dimanche 10 mai 2020

Le portrait de Dorian Gray. Thomas Le Douarec.

La pièce adaptée du roman de Wilde traite bien plus que de la recherche de la jeunesse éternelle : le portrait de Dorian qu’a réalisé Basil va vieillir alors que le modèle restera beau physiquement mais se désagrégera moralement sous l’influence d’Harry le brillant désabusé aux accents qui font parfois penser à Edouard Baer.
Wilde dont les formules peuvent peupler sans peine un dictionnaire de citations nerveuses disait : «  Dorian Gray contient trop de moi-même, Basil est ce que je pense être, Harry ce que les gens pensent que je suis et Dorian ce que j'aurais aimé être en d'autres temps. »
Le metteur en scène tient le rôle central d’Harry, l’influenceur, et cite l’auteur qui l’a inspiré après avoir présenté ses comédiens. Il renoue ainsi avec une tradition sympathique après un moment de théâtre à l’ancienne où les acteurs et actrice jouent plusieurs rôles avec virtuosité dans une mise en scène qui exprime sans tapage les aspects fantastiques d’un destin tragique.
« Spiritualiser son temps : certes, la tâche est enviable. »
Il est question du pouvoir de l’art, des remords, de la beauté, de la mort, de la vieillesse, de la sincérité, de l’amour, d’amitié, de la méchanceté, de l’humour :
« Pour être populaire, il faut être médiocre ».
« La chose la plus commune, dès qu'on nous la cache, devient un délice. »
Ses vacheries en particulier à propos des femmes peuvent sembler déplacées aujourd’hui, mais la cruauté peut se pardonner de temps en temps quand elle est bien tournée :
« Les femmes sont faites pour être aimées, pas pour être comprises.»
Autour de sujets éternels, le suranné peut avoir ses charmes pour aller au cœur de ce que nous masquent les tapages d’un omniprésent présent.

samedi 9 mai 2020

Le cœur de l’Angleterre. Jonathan Coe.

Ces anglais des Midlands sont nos voisins.
« Adieu Vieille Angleterre, adieu
Adieu richesse sonnante et trébuchante
Si le monde s’était arrêté dans ma jeunesse
Je n’aurai jamais connu ces tristesses.»
De tous les âges: la mère vient de mourir et tout le monde est là pour son enterrement, son veuf  va vivre de souvenirs, leurs enfants sont désabusés, les couples de la génération des actifs se cherchent alors que le Brexit confirme les antagonismes:
« … pour lui, le premier modèle des relations humaines se ramenait à l’antagonisme et à la compétition »
 « Elle vit dans sa bulle et n’accepte pas que les autres puissent penser autrement qu’elle. Et ça lui donne une posture. Une posture de supériorité morale. »
Clown pour enfants, écrivain, universitaire, instructeur d’auto école, ils se confrontent au populisme au politiquement correct, à la fracture sociale :
«  la nostalgie, le mal anglais… la subtilité, le mal anglais », l’humour anglais : un bienfait.
Quelques scènes marquent ces dix dernières années : le retour du père dans son ancienne usine disparue, la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de Londres en juillet 2012 vue de différentes façons. Je n’avais pas le souvenir de telles violences avec des morts pendant les manifestations de 2011 ou lors de l’assassinat de la députée Jo Cox en 2016. Ces évènements habilement mêlés aux existences particulières permettent de relativiser nos affrontements hexagonaux mais rappellent les fractures économiques, sociales, politiques, culturelles qui viennent  nous griffer intimement.
« - Voilà, quand on atteint l'âge de soixante-dix ans, chaque décennie équivaut à un jour de la semaine.
- D'accord.
- Donc la vie commençant un lundi matin...
- OK »
Ces 544 pages agiles viennent s’ajouter à une liste d’auteurs bien aimés natifs d’une nation dont les défaites lors du « Crunch » nous réjouissent.
Même si l’échantillon ci-dessous est restreint, leur l’ironie nous permet de survivre.

jeudi 7 mai 2020

Responsable (bis).

