La pièce adaptée du roman de Wilde traite bien plus que de
la recherche de la jeunesse éternelle : le portrait de Dorian qu’a réalisé
Basil va vieillir alors que le modèle restera beau physiquement mais se désagrégera
moralement sous l’influence d’Harry le brillant désabusé aux accents qui font
parfois penser à Edouard Baer.
Wilde dont les formules peuvent peupler sans peine un
dictionnaire de citations nerveuses disait : « Dorian Gray contient trop de moi-même, Basil est ce que je
pense être, Harry ce que les gens pensent que je suis et Dorian ce que j'aurais
aimé être en d'autres temps. »
Le metteur en scène tient le rôle central d’Harry,
l’influenceur, et cite l’auteur qui l’a inspiré après avoir présenté ses
comédiens. Il renoue ainsi avec une tradition sympathique après un moment de
théâtre à l’ancienne où les acteurs et actrice jouent plusieurs rôles avec
virtuosité dans une mise en scène qui exprime sans tapage les aspects
fantastiques d’un destin tragique.
« Spiritualiser
son temps : certes, la tâche est enviable. »
Il est question du pouvoir de l’art, des remords, de la
beauté, de la mort, de la vieillesse, de la sincérité, de l’amour, d’amitié, de
la méchanceté, de l’humour :
« Pour être
populaire, il faut être médiocre ».
« La chose la
plus commune, dès qu'on nous la cache, devient un délice. »
Ses vacheries en particulier à propos des femmes peuvent sembler
déplacées aujourd’hui, mais la cruauté peut se pardonner de temps en temps
quand elle est bien tournée :
« Les femmes sont
faites pour être aimées, pas pour être comprises.»
Autour de sujets éternels, le suranné peut avoir ses charmes
pour aller au cœur de ce que nous masquent les tapages d’un omniprésent
présent.
Pour une fois qu'on a vu le même spectacle...
RépondreSupprimerJe partage ton avis sur le traitement du "Portrait".
Nous avons eu droit à un beau spectacle qui était très maîtrisé, vu le nombre de fois que les acteurs/metteur en scène l'avaient donné avant d'arriver chez nous. Tout en étant très maîtrisé, ça ne sentait pas le désabusé, ni l'usure, quand même.
Vive les sujets éternels. Même en vieillissant, je ne m'en lasse pas. Toujours quelque chose à découvrir dans les sujets éternels. Ouf.
Harry est un vrai Méphistopheles, un séducteur pervers qui est bien plus vénéneux qu'Edouard Baer. Edouard Baer est un peu délavé pour Harry. Moderne, disons. Un mal... mou, amolli par l'inconséquence, et le manque de conviction. A mon avis.
Edouard Baer est un personnage/acteur trop sympathique pour vraiment nous séduire (ou séduire Dorian) comme le fait Harry.
Il faut un peu de consistance pour séduire, si ce n'est pas séduire pour se faire materner. Harry est au delà de séduire pour se faire materner, tout de même.