« Le burkini est un non-sujet
» a dit le maire de Grenoble qui venait de lancer le sujet. Malheureusement,
Eric Piolle n’a pas été admis en propédeutique présidentielle, on aurait eu des occasions de rire. A l’heure où les femmes afghanes doivent à nouveau se
recouvrir de la burqua, les dames du monde attendraient d’autres signes venus
de France que cette remise sur le tapis d’un motif de division dans notre société.
Si les argumentations concernant l’hygiène me semblent avoir
vocation à détourner le regard, le ton monte cependant.
Poutine dit combattre les nazis et son Peuple le croit.
A un autre niveau mais dans la même perversion des mots, les contestataires de la démocratie chérissent
les appellations qui désignent nos valeurs pour les retourner.
Après le foulard, les militantes de l’ « alliance »
dite « citoyenne » revêtent
une cuirasse de bain en polyamide et comptent bien faire des émules.
Au nom de la laïcité,
l’invisibilisation des femmes se multiplierait aussi à la piscine.
Au nom de la liberté,
seins découverts ou très couverts seraient mis sous les mêmes regards.
Quand au nom de la décence,
une mèche mettrait en émoi le moindre mâle, d’avoir à faire trempette au milieu
de femmes-grenouilles peut contrarier l’amateur qui préfère les cuisses batraciennes bien farinées. Quelques tétons
insolents pourraient par ailleurs choquer celui qui cultive ses poils au menton
tout en réprouvant leur apparition au dessus du front de sa moitié.
L’invocation de l’égalité homme-femme de la part des activistes qui ont imposé leur
revendication à l’ordre du jour du conseil de la ville de Grenoble est cocasse.
De la même façon que le fait d’être un homme interdirait d’avoir
un avis sur la question :
« A chaque fois,
ce sont des hommes qui disent aux femmes comment elles doivent s'habiller.
N'est-ce un peu patriarcal ? » faisait remarquer un intervieweur
de FR3 à Henri Touati, créateur du festival des Arts du Récits, un des initiateurs
de la pétition anti-burkini.
Le même animateur a-t-il reproché son genre au si peu responsable
de la municipalité auteur d’un non-sujet ? Le stratège du Boulevard Jean
Pain pensait gagner des voix, ce n’est pas forcément dans la poche.
D’autre part, la woke attitude se serait-elle emparée de l’antenne
régionale ou simplement l’inculture et la couardise gagneraient-elles du terrain ?
On ne va pas s’interdire de causer des femmes parce qu’on est homme et réciproquement,
de la jeunesse parce qu’on est vieux et inversement, de l’Afrique parce qu’on
est blanc et vice-versa, ni des journalistes parce qu’on n’est qu’un
spectateur.
La laïcité était le marqueur de la distinction droite/gauche
du temps de Peppone et Don Camillo. Maintenant que tout est brouillé, le plus piètre des arguments renvoie du côté des suppôts de Vauquiez, si est cité l’un des grands
principes de la République :
« chacun est
libre de croire en un dieu ou plusieurs, de ne pas croire, de changer de
religion, d’adopter ou d’abandonner une religion. »
Ce qui se joue sur les gradins de la piscine Jean Bron, c’est
le conformisme et non pas la douce cohabitation du biquini et du burkini.
« 1,2,3 elle a peur de
montrer, quoi ?
Son petit itsi bitsi teenie weenie tout petit petit bikini
Qu'elle mettait pour la première fois
Un itsi bitsi teenie weenie tout petit petit bikini
Un bikini rouge et jaune à p'tits pois » Dalida.
Dessin de "Courrier International"