Depuis le temps que je me répands sur ce blog, je croyais n'avoir titré aucun article avec ce mot clef de nos débats, eh si! http://blog-de-guy.blogspot.com/2020/04/responsable.html  C'est que celui-ci revient en force à l’occasion de l’évacuation de la responsabilité pénale des maires en temps d’urgence sanitaire.
Le sénat a entériné un mouvement marquant de nos comportements contemporains : ouvrir les parapluies face à la judiciarisation de nos rapports sociaux. Si les gardiens de la loi préfèrent que ceux à qui ils doivent leurs places se défaussent, comment appeler des citoyens à prendre leurs responsabilités ?
Ces calculs électoraux accompagnent le jingle obsédant de la période : « de toutes façons c’est la faute à Macron », sans atteindre toutefois l’odieux «  Macronvirus », ils participent d’un climat délétère.
Pour chérir ici les paradoxes et les contradictions, je n’en suis pas moins perplexe devant l’incohérence des contempteurs d’une trop grande verticalité du pouvoir qui refusent de choisir quand on leur en laisse la possibilité. Ils tirent sur l’état mais lui soutirent tout ce qu’ils peuvent pourtant : l’état c’est moi !
Le catalogue des instructions du ministère de l’éducation pour la réouverture des classes a semblé bien lourd, que n’aurait-il pas été dit s’il n’y avait pas eu de recommandations du ministère de l’instruction publique ?
Depuis ma retraite confortable, je m’en voudrais d’asséner des leçons, mais en toute bonne dialectique, je vais le faire, prudemment. Quand une ancienne collègue instit’ colle sur Facebook une carte de France, venant du SNUIPP, tout en rouge pour signifier que nulle part ne sont réunies des conditions de sécurité pour accueillir les élèves le 11 mai, je commente en supposant que cette carte deviendra verte au mois de juillet. Il est vrai qu’elle s’était inscrite d’emblée « du côté de la vie face à l’économie », avec tant d’autres, comme cet enseignant interviewé qui ne veut pas tuer sa mère en lui rapportant le COVID. Combien d’assassins a-t-il croisé en allant acheter son masque ? Prônant le droit de retrait, ils s’économisent, bienheureux d’avoir pu ignorer l’économie,15 millions de retraités, 8 millions de personnes au chômage partiel.
Au fil de l’eau, plutôt que dans le courant « courage », un représentant du PS (parti socialiste) déclare:  
 «Je ne souhaite pas que mes enfants, ni qu'aucun enfant de France, soient les cobayes d'une expérience qui pourrait être malheureuse.»
Le confinement a pu permettre de se ressourcer mais en demeurant dans un cocon où nous sommes préservés de l’adversité, des aspérités, des dangers, les déjà mous se sont ramollis et les durs endurcis.
Quand on met le nez dehors, on entend à nouveau les oiseaux, on pourrait aussi réviser la complexité du monde.
Le temps s’était arrêté  http://blog-de-guy.blogspot.com/2020/04/le-temps-se-distend.html mais la géographie, l’histoire, l’économie nous rattrapent : nous nous apercevons que des familles ne mangent pas à leur faim à… Genève, alors au Burkina, la petite fille qui avait un seul œuf à vendre, qu’est-elle devenue ?
Si le virus est un accélérateur de tendances dans le désordre mondial et dans les caractères dont les traits s’accusent, il précipite vers leur fin les plus vieux et les plus fragiles.
« Avec la récession économique qui découle du confinement, ce sont les jeunes qui vont payer le plus lourd tribut, que ce soit sous forme de chômage ou d’endettement. Sacrifier les jeunes à la santé des vieux, c’est une aberration. »
J’approuve ce salutaire coup de gueule d’André Comte-Sponville et je ne suis pas mécontent que mon fils n’ait pas d’idées préconçues quant à la reprise des cours pour se petits.
Dans le débat plus général, quand est minimisé le temps qui reste à passer en classe d’ici les vacances, est oublié le temps très long où les enfants ont été privés d’école, même si certains professeurs des écoles n’y voient aucun inconvénient http://blog-de-guy.blogspot.com/2020/04/le-postillon-n-55-printemps-confine-2020.html, je suis d’une autre école, d’une autre génération.
« Si demain le temps des procureurs l’emporte sur le temps des éclaireurs nous allons dans le mur. » Nicolas Hulot
...............
Comme le nombre de mots dépassait ce qu'un commentaire peut contenir, j'ajoute cette contribution au débat qui m'est parvenue dans ma boite mail avec l'accord de l'auteure:

