Il parait qu’à la recherche de lecteurs perdus, « Le Nouvel Observateur » devenu «  L’Obs » reprendrait son ancien titre, quant à  moi actif désactivé, je persiste à jouer l’ancien observateur.
Les violentes pressions paysannes des semaines passées retardent les évolutions tendant à préserver l’environnement, mais il faudra faire avec : est-ce le peuple tant évoqué lorsqu’il était vêtu d’un gilet jaune qui a parlé ? « La Coordination Rurale » était-elle intersectionnelle?Les agriculteurs ont mis des points sur les « i » des inégalités chez ceux qui travaillent la terre, si loin des chercheur.e.s de poils sur les œufs, avec leurs points avant les « e ».
Il faudra essayer de comprendre l’opprobre massif à l’égard des écologistes entrainant le mépris de l’écologie. Une Sandrine Rousseau absorbée par les médias tournant aux clashs et friands de caricatures, dessert les verts. Ses excès excitent et contrarient les pragmatiques qui voudraient faire admettre la nécessité de la préservation de la bio diversité. Pour ce qui est de leur refus de débattre avec l’extrême droite, au-delà de leur faiblesse tactique, ils se conforment à une image d’intolérance préfèrant la soupe sur les tableaux à la contradiction. « Le monde change » a été conjugué à tous les temps.
Nous assistons aux soubresauts du passage de l’agriculture familiale à l’agro industrie.
Alors que la consommation de produits bio s’effondre, l’agro écologie peut-elle convaincre ?
Il y a 25 ans, Braudel, historien du temps long, relevait dans «  L’Identité de la France »: 
« Comme me le disait plaisamment mais finement un de mes amis, fils de paysans, né en 1899 : « Nous ne manquions de rien, sauf d’argent… ». 
Le soja pour nos vaches vient du Brésil, les carburants pour les tracteurs John Deere du Golfe, les engrais de Russie, les pesticides d’Allemagne et de Chine, les datas des GAFAM US…
Les postures nationalistes, protectionnistes sont des impostures : les tomates débarquent du Maroc et en Espagne ce sont des Marocains qui les ont ramassées. Nous consommons plus d’ananas que de poires…
Est-ce qu’il y a un loup pour qu’arrivent massivement des moutons depuis les antipodes ?
Nos saumons, nos mangues et avocats, nos chocolats ne sont pas tricolores, et si peu nos poulets, mais nous abreuvons le monde de nos champagnes : so french, le luxe!   
Du bas de laine privé effiloché à la dette publique qui file, les contes finissent par compter.
Il n’y a pas que les paysans obéissants à des injonctions contradictoires : le bon sens emprunte les sens interdits, les paradoxes obèses se nourrissent de contradictions.
Les notions de cohérence se pulvérisent quand la surpopulation mondiale cause essentielle de l’épuisement de la planète ne peut se résoudre dans l’absurdité d’un coitus interruptus généralisé.
Ceux qui ont tout, ne voient pas d’un mauvais œil l’effritement de la croissance économique, voire une décroissance. Si bien que les anecdotiques enfants de « No futur », ne veulent plus d’enfants, ils expriment la dépression des fins de race, d’une civilisation à bout de souffle puisque le désir de se reproduire a disparu, stade ultime de l’individu s’endormant sans risque d'être réveillé par des pleurs d’enfants. 
Le temps de sommeil diminue et les dodos ont disparu depuis la fin du XVIIᵉ siècle. 
« Souffrant d'insomnie, j'échangerais un matelas de plumes contre un sommeil de plomb. » Pierre Dac

jeudi 14 mars 2024

Les pastellistes au XVIII° siècle. Fabrice Conan.

Les poudres du pastel conviennent parfaitement à la représentation biblique de « l’homme qui n’est que poussière » comme le rappelait Diderot, cité par le conférencier devant les amis du musée de Grenoble. Pietro Antonio Rotari : « Jeune fille à l’éventail ».  
« Au moment où l’expression de l’intime, des sensibilités et de la psychologie entre dans l’art du portrait de façon déterminante, le grain saisissant du pastel, ses poudres, le fondu des traits et le moelleux de la matière sont un atout. »
Dans le « Portrait de Monsieur Quatrehomme du Lys » cet intellectuel peint Charles le Brun, le corps ne commande pas la tête.

Le cadrage serré par Robert Nanteuil de l’évêque de Riez puis d’Autun, 
« Louis Doni d'Attichy »  constitue un travail préparatoire pour une gravure. 
Les traits du visage sont essentiels, les yeux nous dévisagent.

« Louis XV » a 19 ans, François Lemoyne, le saisit en contre-plongée sans perruque. 
Son regard échappe au spectateur

comme le « Portrait d’un homme » de Joseph Vivien, dans des tonalités sourdes 
dont la couleur bleue souvent utilisée révèle la délicatesse de la peau.

