La vieille dame portugaise avec laquelle j’ai eu rendez-vous
plusieurs soirs de suite racontait sa vie dans une maison de retraite « Hôtel
Paradis», elle m’a passionné.
Dona Maria Alberta Amado dite Alberti bataille contre la nuit :
«… et pour la
première fois, elle s’est avancée vers moi sans poser de questions et a assis
son corps poilu et difforme sur mon corps ».
Son regard singulier, « ironique
et aimable », sur les résidents et les personnes qui l’accompagnent
est un bienfait.
« Ma vie est devenue
riche parce que je vis la richesse de ceux qui s’approchent, bien que parfois
leurs vies soient aussi tristes. Mais la richesse et la tristesse vont même
parfois ensemble. Pour ma part, je suis occupée par leurs vies et c’est comme
si je les lisais dans un livre. »
L’humour permet de surmonter les défaites du corps alors que
l’humanité se retrouve dans cet établissement où la tendresse croise
indifférence, générosité, mesquinerie. Des larcins ont eu lieu mais aussi un
feu d’artifice, des lectures et de la musique.
« La cucaracha »
(le cafard).
Des évènements anodins peuvent prendre une place démesurée alors
que la pandémie mondiale vient frapper aux portes closes.
« Parce que les
journaux ne révèlent jamais la fin des tragédies, ils se bornent à les annoncer
et à les décrire sous leurs couleurs les plus sombres, ai-je ajouté. Ils sont
le portrait permanent du désordre sans ordre en vue. Alors j'ai décidé, par
moi-même, de mettre fin à cet effondrement, en l'ignorant. Puisque je ne peux
pas combattre ces tristes réalités, je renonce à les connaître. »
Elle aime passionnément sa fille qui a effectué une « transcription infidèle » de 38
heures d’enregistrement audio, mais tout
aussi littéraire qu’elle, ne se dispense pas de la réprimander.
« Pour ma fille,
le maximum qu’elle puisse faire c’est d’être la maîtresse de l’Univers.
Donc moi, je ne suis
rien, je suis auprès des choses primitives telles que les herbes et les fleurs
de coton, néanmoins je vis parce que je continue d’observer le
changement. »
Au bout des 415 pages à la question « qu’est-ce que
l’au-delà ? »
La réponse est toute trouvée :« L’au-delà est
un livre […] Un livre qui n’a pas de fin… »
Un livre très recommandable.
L'idée est très intéressante. Moi aussi, même sans être en maison de retraite, j'ai renoncé à écouter les... MAUVAISES NOUVELLES. Je ne peux que me demander comment nous sommes collectivement (et individuellement...) passés de la BONNE NOUVELLE (on peut mettre beaucoup de choses derrière, tout de même...) aux MAUVAISES NOUVELLES. Aux nouvelles qui sont obligatoirement, forcément mauvaises. Ce n'est pas un hasard. Dans ce registre là, il n'y a pas de hasards. Ailleurs, oui, mais pas dans ce registre là.
RépondreSupprimerJe disais dernièrement qu'un des problèmes de notre modernité, c'est que nous avons détruit la littérature comme littérature, dans l'ensemble. Il y a si peu d'auteurs littéraires (c'est presque un insulte pour la modernité, d'ailleurs), car ils aspirent plutôt à être des auteurs de journalisme. La prose littéraire s'est effondrée au profit de la prose journalistique, probablement pour mettre l'écrit à la portée de tout le monde. La fichue aspiration de démocratie pour tous qui pointe, là. L'idéal ras les pâquerettes de l'accessibilité pour tous.
Hier soir, j'ai eu une petite pensée pour tous les maux que la pulsion démocratique nous a apportés, qu'elle nous apporte encore, et Bossuet m'est venu en tête. De mémoire : "Dieu rit des hommes qui déplorent les maux (effets) dont ils chérissent les causes." Amen. Et on n'est même pas encore le weekend de Pâques...