" Bonjour,
Je n’ai pas l’habitude de réagir à vos articles que je lis assez souvent ... et même si je n’ai pas votre facilité d’écriture j’ai besoin de m’exprimer en lisant et relisant le dernier que vous avez posté.
Il m’a mise en colère et blessée également.  Vous sous-entendez  quelque part que nous sommes des « planqués »  : « Prônant  le droit de retrait ils s’économisent  bienheureux d’avoir pu ignorer l’économie… »   ou bien réagissant à cette carte de France du SNUIPP en rouge qu’une amie et collègue de Saint Egrève avait postée sur FB . À l’époque votre commentaire m’avait déjà fait un petit tiquer … Comme si pendant toute cette période nous, enseignants, nous nous étions tranquillement tournés les pouces à la maison ...
Je ne sais pas si vous avez encore le loisir de consulter des blogs d’enseignants ou de côtoyer des instits en activité mais ces deux derniers mois n’ont pas été de tout repos. Personnellement j'ai été vraiment bluffée par le travail incroyable que certains collègues faisaient à distance avec leurs élèves (travail qu'ils partageaient généreusement...) et que  je n’étais pas capable de faire par manque de connaissance des nouveaux outils numériques. Je me suis contentée de travailler à distance via Internet et beaucoup par téléphone. J’ai passé des heures à appeler mes élèves pour les aider ou leurs parents me transformant parfois en psy à distance quand ceux ci craquaient … Je ne pense pas les avoir abandonnés  ou ne pas avoir rempli ma mission. Sous-entendre que la carte de France allait comme par miracle être verte le 4 juillet était pour moi assez méprisant envers le corps enseignant.
Quant à la reprise j’aurais aimé qu’elle se passe différemment : la faire sur la base du volontariat : le ver était dans le fruit et c’était ne lui donner aucune chance de réussir… On nous a asséné ces dernières semaines qu’il fallait à tout prix raccrocher les enfants décrocheurs, les plus fragiles, les familles qui n’avaient pas accès aux nouvelles technologies… Etc. etc. Mais qui regarde BFM TV… ? Qui se nourrit des rumeurs les plus anxiogènes… ? Résultat : sur ma petite classe de CE1 en REP "100 % réussite" je n’ai que le tiers  de mes élèves qui vont revenir et ce tiers a des parents qui ont dû recevoir la même éducation que votre fils et qui ont la même capacité de réflexion ...  autant dire que ces enfants à mes yeux ne sont pas les plus défavorisés au niveau transmission des savoirs. Ceux que j’aurais aimé voir revenir à l’école ne reviendront pas car leurs parents ont trop peur pour eux… Un autre élément  intervient en cette période : le ramadan qui déjà les autres années éloigne certains enfants de l’école car les parents ont plus de mal à les réveiller le matin ayant souvent veillé tard en famille…
À mes yeux il ne fallait pas laisser le choix. Il fallait effectivement organiser la reprise pour que les conditions sanitaires soit réunies peut-être un jour sur deux mais il fallait que tous les  enfants reprennent le chemin de l’école. Du coup les écarts vont encore se creuser. Nous autres enseignants nous allons nous trouver devant des enfants en présentiel et des enfants qu’il faudra continuer à suivre à distance…  (Je ne crois pas que les enseignants s'économiseront en assurant cette double tache).
Les ordres et les contre-ordres affluent. Être directeur en cette période n’est pas une sinécure. À Anatole France à Fontaine par exemple nous avons annoncé aux parents que l’école reprendrait la semaine prochaine mais hier au soir  on a appris que notre école était réquisitionnée pour recevoir tous les enfants prioritaires de la commune et que du coup nous ne pourrions pas accueillir nos propres élèves… Il a fallu donc faire un mail aux parents pour leur dire que finalement la rentrée était repoussée au moins au 18 mai... Comment décourager ceux qui avaient "vaillamment" pris la décision d'envoyer leur rejeton "au front" ...  ? tout ceci assorti d’un protocole sanitaire que je vous joins et qui fait complètement halluciner… !
J’essaye d'imaginer qu'elles auraient été vos réactions il y a 15 ans quand vous étiez encore en poste avec la conscience professionnelle, le bon sens et l’engagement qui vous caractérisaient.
Désolée d’avoir été si longue mais j’avais besoin de m’exprimer et de vous expliquer mon point de vue depuis le terrain.
À bientôt… J’espère qu’on se croisera à l’automne à la MC2 !"
Martine C
....
 le dessin est de Chappatte pour "Le temps" repris par courrier International.
 