Dans son « Autoportrait » le geste de Charles Antoine Coypel s'ouvre vers le public. 
Des collages soignés permettaient de plus  grands formats et le papier devait être préparé pour que le pastel morde et ne perde pas trop d’éclat sous la lumière trop vive du soleil.

Maurice Quentin De La Tour rend hommage à son professeur « Louis de Silvestre »
avec précision et dynamisme.

Il admirait Rosalba Giovanna Carriera, la vénitienne, recherchée par le Tout-Paris, 
et reçue à l‘académie de peinture de Paris.

 Elle a réalisé le « Portrait de James Gray ».
William Hoare de Bath
saisit la belle allure de  Henry Hoare « Henry the Magnificent » banquier mécène aménageur des jardins de Stourhead, à l’anglaise.
Jean
-Baptiste Perronneau va chercher ses sujets hors des cercles parisiens où règne De La Tour.  Son « Théophile Van Robais » industriel du Nord porte une perruque à rouleaux, appelés marteaux
et « Charles-Francois Pinceloup de la Grange » prend bien la lumière.

John Russell ne brosse pas les épaules de « George de Ligne Gregory » 
couvertes de poudre.

Le suisse Jean-Étienne Liotard, après un séjour à Constantinople, aimait se présenter comme peintre turc quand la Turquie était à la mode.
Son « Portrait de Marie-Frédérique van Reede-Athlone » âgée de sept ans a conservé ses nuances vibrantes.
Les couleurs de
« Charles Benjamin de Langes de Montmirail, Baron de Lubières » viennent de dessous.
« La chanteuse Louise Jacquet » nous interpelle
et « Lord Stuart » en pied joue sur toutes les faces.

Dans le « Portrait de Joseph et John Gulston » de Francis Cotes
l’admiration circule et  la volonté dynastique, la propriété s’inscrit dans le paysage.»

Si les portraits sont inhérents au pastel, Cornelis Troost aime illustrer des proverbes, des expressions hollandaises et autres scène théâtrales: 
« Arlequin, magicien et coiffeur: les rivaux exposés »

« Chanter autour de l'étoile lors de la Nuit des rois » ou dans une série les personnages évoluent au gré de leur ébriété :

« Ceux qui le pouvaient, marchèrent, ceux qui ne le pouvaient pas, tombèrent. » 
Mais quand le brillant pastelliste se représente c’est avec la palette du peintre. 
« La vie était couleur pastel, celle des bonbons de l'enfance» David Foenkinos

mercredi 13 mars 2024

Ode. Stephan Eicher.

Ma fidélité à Eicher n’est pas déroutée par les recherches qu’il continue à nous faire partager
sous une forme qui respecte à la lettre la définition d’ode : 
« Poème lyrique destiné à être accompagné de musique »
Les textes de Djian ne disparaissent pas sous les rythmes entrainants, ils gagnent en punch. 
Et il en faut pour sortir du confinement : 
« Sans contact 
Enfermés dans nos sacs
 A moitié fous 
Nous manquions de tout »
 Heureusement la musique est là, dans «  Le plus léger au monde » : 
«  Ils chantent : « nevermind the darkness 
Baby, you will be save by the rock’n’roll » 
que même avec mon anglais, je comprends 
mais pour « Lieblingsläbe » une traduction n’aurait pas été du luxe.
« Ne me dites pas non pt2 » 
« Pour baiser votre cou 
J’ai écrit des chansons » 
Mais du coup, il se défend, dans un autre morceau : 
« C’est pas moi qui serre »« Autour de ton cou ». 
« Doux dos » a beau bien sonner tel « dadoux ronron » : 
« Ne me dis pas qu’on avance 
Quand tout s’effondre autour de nous » 
«  A nos cœurs solitaires » ne se fait pas d’illusions,et même la sincérité semble vaine :  
«  Je te mentirai disant ». 
La « Rêverie » de l’autre est inaccessible : 
«Tes yeux sont ouverts 
Ta bouche est fermée » 
La poésie offre une « Eclaircie »: 
«  Je peux voir les nuages 
Qui filent vers l’horizon 
Cinglant au passage 
Les murs de nos prisons 
Leurs cavaleries sont fortes
 Elles prennent leurs positions »
 Dans le désarroi : « Où sont les clefs ? » 
« Acceptons l’histoire 
Qui nous réunit  
Si c’est quelque part 
ça sera ici » 
même si : 
« Sens-tu venir « L’orage » 
Les nuées dans le ciel » … 
« Regarde ce paysage
 Sa beauté sa laideur » 
Je vois le monde comme ça.