mercredi 6 mai 2020

Lacs italiens 2019 #13. Isola Madre

D. retourne ramasser des pommes et J. à nouveau les cuisine en compote.
Nous levons le camp sous un ciel parsemé de quelques nuages peu menaçants et une température plus élevée que les matins précédents.
Nous prenons nos tickets pour l’Isola Madre  dans la guitoune du publico servizio (45 € pour quatre personnes).
Le marinier rechigne un peu pour la carte bleue mais l’accepte et c’est le parcmètre qui se montre  moins coopératif, aussi le marinier vient à mon secours car il nous attend pour le départ.
Le voyage dure dans les 10 minutes, l’île étant la plus éloignée des trois. Nous ne sommes guère nombreux à débarquer. Après un petit café, nous payons notre droit d’entrée : 13 € chacun.
Le temps est maintenant ensoleillé et doux, parfait pour flâner dans le jardin botanique  à l’anglaise.
 Il ressemble plus à un parc de huit hectares qu’à l’extérieur ordonné du palais d’Isola Bella. 
Il regroupe une grande variété de plantes, certaines connues d’autres plus exotiques, certaines en pleine terre d’autres dans des pots en terre. 
Les couleurs multiples explosent et jouent un rôle important dans les associations des fleurs ou des feuillages pour obtenir des massifs composés avec goût : azalées, rhododendrons, lantanas, hibiscus, houx, bougainvilliers, bananiers, bambous verts ou noirs, oliviers, lotus, feuilles vert clair ou foncé, unies ou panachées….
Déraciné lors de la tempête de 2006, le vénérable et  grand cyprès du cachemire  vieux de deux cents ans, a été redressé à l’aide de grues et se maintient grâce à des câbles solidement enfoncés, près de l’entrée du palais.
Difficile d’imaginer que toute cette végétation résiste aux frimas de l’hiver et pourtant !
Il n’y a pas que les plantes hébergées et soignées dans ce petit paradis. 
 
Des paons et des faisans peu farouches circulent librement au détour des allées, blancs ou colorés, mais ne se laissent pas photographier facilement.
Quant aux perroquets et aux perruches, ils sont prisonniers dans des volières piazzale dei pappagali, tandis que des moineaux gourmands de l’autre côté des grilles les narguent et s’approchent pour profiter de leurs  graines.
Si le Palazzo  semble plus modeste que celui d’isola Bella, il ne manque cependant pas de curiosités.
 
 
-  Nous découvrons d’abord  une série de portraits espagnols dont celui de Philippe II
- Des objets plus personnels comme la collection de poupées de la comtesse, des parapluies, des chemises et éventails  révèlent  les goûts et  la vie de leurs propriétaires aisés.
- les marionnettes à fil protégées derrière des vitrines témoignent  de leurs distractions. Le théâtre privé semble prêt à fonctionner avec ses quelques chaises placées face à la scène devant trois ou quatre pantins attendant de prendre vie au milieu du décor. Les personnages  sont issus de la comedia del Arte, ou représentent des commères, des juges, des policiers, un loup, parfois proches de la caricature. C’est vraiment original et intéressant à détailler.
- au niveau du Palazzo lui-même, un art de vivre raffiné transparait ; un  joli salon d’angle lumineux aux murs peints  de dessins délicats  est gratifié d’un monumental lustre vénitien.
A la sortie, la déambulation nous conduit directement vers une chapelle extérieure. 
Elle est  séparée du Palazzo par un bassin fleuri de nénuphars, et est accessible via un escalier à balustrade curieusement, gardé par un lion chinois.
Inévitablement, nous devons traverser la boutique où je remarque, comme hier, la vente d’une eau parfumée qui se revendique des îles Borromées.  
« Nulla sveglia un ricorde quante un parfume » « Rien n'éveille mieux un souvenir qu'un parfum » Cette citation de Victor Hugo participe à sa publicité.
Nous traînons un peu  au milieu des plantes étrangères (Australie et Nouvelle Zélande) avant d’attraper le dernier bateau de 13h50 pour Stresa.
 
Il est tard et nous consommons notre plat de pâtes quotidien au restaurant attenant au funiculaire.
Nous n’avons pas à  chercher l’embarcadère si peu indiqué et le petit parking au pied du funiculaire du Mottorone, nous sommes en terrain connu.


lundi 4 mai 2020

L’argent. Marcel L’Herbier. Jean François Zygel.

Nous sommes allés à la MC2  avant tout pour le musicien pédagogue vu à la télé qui sait si bien communiquer sa passion. Comme Zygel nous l’a expliqué, il est arrivé que des orchestres symphoniques soient invités à des projections cinématographiques de ce qui était à ses débuts un art forain.
Ce soir, le pianiste au premier plan fait mieux qu’accompagner les images muettes de Marcel l’Herbier, fondateur de l’IDHEC (Institut des hautes études cinématographiques).
Le film très art déco, inspiré du roman homonyme de Zola qui se déroulait au XIX° siècle, date de 1928, juste avant le crack boursier, alors que le cinéma muet vit ses derniers instants.
Si les regards expressifs des acteurs n’impressionnent guère le spectateur d’aujourd’hui, les mouvements de caméra, les décors, les costumes, justifient les éloges que cette œuvre richement financée a recueillis tardivement.
Le format  de 2 h 50 aurait pu être raboté, sans nuire à l’incompréhension qui peut naître devant la frénésie des mouvements boursiers, matière peu cinématographique, en dehors des vues sur un lieu qui avait toutes les raisons de s’appeler la corbeille.
L’aviateur adjoint du banquier a mis plus de temps à se décoller de sa femme que pour traverser l’Atlantique. Par contre il perd la vue et la retrouve en moins de temps que je mets à retrouver mes lunettes.
Il est intéressant de voir Antonin Artaud acteur et Yvette Guilbert en boursicoteuse, quant à  La baronne Sandorf jouée par Brigitte Helm dans le genre femme fatale qui ne succomberait pas ?
La silhouette des Dupond et Dupont apparaît même avant leur première sortie en 1934 dans « Les cigares du pharaon ».
Avant la conclusion qui apporte une touche d’humour bienvenue, une formule éprouvée se retrouve sur un carton : « L’argent est un bon serviteur mais un mauvais maître ». Elle peut servir de résumé.

dimanche 3 mai 2020

La route de Beit Zera. Hubert Mingarelli.

L’auteur vient de mourir à  Grenoble à l’âge de 64 ans et j’ai le souvenir de la ferveur de lectrices à son égard que je partageais
Comme l’histoire se déroule en Israël, près du lac de Tibériade et de la ville de Beit Zera on peut penser que l’affaire israélo-palestinien va être présente d’autant plus qu’un enfant arabe vient rendre visite fréquemment au personnage principal qui a servi dans l’armée israélienne.
Le conflit est là profondément, mais l’écriture de Mingarelli élève le récit à l’universel.
La peur, la fidélité, l’attachement, l’amour, l’amitié, la méfiance sont exprimés avec une grande pudeur, et n’en prennent que plus de relief.
La solitude, l’attente, rendent l’atmosphère beckettienne dans cette maison de solitude, où chaque geste, chaque mot rare, voire chaque silence appelle la tendresse.
La caresse à un chien, un nuage, des nuages, une cigarette, illuminent ces heures répétitives et essentielles.  
«  La nuit lorsqu’il se leva et vint s’asseoir dans la cuisine, c’est encore à cela qu’il pensa, à son trouble en entendant le garçon tousser. A cause de la nuit, à la façon dont elle déforme les choses, cela lui apparut comme un évènement considérable ; un bruit l’interrompit. Il alla vers la fenêtre. Derrière la vitre il entrevit quelque chose qui s’agitait. Il sortit sous la véranda. En l’entendant venir, l’oiseau s’envola du rebord de la fenêtre. »

vendredi 1 mai 2020

Incertitudes.

Maintenant que le « monde de demain » prendrait des allures d’avant-hier avec topinambours au jardin et carriole à cheval, me revient le schéma du logement de fonction comme perspective d’avenir, à réhabiliter alors qu’il avait tendance à ne subsister que de façon résiduelle.
Des propositions récentes de résidence pour le personnel soignant à proximité de l’hôpital m'évoquent quelques images sépia d’école au centre du village.
A ce propos, une anecdote qu’une fille de maître d’école de l’Ardèche se plait à raconter : une institutrice installée dans son appartement au dessus de la salle de classe commandait d’un coup de talon le changement d’élève lisant à haute voix lorsqu’un inspecteur vint à passer par là. Il n’y a pas lieu d’idéaliser la hussarde noire des temps anciens pas plus que de craindre forcément une proximité des agents de l’état avec leur public d’aujourd’hui.
Alors que les déplacements deviennent de plus en plus problématiques, la possibilité de loger à côté de son lieu de travail peut compter dans l’attractivité de métiers qui peinent à trouver du personnel. La cité ouvrière n’a-t-elle pas été le terrain où se concrétisaient des utopies sociales qui se sont souvent bien accommodées avec l’esprit de corps, le patriotisme du métier, le chauvinisme de la boîte ?
Je suis cohérent avec mes plaidoiries répétitives qui soutiennent l’idée de « construire la ville sur la ville ». Ainsi moins de mitages des surfaces agricoles, d’embouteillages à l’entrée des agglomérations, et plus de temps pour s’occuper de soi et des enfants, voire d’un jardin sur le toit. Cette vision écologique aux couleurs pastel se heurtera au mécontentement  de riverains préférant des pavillons à des immeubles fusent-ils de taille modeste et de plus belle allure que les reproductions de maisons « Ile de France » mal isolées.
Les jeux du marché, avec télétravailleurs transformant leur résidence secondaire en domicile principal, verraient-ils un desserrement des prix des logements en ville ?
Ces plans sur la comète arrivant sur une planète ruinée en un clin d’œil par un imperceptible virus couronné, s’ils donnent matière à réfléchir au confiné confortablement installé, ne peuvent rien sur le cours des choses qui voit le chômage exploser alors qu’il était en train de se réduire. 
« Essayons d’agir sur ce qui dépend de nous, mais quand on est face à quelque chose qu’on ne peut changer, il vaut mieux l’accepter joyeusement Frédéric Lenoir
Le sentiment d’un grand danger, voire d’une mort imminente pour les plus démunis, devrait appeler plus de précautions : il n’en est rien. Quand tout devient égal sous l’empire de la nécessité la plus urgente, plus rien n’a d’importance.
Que cela étreigne les « Intouchables », là bas, peut se concevoir mais n’excuse pas les desesperados de par chez nous prêts à revêtir toutes les tuniques criardes mais se défilant devant toute responsabilité.
« L'incertitude est le pire de tous les maux jusqu'au moment où la réalité vient nous faire regretter l’'incertitude. » Alphonse Karr
L’ambigüité, le doute sont excitants intellectuellement pour ceux qui sont dans une situation stable mais angoissent les « oiseaux sur la branche ». A ceux-là s’ajoutent tant de « bien assis » opposés aux décisions verticales, se révulsant à chaque variation dans les solutions proposées, ne voulant pas comprendre des aménagements, reprochant tout et son contraire, dénonçant autoritarisme et indécision où l’on peut lire responsabilité et sens de l’adaptation.
Souvent ceux qui en appellent à des changements drastiques pour le temps d’après ont le plus de mal à sortir de leurs mantras confinés des temps d’avant.